Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, très peu de temps après l’adoption du Grenelle I – rappelez-vous, c’était le 23 juillet dernier, juste avant que les lumières de cet hémicycle s’éteignent –, nous abordons l’examen du fameux Grenelle II, objet de tant de discussions, d’articles de presse, d’interprétations, voire de fantasmes.

Au-delà de cette actualité, c’est bien avec l’objectif de modifier les comportements que mon groupe et moi-même avons travaillé en commission, et que nous allons aborder cette dernière phase du travail législatif.

Pour autant – j’allais dire une fois de plus –, le calendrier législatif manque de cohérence, et je regrette, à ce titre, l’absence de M. de Raincourt. Nous aurions dû discuter d’abord des compétences des collectivités locales – elles seront les principaux acteurs de cette évolution, sinon de cette révolution, dans le domaine de l’environnement –, ensuite de la réforme de la fiscalité, en particulier de celle de la taxe professionnelle, au cours de laquelle il sera question des « quatre vieilles » et dont on peine à connaître l’affectation, enfin de la fameuse taxe carbone, dont tout le monde parle sans en connaître ni l’assiette ni la redistribution. Quoi qu’il en soit, je trouve anormal que le Parlement ne soit pas saisi. En effet, comment aborder les questions environnementales et déterminer les acteurs qui devront les mettre en œuvre si l’on ignore le contenu de la réforme des collectivités ? Autrement dit : qui fait quoi ?

Nous travaillons avec un logiciel qui sera obsolète dans quelques mois. Pourquoi utiliser la procédure accélérée alors qu’une deuxième lecture de ce projet de loi après la réforme des collectivités nous aurait permis de savoir exactement quelles sont les compétences respectives des différentes collectivités ? Quelles compétences les collectivités devront-elles se partager ? Qui sera le chef de file sur les thématiques environnementales ? Ce sont autant de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses à ce jour.

Nous nous interrogeons également sur les moyens dont disposeront les collectivités pour la mise en œuvre de ces politiques, alors que nous sommes dans le flou total en matière de réforme de la fiscalité locale. Et ce n’est pas l’audition de Mme Lagarde, ni celle de M. Marleix, mercredi dernier, qui nous ont éclairés. Je crois d’ailleurs que ce sentiment est partagé sur l’ensemble des travées.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre d’État, des « définitions budgétaires ». Je dois vous avouer que je ne les ai pas très bien comprises. D’ailleurs, où se trouvent-elles ?

Nous devons également parler de la taxe carbone. Si sa nécessité fait consensus, bien des questions subsistent, tant sur son assiette que sur l’affectation de son produit. Pour ma part, je considère que seule une partie des contributions aux émissions de gaz à effet de serre est taxée, alors que nous consommons tous des biens qui ont un bilan carbone bien plus négatif que le chauffage et le transport, sans parler des produits importés, dont le bilan social et environnemental est catastrophique. Je citerai simplement l’exemple des produits bruns et blancs, que nous avons tous chez nous, et celui des fameux panneaux photovoltaïques, dont le bilan carbone est négatif.

Après une riche préparation en commission, qui s’est déroulée dans un climat fort agréable avec les rapporteurs, et qui a été marquée par la présence continue de madame la secrétaire d’État, nos échanges en séance s’inscrivent dans le contexte politique que l’on connaît, dans un contexte social et sociologique pressant et, enfin, dans un contexte environnemental qui s’impose de lui-même.

S’agissant tout d’abord du contexte politique, l’idée même d’un Grenelle de l’environnement est apparue au grand public à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007, au cours de laquelle tous les candidats s’étaient engagés en faveur de ce projet en signant le fameux texte que l’on connaît. Depuis, il y a eu le résultat des élections européennes. Ce contexte politique ne doit ni orienter ni désorienter nos débats ; il doit au contraire nous éclairer sur les volontés réelles de nos concitoyens, même si elles sont parfois contradictoires.

La prise de conscience est donc bien réelle et concerne tant les catégories socioprofessionnelles que le lieu et le type d’habitations.

Cela est d’autant plus vrai que le contexte environnemental s’impose à nous : je pense, bien sûr, à la réalité de l’état de santé de la planète et à la manière dont, d’un côté, nous exploitons ses ressources et, de l’autre, nous handicapons sa capacité à les renouveler.

Les enjeux sont à la hauteur de ce contexte à multifacettes et les mesures à prendre doivent l’être dans un discours de vérité, qui dépasse l’invocation stérile.

Je regrette vivement que bon nombre de dispositions ne soient au final qu’incitatives. Ainsi, des sociétés sont seulement tenues d’inscrire dans leur rapport de gestion la manière dont elles tiennent compte ou non des impacts sociaux et environnementaux de leur activité.

À l’instar de nombreux économistes – notamment un lauréat du prix Nobel d’économie, dont les propos étaient rapportés dans un quotidien que je lisais ce matin –, nous sommes persuadés que le capitalisme et le marché n’ont pas vocation à être vertueux.

C’est donc bien par la contrainte mesurée et équilibrée, autrement dit par la régulation, que nous pourrons faire évoluer les comportements, notamment ceux des grands groupes.

À l’évidence, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que nous allions vers davantage de transparence dans la présentation des portefeuilles boursiers. Mais, là encore, nous atteignons les limites des dispositions incitatives, lesquelles ne sont pas assez contraignantes à mon sens.

Je souhaite aussi aborder, dans la continuité de mes propos sur le contexte politique et sociétal, la problématique des effets de communication. À l’occasion du Grenelle de l’environnement, toute une série d’annonces, plus spectaculaires les unes que les autres, avaient vu le jour, particulièrement sur les transports : taxe poids lourds, euro-vignette, bonus-malus écologique pour les voitures, kilomètres supplémentaires de TGV et de TCSP, ou transports en commun en site propre, autoroutes, fret maritime et ferroviaire, etc.

Malgré les avancées obtenues sur ces sujets lors du travail parlementaire du Grenelle I, nous devons nous saisir pleinement de ce texte pour renforcer ces orientations et essayer de trouver les moyens de les mettre en œuvre.

Vice-président d’une agglomération qui est actuellement en plein chantier de tramway, le retour au financement par l’État des transports en commun en site propre, après la suppression de la ligne budgétaire en 2003, me paraît évidemment positif. Pour autant, la méthode d’attribution des aides devra, elle aussi, être plus transparente et assurer un équilibre, pour ne pas dire une équité, entre les territoires. Aujourd’hui, les TCSP représentent un enjeu pour toutes les collectivités, et non plus uniquement pour les grandes métropoles.

Mais ce n’est pas à l’occasion d’une réforme de la fiscalité locale, dont je n’ose croire qu’elle aura un effet positif sur les ressources des communes et de leurs EPCI, que le Gouvernement doit faire porter sur les collectivités les conséquences budgétaires des engagements qu’il a pris dans cette loi. Certes, je comprends et je soutiens ces derniers, mais j’aimerais que l’État trouve ailleurs les moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

Notre assemblée a toujours été la garante de lois pragmatiques, volontaires, équilibrées et applicables. Le groupe socialiste s’efforcera de faire valoir cette méthode dans nos débats. Il nous arrive même d’écouter les éminents rapporteurs de la majorité !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion