Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 15 septembre 2009 à 14h30
Engagement national pour l'environnement — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Le Sénat, grâce aux travaux que la commission de l’économie a menés non seulement pendant et après le Grenelle de l’environnement mais aussi pour la préparation de la discussion du présent texte, et grâce aussi à ceux de la commission des finances, a donc déjà réalisé un travail important sur la fiscalité carbone. Une conférence d’experts de deux jours et un dialogue avec l’opposition se résumant à quelques rapides et formelles consultations ne peuvent se substituer à un débat parlementaire.

Je l’ai dit, ce débat a été très mal engagé. Raison de plus pour ne pas le laisser en suspens ! Ne nous le cachons pas, la cacophonie gouvernementale a participé de façon importante au sentiment de rejet que manifeste l’opinion publique dans un récent sondage. Quel dommage que les partis politiques, dont c’est tout de même l’une des fonctions, ne fassent pas preuve de plus de pédagogie sur ce sujet !

Nous aurons donc à examiner les propositions du Président de la République au cours du débat budgétaire. S’il nous faut attendre de connaître la mouture finale du projet de loi de finances pour 2010, que Mme Lagarde viendra présenter à la commission des finances le 30 septembre, cependant, l’objectif s’impose d’ores et déjà à tous : il s’agit d’engager la transition écologique et donc de modifier en profondeur notre manière de produire et de consommer. La transition, cela signifie soutenir massivement les économies d’énergie et l’accès aux transports, en zones périurbaines comme en zones rurales.

Les moyens dégagés par une fiscalité adéquate doivent faciliter cette transition écologique et non alimenter les finances d’un État passablement en difficulté depuis de nombreuses années, aussi bien en période de croissance, comme hier, qu’en phase de récession, comme aujourd’hui.

Reste que la fiscalité nationale n’est qu’un modeste instrument d’une politique climatique efficace.

L’Union européenne a été la première puissance continentale à se doter d’un marché d’échange des quotas d’émission de CO2. Nous savons qu’il est imparfait sur le plan écologique compte tenu d’une méthode d’allocation plus retenue sous la pression des grands groupes industriels les plus « émetteurs » que choisie par les États. Soumis à la spéculation comme tout marché financier, il est de surcroît source d’effets pervers. Il existe en effet, sur ce marché, des produits dérivés aussi dangereux que ceux qui nous ont conduits à la crise financière, puis à la crise économique. Nous savons également que, d’un pays à l’autre, la valeur juridique de ces quotas varie.

Bref, pas plus que les autres ce marché financier ne dispose d’une régulation efficace. Il faut la mettre en place en prévision de sa mondialisation – si, par bonheur, nous arrivions à un accord planétaire lors de la prochaine conférence de Copenhague ! – et en vue de l’échéance de 2013, quand ces quotas ne seront plus échangés gratuitement et auront une valeur marchande dont le produit sera de plusieurs centaines de millions d’euros.

En avance aujourd’hui, l’Union européenne ne peut se condamner à être en retard demain !

Parallèlement, il faudra un accroissement considérable des investissements publics pour la réhabilitation thermique des logements et le développement des transports collectifs.

Plusieurs de nos collègues se sont exprimés en ce sens, mais je voudrais ajouter ma voix à la leur. Nous sommes en effet nombreux à douter que l’État impécunieux apporte sa juste part à ces financements. Depuis quelques années, particulièrement au cours de la dernière période, il a multiplié les contraintes en se privant de recettes fiscales essentielles et en persévérant dans cette voie. Au mois de juillet, chers collègues de la majorité, vous avez encore accepté, en abaissant la TVA dans le secteur de la restauration, que l’État se prive de 2, 3 milliards d’euros de recettes. Nous savons que cette voie l’a conduit à la situation qui est la sienne aujourd'hui, c’est-à-dire à l’impuissance.

Notre appareil productif, qui ne s’est pas préparé au choc de la crise économique et de la crise écologique - ces deux volets procèdent finalement de la même prédation - sortira durablement affaibli de la crise. La question se pose donc de savoir si l’État laissera les régions, les départements, les intercommunalités supporter la charge de cette transition, alors même qu’il s’apprête à leur couper les moyens d’investir.

C’est de tous ces débats que doit résonner notre hémicycle. La mise en place de la future fiscalité carbone ne doit pas être une médaille que l’on accroche au revers du costume présidentiel dans la perspective des élections de 2012. Elle doit s’apprécier dans un contexte de mesures dont nos concitoyens perçoivent le sens. Tel est le prix pour obtenir leur soutien à une transformation de notre modèle économique dans la durée et en toute justice.

Ouvrons ce débat, et nous pourrons le clore à la fin de l’année. C’est alors, monsieur le ministre d’État, que nous jugerons sur pièce de la volonté gouvernementale d’engager cette transition écologique !

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