La loi relative aux libertés et responsabilités locales a prévu la possibilité de déléguer le contingent préfectoral au maire ou à l'EPCI. Le contingent préfectoral est un outil au service du logement des plus démunis. L'État ne peut s'en dessaisir, sauf à fragiliser la crédibilité de toute politique nationale de solidarité et à abandonner son rôle de garant du droit au logement.
Je vous rappelle les inquiétudes que la Fondation Abbé Pierre a formulées en 2005, dans un chapitre de son rapport au titre alarmant : « L'implosion de la politique en faveur du logement des défavorisés ».
Il y est écrit : « Que se passera-t-il quand les communes qui détiennent une offre de logement social, que l'on sait très inégalement répartie, conserveront la gestion du contingent préfectoral ? [...] Le contingent préfectoral, dont la gestion était très inégale selon les départements, a pourtant permis de reloger des ménages sortant de structures d'hébergement ou de logements temporaires ou de ménages considérés comme difficiles. Il constituait un des leviers par lesquels l'État contribuait au logement des défavorisés et faisait ainsi jouer son rôle de garant des solidarités. La délégation est-elle autre chose qu'un trompe-l'oeil puisque les maires qui géreront le contingent préfectoral n'ont pas d'obligation de résultat et que les préfets ne pourront reprendre que difficilement la délégation si les objectifs de logement des personnes défavorisées ne sont pas respectés ? »
L'article 9 de ce projet de loi s'inscrit dans la même démarche, qui nous semble porteuse de dangers pour les plus démunis. Il sera notamment possible de substituer les accords collectifs intercommunaux aux accords collectifs départementaux, dans le droit-fil de la délégation de compétence du préfet vers les EPCI. C'est pourquoi nous avons cosigné l'amendement tendant à la suppression de cet article.
Nous assistons à un véritable désengagement de l'État, lentement mais sûrement, de sa mission qui consiste à loger les plus défavorisés, ceux que les bailleurs ou les élus locaux ne veulent pas accueillir, les « indésirables ». C'est comme si l'État démissionnait, même quand, formellement, il conserve un pouvoir.
Permettez-moi de vous citer la note n°3 du GELD, le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations : « Par souci de ne pas heurter trop violemment les autres acteurs, rares sont les préfets qui ont fait jouer la plénitude de leur pouvoir. Les services préfectoraux acceptent par exemple les demandes de dérogation des organismes réduisant le contingent préfectoral sur les opérations de réhabilitation. [...] Les offices publics demandent aussi des dérogations pour pouvoir loger les habitants de la commune et éviter l'apport extérieur de populations issues du contingent préfectoral. En règle générale, plutôt que de s'engager dans la voie de la coercition, l'État opte pour l'évitement du conflit avec ses partenaires. »
En conclusion, nous estimons que l'État doit assumer ses responsabilités vis-à-vis des plus démunis. Tel est le sens de cet amendement, qui tend à assurer le maintien strict du contingent préfectoral.