Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nos travaux parlementaires se sont achevés le 23 juillet dernier avec l’adoption du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit « Grenelle I ». Il s’agissait de conférer une valeur législative aux objectifs et aux orientations du Grenelle de l’environnement, ainsi que d’associer le Parlement, par la rédaction d’une véritable loi de programmation, à l’élaboration du droit de l’environnement. La trêve estivale a révélé chaque jour une nouvelle dimension du combat à mener pour améliorer la situation. Il est vrai que la tâche est complexe et que les thèmes sont nombreux.

Le Grenelle II, qui nous est aujourd'hui soumis, doit permettre de dresser une nouvelle grille de lecture. Il nous faut agir afin de ne pas laisser aux générations futures l’héritage de nos excès, mais sans tourner le dos au progrès.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, avec sept titres et 104 articles, est un nouveau texte d’ampleur, à la hauteur de la densité du thème abordé.

Mes chers collègues, l’examen de ce texte a démontré, s’il en était besoin, notre implication. Il a révélé ou confirmé l’endurance des parlementaires face à une nouvelle procédure législative à peine éprouvée et à un calendrier chargé, comportant des réunions de commissions en pleine saison estivale. Lors de séances-marathons, pas moins de trois commissions ont épluché 1 089 amendements, dont 349 ont été adoptés pour aboutir au texte qui nous est présenté aujourd'hui.

La plupart des articles de ce projet de loi ont pour objet principal une réduction de notre consommation d’énergie, l’enjeu prioritaire étant certainement de nous désintoxiquer de l’or noir. Cependant, pour la première fois, l’ensemble des secteurs ont été abordés de front au cours d’une même négociation, qu’il s’agisse du bâtiment, des transports, de l’agriculture.

Le présent texte doit nous préparer à l’économie de l’après-pétrole. À l’instar de ses partenaires européens, la France s’est engagée à réaliser 20 % d’économies d’énergie d’ici à 2020 et, dans le cadre du plan climat, à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. L’article 2 du Grenelle I dispose que le volume d’émissions de CO2 devra être inférieur à 140 millions de tonnes par an.

Au regard d’un tel engagement, comment évoquer la réduction de la consommation d’énergie sans mentionner la taxe carbone ?

Je tiens tout d’abord à saluer la réflexion engagée et la pugnacité démontrée dans ce dossier. En effet, dans un contexte de crise, la perspective d’une réconciliation entre croissance économique et soutenabilité environnementale est remise en cause. Les efforts en matière de prévention environnementale passent après la réponse aux besoins de première nécessité. Entre l’impératif d’efficacité environnementale et l’acceptabilité sociale des mesures, les arbitrages sont difficiles. Si nous voulons tenir nos engagements, l’incitation doit être encore plus forte : elle doit être juste, mais forte.

Par conséquent, une telle fiscalité paraît indispensable. La France se targue d’être à la pointe dans ce domaine, mais tournons-nous vers nos voisins, qui ont déjà pris cette initiative.

Le texte présenté aujourd’hui est, dans son intégralité, très important. Je veux croire que notre débat sera objectif et que les divergences liées aux ajustements de la taxe carbone ne viendront pas complètement l’éclipser. C’est pourquoi je ne reviendrai sur les conséquences de la mise en place d’une telle taxation pour les collectivités qu’au terme de mon propos.

Dans le combat pour la réduction de la consommation d’énergie, le projet de loi prévoit notamment l’instauration des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et l’encadrement des technologies de captage et de stockage du CO2. Il tend à imposer aux entreprises de plus de 500 salariés et aux collectivités de plus de 500 000 habitants l’établissement d’un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. La mise en place de la taxe carbone et des dispositions du texte devra s’accompagner d’une exemplarité sans faille de l’État et de ses institutions. Au titre de la gouvernance, le projet de loi prévoit l’obligation progressive de l’affichage du « prix carbone », afin d’informer le consommateur sur les émissions de gaz à effet de serre associées aux différentes phases de vie du produit. Les procédures d’enquête publique et d’étude d’impact sont réformées afin de clarifier les champs d’application.

Il faut en outre espérer que toutes les propositions d’amélioration du texte, d’où qu’elles viennent, seront entendues, et ce sur l’ensemble des autres chapitres du projet de loi.

Qu’il s’agisse du logement, des transports, de l’agriculture ou de la santé, le Grenelle II rompt avec l’idée selon laquelle le progrès technologique permettra indéfiniment à l’homme de vivre sans se soucier des limites de la nature. Nous avons réalisé ce constat : notre modèle d’organisation sociale doit être en phase avec les limites de notre planète. Je n’utiliserai pas le terme d’« urgence écologique », car l’urgence ne favorise pas la sérénité de la réflexion que nous engageons aujourd’hui.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement est un texte essentiel. Selon les termes de M. le ministre d’État, il constitue la « boîte à outils » du Grenelle de l’environnement, en particulier dans les domaines des bâtiments et de l’urbanisme, puisqu’il vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments et à modifier le code de l’urbanisme en tant qu’instrument au service de l’aménagement durable des territoires.

Il faut saluer le « verdissement » des outils d’aménagement, comme la directive territoriale d’aménagement, la DTA, le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, ou le plan local d’urbanisme, le PLU. Mais attention : le Grenelle ne doit pas se résumer à une série d’aménagements législatifs destinés à répondre à des situations de blocage ou aux doléances de certains lobbies.

Il faut également accueillir favorablement la prise en compte des transports existants ou de leur planification dans les perspectives d’urbanisation, ainsi que l’élargissement des procédures d’urgence pour la mise en œuvre de transports collectifs.

Sur ce thème, mes chers collègues, reconnaissons l’efficacité technique et le bien-fondé des directives européennes en matière de péages autoroutiers, ainsi que l’existence de délais excessifs pour leur transposition en droit français. La modulation des péages en fonction de leur volume d’émissions de gaz à effet de serre est une mesure verte efficace, qui aurait même gagné à être complétée.

On peut cependant regretter l’absence d’une véritable politique de report modal de la route vers d’autres modes de transport, manifestée par la construction de nouveaux grands axes routiers.

En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, le débat a été dense sur cet enjeu majeur. Je tiens simplement à me réjouir de l’abandon du critère de la commodité du voisinage pour l’élaboration des zones de développement éolien. Il est illusoire de vouloir favoriser l’essor de l’éolien tout en contraignant toujours plus la création de parcs éoliens. D’ailleurs, certains de mes collègues souhaitent dispenser les équipements utilisant l’énergie mécanique du vent de la procédure d’installation classée et redorer ainsi l’image d’une énergie verte que l’on incrimine à tort.

Le paquet constitué des projets de loi Grenelle I et Grenelle II, ainsi que les différentes mesures déjà introduites ou à inscrire dans les lois de finances, doivent permettre d’instaurer un nouveau rapport de l’homme à la nature.

Mes chers collègues, même amélioré par nos travaux, ce texte ne pourra être idéal. Toutefois, il sera le fruit d’un compromis issu de débats qui seront – je n’en doute pas – passionnés.

Il nous faut garder à l’esprit que ce compromis aura des conséquences pratiques non négligeables pour les collectivités.

Je reviendrai un instant sur la contribution « climat énergie ». Les communes seront particulièrement affectées. Cette taxe sera assise sur leurs charges de fonctionnement, comme le chauffage ou le carburant, et la note risque d’être salée, d’autant que sa création est couplée à la suppression de la taxe professionnelle. Or les collectivités ne doivent pas une fois encore être les seules pénalisées, alors que les particuliers et les entreprises bénéficieront respectivement d’un crédit d’impôt et de la suppression de la taxe professionnelle.

Du toilettage du code de l’urbanisme aux transports en passant par l’extension des plans « climat » territoriaux, la préservation de la ressource en eau, la lutte contre les multiples pollutions de l’air ou des sols ou la réforme des procédures d’enquête publique, le projet de loi portant engagement national pour l’environnement prévoit des mesures ambitieuses à l’échelle locale. La nouvelle ressource pourrait être redistribuée intelligemment en fonction des mesures environnementales mises en œuvre : réalisation des plans « climat », rénovation thermique des bâtiments communaux.

Mes chers collègues, comme l’a déclaré le Président de la République jeudi dernier, les Français sont prêts à s’engager dans une modification de leur consommation d’énergie, pourvu que les signaux soient clairs et que le contrat proposé soit juste. C’est pourquoi, conscient que ces mesures auront valeur de test pour le passage à une société plus verte, l’ensemble du groupe du RDSE réserve son vote jusqu’au terme du débat.

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