Intervention de Claude Biwer

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, également appelée Grenelle I, déterminait les grandes orientations devant permettre, au cours des prochaines décennies, de mieux protéger notre environnement et de nous garantir une compétitivité durable.

Nous abordons aujourd’hui la seconde phase de ce processus, avec l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, le Grenelle II, qui comporte des dispositions plus concrètes, dont certaines devraient être d’application immédiate.

Je crois pouvoir dire que la très large concertation qui a précédé le dépôt de ces deux textes, ainsi que les débats qu’ils ont suscités dans les médias et au sein de l’opinion, ont été très utiles, car ils ont contribué à faire prendre conscience à nos compatriotes de la nécessité de faire évoluer leurs habitudes de consommation et, de façon plus générale, leur comportement à l’égard de l’environnement. Pour l’heure, ils adhèrent très largement à la démarche engagée par le Gouvernement, même si, dans la torpeur de l’été, ils ont quelque peu sursauté en entendant cette curieuse cacophonie qui s’est instaurée au sujet de la taxe carbone ; j’y reviendrai tout à l’heure, car cela laisse peut-être présager des lendemains qui déchantent !

Compte tenu de l’ampleur des sujets abordés dans ce projet de loi, et en accord avec mes collègues du groupe de l’Union centriste, je bornerai mon intervention aux titres Ier et II, ayant trait à l’habitat et à l’urbanisme, d’une part, aux transports, d’autre part.

Je crois pouvoir dire que nous sommes tous ici conscients de la nécessité de renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments, existants ou à construire.

À cet effet, le texte prévoit une obligation de réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique des immeubles à usage tertiaire dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Cette disposition représentera une contrainte lourde, et surtout coûteuse, notamment pour les collectivités territoriales, qui seront directement concernées.

Telle est la raison pour laquelle notre groupe a proposé que le bénéfice de l’éco-prêt à taux zéro soit étendu à l’ensemble des communes et des communautés de communes. Je remercie la commission d’avoir bien voulu accepter d’intégrer cet amendement au texte qui sera débattu en séance publique, car certaines rumeurs que j’ai pu entendre à ce sujet m’inquiètent. Nos collectivités locales ont pourtant d’importants besoins de financement pour faire face aux exigences qui leur sont imposées. Nous souhaiterions également qu’une enveloppe de prêts à taux privilégié puisse être accordée aux collectivités territoriales, notamment à celles d’entre elles qui souhaitent s’engager dans un ou plusieurs programmes de rénovation de leurs bâtiments en vue de réaliser des économies d’énergie, afin de les aider à faire face à ces dépenses. Puisqu’un tel dispositif est prévu pour les bailleurs sociaux, je ne vois pas pour quelle raison les collectivités territoriales en seraient exclues.

En ce qui concerne les copropriétés, le texte prévoit de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, qui devra déboucher sur un contrat de performance énergétique. Cette disposition pose un problème, que les professionnels concernés n’ont pas manqué de soulever. En effet, le diagnostic de performance énergétique, le DPE, ne semble pas, contrairement à l’étude thermique, offrir toutes les garanties de fiabilité que l’on pourrait attendre. Dans ces conditions, pourquoi ne pas proposer une seule et unique méthode de mesure de la performance énergétique des immeubles, à savoir l’étude thermique, qui se substituerait au DPE ? Bien entendu, ce système de vérification devrait être mis en œuvre par un contrôleur indépendant : c’est ce que je proposerai par voie d’amendement.

Cette question du DPE me donne l’occasion de faire part au Gouvernement de l’exaspération croissante, et sans doute justifiée, de nos concitoyens à l’égard de la multiplication des contrôles et diagnostics qui doivent précéder la mise en vente, voire la mise en location, de biens immobiliers. Je ne sais si ces diagnostics sont d’une grande utilité, ou même d’une grande fiabilité, mais il est certain, en tout cas, qu’ils enrichissent les entreprises spécialisées et alourdissent le coût des transactions.

Ce texte tend également à réformer en profondeur le droit de l’urbanisme et pose comme principe la limitation de la consommation de l’espace, la diminution des obligations de déplacement, la subordination de l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation à leur desserte par les transports collectifs. Il prévoit la mise en œuvre d’un nouveau document d’urbanisme, la directive territoriale d’aménagement et de développement durable, la DTADD, qui s’imposera à tous les autres, SCOT ou PLU. Cela ne constitue pas véritablement une mesure de simplification administrative… En outre, que devient la responsabilité des communes ? Je remercie la commission d’avoir accepté l’une de nos propositions, prévoyant que les collectivités territoriales seront associées à l’élaboration de ces nouvelles directives. J’espère qu’elles seront écoutées et entendues.

Ce qui est valable pour l’élaboration des DTADD devrait également l’être pour leur modification ou leur révision : je proposerai par voie d’amendement que les collectivités ayant été associées à l’élaboration de ces documents soient également consultées en cas de modification ou de révision.

Par ailleurs, le « verdissement » et le renforcement des schémas de cohérence territoriale ne doivent pas faire oublier les besoins spécifiques du milieu rural.

Les communes rurales doivent pouvoir continuer à se développer, à construire des logements, des écoles et des équipements répondant aux besoins de leur population, sous peine de se désertifier. Dans ces conditions, il convient de ne pas leur appliquer les mêmes contraintes qu’aux communes urbaines – voire des contraintes plus lourdes, ce qui serait inacceptable.

Dans le même esprit, notre pays doit préserver coûte que coûte son activité agricole et agro-alimentaire.

Pour ce faire, il faut stabiliser à long terme les espaces agricoles – pour l’heure, ils fondent de quelque 60 000 hectares chaque année – par la mise en œuvre de procédures plus contraignantes pour la cession de terres agricoles, associant notamment les chambres d’agriculture : c’est ce que je proposerai par voie d’amendement. En outre, les objectifs du projet d’aménagement et de développement durable ne doivent pas être limités au développement économique ou touristique, mais doivent aussi prendre en compte le développement rural.

En règle plus générale – et je déborderai quelque peu du cadre que je m’étais imparti –, j’estime que la définition de la trame verte et de la trame bleue, qui devraient contribuer à la réalisation d’un maillage écologique du territoire reposant, en particulier, sur des corridors écologiques reliant des espaces préalablement identifiés comme importants pour la préservation de la biodiversité, ne devra en aucun cas faire obstacle au maintien, voire au développement, de notre activité agricole. Je m’inquiète de certaines rumeurs qui courent à ce propos. Les communes rurales, comme les autres, sont soumises aux exigences, notamment financières, des agences de l’eau. Il faudrait peut-être se tourner vers ces organismes pour travailler avec eux à la préservation de l’environnement sans empêcher les agriculteurs d’exercer leur métier.

En ce qui concerne le titre II, dédié aux transports, il comporte plusieurs mesures en faveur du développement des transports collectifs urbains et péri-urbains qui, globalement, nous donnent satisfaction.

Je souhaiterais néanmoins qu’il soit recouru à la notion d’auto-partage, afin que les communautés de communes et les communautés d’agglomération puissent mettre en place, si elles le souhaitent, des schémas locaux de développement de transport à la demande. Cela permettrait de tenir compte des besoins spécifiques des territoires à faible densité de population mal desservis par des lignes de transport public. Je présenterai un amendement à ce sujet.

Les dispositions relatives aux péages autoroutiers n’appellent pas de commentaire particulier.

En revanche, je voudrais à nouveau attirer l’attention du Sénat sur la question des biocarburants produits à partir de déchets, qui curieusement n’est pas abordée dans ce projet de loi, alors que le Grenelle I lui accordait une très grande place. Cela est tout de même étonnant, puisque des objectifs ambitieux ont été définis dans ce domaine.

Par deux fois, je suis intervenu à cette tribune afin que le Gouvernement applique dans les meilleurs délais la directive européenne relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

J’ai notamment demandé que les biocarburants produits à partir de déchets, par exemple de graisses animales, de résidus, de matières cellulosiques d’origine non alimentaire ou de matières ligno-cellulosiques, bénéficient d’une réduction de taxe générale sur les activités polluantes, ce qui permettrait de soutenir les investissements et les recherches déjà en cours, en particulier dans mon département.

Une première fois, il m’a été répondu que cette directive n’avait pas été encore totalement approuvée ; une seconde fois, durant l’examen du Grenelle I, vous m’avez dit, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, que la disposition précitée serait mieux à sa place dans le Grenelle II. L’heure de vérité approche : j’ai redéposé le même amendement et j’espère que, cette fois-ci, il connaîtra un sort plus heureux !

Je conclurai en faisant part de ma vive préoccupation quant au coût qu’entraînera l’application des différentes mesures contenues dans ce texte pour les collectivités territoriales, mais aussi pour les entreprises et les particuliers.

L’affaire de la taxe carbone me paraît, à cet égard, particulièrement emblématique.

L’idée d’instaurer une contribution climat-énergie n’est pas tout à fait nouvelle, mais le chiffrage qui a été présenté par la commission d’experts présidée par Michel Rocard l’est davantage. En effet, suivant le principe défendu par certains milieux écologistes – « plus l’énergie sera chère, moins on en consommera » –, cette taxe carbone s’appliquera à toutes les énergies fossiles, qu’il s’agisse du charbon, du gaz ou du pétrole. M. Rocard avait d’ailleurs également retenu, à titre personnel, l’électricité.

Cette commission a proposé que le coût de la tonne de CO2 émise soit fixé à 32 euros en 2010, pour atteindre 100 euros en 2030. En 2010, cela aurait représenté près de 8 centimes par litre d’essence et une augmentation du prix du gaz de 15 %. La facture aurait ainsi pu atteindre 300 euros par an pour un peu plus de la moitié des ménages, soit un produit – excusez du peu ! – de plus de 8 milliards d’euros.

Le Président de la République a arbitré en faveur d’un montant plus raisonnable, à savoir 17 euros la tonne de CO2. Cependant, est-il véritablement opportun de créer une telle éco-taxe ? Cela aurait tout son sens si l’on avait le sentiment que les prix des énergies fossiles devraient se stabiliser sur le long terme au niveau actuel, qui est plutôt bas : dans ce cas, une incitation à un comportement plus éco-responsable par le biais du prix pourrait être utile.

Toutefois, nous savons bien, hélas, que les prix de l’énergie ne manqueront pas de repartir à la hausse au moindre signe de reprise durable de l’économie. D’ailleurs, en quelques mois, le prix du baril de pétrole a déjà augmenté de 20 %, et il ne serait pas étonnant qu’il avoisine à nouveau les 100 dollars dans un an ou dans dix-huit mois : rappelons qu’il a déjà frôlé les 150 dollars. Lorsque le litre d’essence coûtera 1, 50 euro, le litre de fioul 1 euro, lorsque les prix du gaz et de l’électricité auront augmenté respectivement de 30 % et de 20 %, nos concitoyens ne manqueront pas d’être incités à modérer leur consommation d’énergie… Je ne vois pas véritablement l’intérêt d’ajouter, en plus, une éco-taxe dont le produit sera d’ailleurs, nous dit-on, redistribué sous la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu. Bref, à quoi bon mettre en place une tuyauterie aussi compliquée alors que, tout naturellement, les prix de l’énergie vont repartir à la hausse ?

J’ajoute que, si cette éco-taxe doit voir le jour, il ne faudra en aucun cas qu’elle soit appliquée de manière indifférenciée. En effet, cette taxe n’aurait pas les mêmes conséquences pour une famille résidant à Paris et utilisant essentiellement les transports collectifs que pour une famille résidant dans mon département et quotidiennement obligée d’utiliser un, voire deux véhicules, pour tous ses déplacements. Comme l’a fort bien écrit un grand quotidien du matin, un Parisien sans voiture qui se chauffe à l’électricité ne paiera rien et, mieux encore, recevra un crédit d’impôt, alors qu’un provincial qui consomme 2 000 litres de fioul et trois pleins d’essence par mois paiera 178 euros par an d’éco-taxe et ne recevra que 56 euros à titre de compensation !

Si nous voulons que le Grenelle de l’environnement soit véritablement accepté par les Français, il faut que les efforts, notamment financiers, qui découleront de sa mise en œuvre soient équitablement répartis : si tel n’était pas le cas, nos compatriotes seraient pour longtemps brouillés avec l’écologie, ce qui est le contraire de ce que nous recherchons !

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