Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous venons de célébrer le xxè anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, la transparence et la sûreté en matière nucléaire sont plus que jamais d'actualité.
Cet anniversaire a réactivé le traumatisme causé par ce drame, les statistiques sur le nombre des cancers ou des maladies thyroïdiennes présentées à cette occasion par les médias alimentant la méfiance à l'égard d'une filière perçue a priori comme opaque et dangereuse.
Dès lors, il est indispensable de renforcer la confiance de nos concitoyens. Le développement du nucléaire sera d'autant mieux accepté que le pays accordera sa confiance à cette technologie.
Heureusement, la France a, depuis longtemps, tiré les leçons non seulement de sa gestion, mais aussi et surtout de sa mauvaise communication à propos de la catastrophe de Tchernobyl.
Nous savons tous dans quel contexte s'est opéré le choix de la filière nucléaire française. Aujourd'hui, principal producteur européen d'énergie nucléaire, la France a acquis, au fil des ans, une maîtrise de l'ensemble de la filière nucléaire, alors que plusieurs de nos voisins européens ont hésité à progresser dans cette voie.
Désormais, il en va tout autrement. Le renchérissement des hydrocarbures et la crise du gaz déclenchée par la Russie ont relancé le débat nucléaire en Europe. La nouvelle coalition CDU-SPD arrivée au pouvoir en Allemagne envisage sinon de revenir sur le principe de la sortie du nucléaire, du moins d'en repousser l'échéance, tandis que des pays comme l'Italie ou l'Espagne reconsidèrent la pertinence de leur moratoire sur l'énergie nucléaire.
En outre, le nucléaire a acquis une nouvelle légitimité face à l'enjeu majeur du réchauffement climatique. C'est ainsi qu'en France le programme nucléaire a permis de diminuer les émissions de gaz carbonique d'environ 40 % par rapport au niveau qu'elles auraient atteint avec des centrales thermiques classiques, soit 350 millions de tonnes de CO2 évitées par an.
L'objectif pour la France est à présent de rester à l'avant-garde de la technologie nucléaire, notamment grâce à l'expansion de l'EPR, que nous avons approuvée lors du vote de la loi d'orientation sur l'énergie, ainsi qu'à l'implantation du projet ITER à Cadarache.
La relance de ces nouveaux projets, ainsi que le renouvellement du parc nucléaire actuel constituent une réelle nécessité, et ce malgré le coût du démantèlement des plus anciennes centrales et la question délicate du traitement des déchets nucléaires.
Je me félicite d'ailleurs que le calendrier parlementaire nous permette de traiter au cours de la même semaine de ces deux problèmes, celui des déchets et celui de la transparence, afin que nous puissions élaborer une réflexion plus globale en la matière.
Alors que la première génération de centrales nucléaires arrive en fin de vie et que nous devons gérer de façon définitive les déchets radioactifs à haute activité et de longue durée, il est indispensable d'obtenir l'adhésion d'une large majorité de la population à cette filière.
C'est dans cette optique que, dorénavant, « la transparence et la rigueur des contrôles vont de pair avec le développement de notre programme nucléaire », ainsi que l'a souligné, le 22 février dernier, le Président de la République.
Certes, depuis plus de quarante années que fonctionne réellement le nucléaire à vocation industrielle, il existe un code de bonnes pratiques tant pour l'administration que pour les exploitants. Mais force est de constater qu'il reposait avant tout sur un cadre réglementaire et un ensemble évolutif de ce que l'on a coutume d'appeler le retour d'expérience.
Le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire était donc très attendu, non seulement par les parlementaires, mais aussi et surtout par l'opinion publique, par nos concitoyens.
Ce texte apporte un cadre législatif utile et nécessaire à une problématique qui reste délicate et sera au centre des préoccupations dans les années à venir.
Sur le fond, il est clair que ce projet de loi est utile en ce qu'il donnera une véritable assise juridique et publique en matière de transparence, de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Notre arsenal reposait jusqu'alors, d'une part, sur deux ou trois lignes de la loi de 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs et, d'autre part, sur la loi de 1980 sur le transport de matières nucléaires. Trente ans, ou presque, se sont écoulés. Cette période a été marquée par un grand embarras ; nous partagions alors le sentiment selon lequel moins on en parlait, moins on risquait de rencontrer de problèmes. Cette époque est, heureusement, totalement révolue.
En faisant référence à deux principes fondamentaux déjà reconnus en matière d'environnement, le principe du pollueur-payeur et celui de participation du public, ce texte se situe parfaitement au centre des préoccupations actuelles, à un moment où le besoin de transparence et l'exigence de sécurité par rapport à des activités dangereuses dépassent le cercle des riverains des installations nucléaires.
Toutefois, la véritable nouveauté de ce projet de loi, qui a fait suite à la lettre rectificative du 22 février dernier, réside dans la création d'une institution indépendante du pouvoir politique, l'Autorité de sûreté nucléaire.
Ce projet de loi prévoit de conférer à cette dernière des missions et de lui accorder des moyens étendus pour lui permettre de contrôler le respect de grands principes.
Il est vrai que des débats et des inquiétudes se sont cristallisés autour de cette autorité indépendante. Que faut-il en penser vraiment ?
Comme l'ensemble du groupe UC-UDF, au nom duquel je m'exprime, je m'inquiète de la démultiplication des autorités indépendantes qu'il nous est demandé d'autoriser depuis quelques années ; d'après le Conseil d'État, il en existe désormais plus d'une trentaine.
Certes, ce type de statut, notamment lorsqu'il permet d'éviter que l'État ne soit à la fois juge et partie, en tant qu'État actionnaire ou État régulateur, dans des activités économiques stratégiques, peut présenter des avantages.
Cependant, les autorités administratives indépendantes doivent demeurer une formule réservée aux domaines où la nécessité de leur existence s'impose avec évidence.
Or la tendance à créer des autorités administratives indépendantes se fait jour dès qu'un problème apparaît. À ce titre, je rappellerai qu'en 1999 notre collègue Mme Dominique Voynet, alors ministre de l'environnement, avait déposé un projet de loi relatif à la transparence et à la sûreté en matière nucléaire dans lequel il était envisagé de créer une autorité administrative indépendante chargée de la sûreté nucléaire et étant habilitée à prendre des mesures de police.
Le Conseil d'État, dans un avis, s'est prononcé contre ce texte en rappelant que ces mesures de police administrative devaient demeurer de la compétence du Gouvernement.
Au-delà de ce projet de loi, la formule de l'autorité administrative indépendante n'est pas neutre au regard de l'exercice du pouvoir gouvernemental et du rôle de l'État, garant de l'intérêt général, qui s'accommode mal de sa parcellisation.
De façon plus matérielle, la démultiplication des autorités administratives indépendantes a également un coût, qu'un État impécunieux a de plus en plus de mal à assumer.
Lors de la navette parlementaire, la commission des affaires économiques du Sénat ainsi que nos collègues députés ont cherché à délimiter le plus nettement possible les compétences relevant de l'État et celles qui sont dévolues à cette nouvelle autorité.
Celle-ci se doit d'assurer les conditions de la transparence et du contrôle, et, par voie de conséquence, d'apporter les informations dont la crédibilité ne doit pas être remise en cause par la confusion des responsabilités des pouvoirs.
En revanche, il convient de réaffirmer avec netteté à cette tribune que la décision in fine après un débat préalable, y compris au Parlement, revient aux gouvernants, son application relevant des services de l'État.
Dès lors, l'équilibre sera sans doute difficile à tenir, ce qui n'est qu'une raison supplémentaire pour que le Gouvernement et le Parlement soient vigilants.
En conclusion, madame la ministre, et en vous apportant le soutien du groupe UC-UDF, il me reste à féliciter les rapporteurs de la commission des affaires économiques de leur excellent travail.