Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Monsieur le président, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, après avoir adopté définitivement le projet de loi Grenelle I, c’est-à-dire accompli la première étape législative de la mise en œuvre de ce pari incroyable qu’est le Grenelle de l’environnement, nous allons maintenant examiner le projet de loi d’engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II », véritable boîte à outils conforme aux engagements du Grenelle.

Nous entrons véritablement dans la phase normative du processus, même s’il ne faut pas négliger les obligations que nous impose le premier texte de programmation. Ce dernier a un immense mérite : il nous a fait comprendre que les préoccupations environnementales sont aujourd’hui au centre de notre société, et donc au cœur de notre travail législatif. Le rôle du Parlement, en particulier du Sénat, est d’établir un constat de la situation, de fixer les grands objectifs et de définir les mesures concrètes et contraignantes de mise en œuvre, en accord avec le Gouvernement.

La crise économique et financière que le monde traverse nous a ouvert les yeux. Il est désormais nécessaire de construire un nouveau modèle économique, au sein duquel la protection de notre environnement tiendra une place fondamentale. Ce thème alimente d’ores et déjà les débats publics.

La prise de conscience est réelle et commence à produire des résultats concrets : le Grenelle de l’environnement en est un des plus remarquables. Grâce à lui, la France a pu se fixer des objectifs ambitieux. Elle a aujourd’hui une longueur d’avance, montrant la voie vers une économie « post carbone ».

C’est également une carte maîtresse pour notre pays et pour l’Europe dans les négociations internationales. En effet, l’Europe n’est plus l’auteur majeur de la dégradation de la nature : elle peut et doit montrer la voie dans la mise en œuvre de nouveaux modèles capables de transformer l’avenir. Je reste persuadée que c’est par le lancement de grands programmes de recherche et d’innovation pour l’environnement mondial que l’Europe pourra retrouver un second souffle. Nous devons être en avance et exemplaires.

Les dispositions du texte, particulièrement bien explicitées par nos rapporteurs, s’inscrivent, à notre avis, dans cette optique. Nous considérons qu’elles traduisent une bonne réaction, efficace, devant l’urgence de la situation. Pour nous, réagir efficacement ne signifie pas lancer des anathèmes contre la mondialisation, faucher des cultures expérimentales avec un art consommé du temps médiatique ou préconiser l’arrêt de toutes les centrales nucléaires, mais, au contraire, retourner au profit de la nature les deux grands instruments qui ont parfois contribué à la détruire : une science bien comprise, qui offre de multiples promesses, et une économie qui ne demande qu’à faire jouer ses lois en faveur de l’environnement.

Le progrès n’est pas un risque : il reste possible et souhaitable. Ne cédons pas aux sirènes médiatiques des adversaires du progrès et de la croissance qui nous promettent, dans un grand élan millénariste, la fin de l’âge d’or et le début de la pénurie et de la décadence. La science et l’économie, pour peu que nous les orientions vers des choix positifs, sont les meilleures alliées de la protection de l’environnement. Celle-ci n’est pas une course perdue d’avance, et le Grenelle de l’environnement, particulièrement dans son volet normatif, illustre cette prise de conscience.

Il reste beaucoup à faire, presque tout à vrai dire ! Lorsque l’on examine le travail remarquable de la commission de l’économie, dont je félicite au passage les rapporteurs, on mesure le chemin à accomplir et les changements que le Grenelle II implique pour notre vie quotidienne.

Il reste beaucoup à faire, et pourtant le temps presse. La science et l’économie, utilisées intelligemment, peuvent nous apporter une contribution décisive, mais il faut sans aucun doute une volonté politique forte pour freiner la consommation des ressources et l’amplification de l’effet de serre, mettre en place une stratégie énergétique privilégiant les énergies nouvelles – ainsi, à mon sens, que le nucléaire –, protéger les ressources en eau, les forêts et la biodiversité et, enfin, lutter contre la prolifération des déchets et les pollutions de toutes sortes.

Tel est le programme du Grenelle de l’environnement, qui vise à répondre à ces défis et constitue un plan de relance avant l’heure, la croissance de demain dépendant en grande partie de sa réussite. Il s’agit d’un projet de loi très important, parce qu’il procède d’une approche d’ensemble, prenant en compte tous les secteurs à la fois – bâtiment, transports, urbanisme, agriculture, traitement des déchets –, selon une véritable stratégie de développement durable.

Toutefois, cette stratégie, pour être gagnante et socialement acceptée, ne doit pas désigner des boucs émissaires ou dresser un camp contre un autre. L’ensemble des collègues de mon groupe, madame, messieurs les secrétaires d’État, attachent une grande importance à ce point. En particulier, le Grenelle de l’environnement doit absolument éviter d’opposer le monde rural au monde urbain, la campagne à la ville. Nous sommes nombreux à avoir ressenti chez nos concitoyens des territoires ruraux une crainte, pour ne pas dire un rejet d’un processus pourtant nécessaire.

En effet, outre que certains d’entre eux ont le sentiment d’être montrés du doigt – je veux parler du monde agricole et para-agricole –, ils craignent de se voir imposer des contraintes très fortes, dont ils ne comprennent pas la finalité. Ils n’entendent pas jouer, une fois de plus, le rôle de victimes consentantes.

Souvenons-nous de la légitime inquiétude exprimée lors de la discussion du Grenelle I par les hydro-électriciens, qui pensaient que la mise en place de la trame bleue allait « effacer », pour reprendre le terme qui figurait dans le projet de loi et que nous avons supprimé, les « obstacles » à la migration des poissons, c’est-à-dire leurs barrages. L’émoi était très fort dans le monde rural, et nous l’avons entendu.

En ce qui concerne le Grenelle II, je sais que des inquiétudes existent en matière de gestion de la ressource en eau : essayons de les dissiper.

Les épisodes de ce genre doivent être évités autant que possible, car ils accréditent l’idée malsaine que la protection de l’environnement se décide à partir de la ville et au profit du monde urbain, sans tenir compte de la réalité des territoires ruraux ni de leur développement. Le souvenir de Natura 2000 reste encore vif ! Nous ne devons pas négliger cet aspect des choses, qui nous impose de pratiquer une pédagogie de chaque instant.

Vous savez, madame, messieurs les secrétaires d’État, que cette assemblée est la chambre d’écho et le réceptacle des doléances venues de nos territoires. Ce caractère exige que nous envisagions les deux principaux enjeux du Grenelle de l’environnement avec un certain pragmatisme, mais aussi avec subtilité.

Le premier enjeu réside dans la territorialisation du Grenelle de l’environnement, afin que chaque objectif, chaque engagement soit repris par les acteurs locaux. Cela exige de suivre une méthode : il s’agit de mobiliser les acteurs locaux à travers des démarches innovantes. Dans cette perspective, les plans climat-énergie territoriaux ou les plans départementaux d’élimination des déchets constituent deux instruments importants, dont le projet de loi renforcera la mise en œuvre. La planification sera également améliorée avec, en particulier, la réforme des SCOT, celle des PLU et la création des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie. J’ajoute que le texte comporte de nombreuses mesures concrètes, relatives notamment aux transports urbains et à la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment. Il s’agit là d’excellents outils, qui doivent être mis en œuvre avec beaucoup de pédagogie, d’autant que la réforme des collectivités territoriales va suivre, ouvrant, comme toute réforme, une période de questionnements.

La fracture territoriale doit être sinon effacée, du moins réduite. À ce titre, le Grenelle de l’environnement est un formidable outil d’aménagement du territoire, rural et urbain. Il serait dommage que cette démarche ne fonctionne pas, par manque de communication ou de dialogue. Le Sénat a donc un rôle important à jouer, et il sera vigilant.

Le second enjeu de ce projet de loi consiste en la mise en place des instruments ayant pour finalité d’accélérer la mutation environnementale des acteurs économiques. Il s’agit de généraliser les démarches environnementales innovantes à tous les secteurs : bâtiment, transports, production d’électricité et de chaleur, agriculture, ainsi que l’ensemble des activités productives. Les implications sont les mêmes que pour le premier enjeu : il est nécessaire de bien communiquer, notamment en matière de coûts induits, de concurrence, d’accompagnement et de lisibilité à long terme, afin que les acteurs concernés ne se sentent pas seuls à porter un fardeau très lourd et puissent clairement anticiper l’avenir.

Ainsi, si nous soutenons la mise en place de la taxe carbone, telle qu’annoncée par le Président de la République, nous croyons très utile de se reporter aux recommandations du rapport de notre collègue Fabienne Keller sur la fiscalité environnementale, qui met particulièrement l’accent sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de bâtir un consensus durable, …

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