Face à cette situation, madame la ministre, le Gouvernement n’est fort heureusement pas resté inactif. Sous l’égide de la MILDT et de votre ministère, de nombreuses mesures ont été prises ou sont à l’étude. Mais il nous faut faire mieux et plus vite.
Il importe ainsi de protéger plus rapidement les jeunes contre l’alcool, par l’interdiction effective de la vente d’alcool aux mineurs et de la possibilité pour les jeunes de consommer de façon illimitée des boissons alcoolisées une fois un droit d’entrée acquitté. Il faut encadrer, ou supprimer, la vente de ces produits dans les stations-service.
Madame la ministre, dans le cadre du plan « Santé des jeunes », vous avez multiplié, pour le présent mais aussi pour l’avenir, les messages de prévention et développé l’action des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mes chers collègues, les instances de lutte contre les addictions sont souvent accusées d’être trop répressives. On voudrait les faire évoluer, sur le modèle des organismes chargés de la lutte contre le sida. On retrouve ici, au-delà des questions de personnes, l’un des éléments du conflit entre la perception médicale des problèmes sociaux et celle qui est liée à la préservation de la sûreté publique : les dépendants sont-ils malades, ou sont-ils coupables ?
C’est un débat dans lequel je ne m’engagerai pas, d’autant que, à mon sens, le Gouvernement, avec la politique qu’il mène actuellement, est à la recherche d’un juste équilibre pour ne privilégier ni le « tout-thérapeutique » ni le « tout-répressif ». Il faut donc laisser le temps aux actions engagées de faire effet. Madame la ministre, quelle évaluation envisagez-vous pour le plan « Santé des jeunes » ?
Pour définir les pistes d’amélioration de notre politique de lutte contre les addictions, je souhaite maintenant aborder avec vous trois points liés à la prévention du risque et aux formes nouvelles qu’il peut prendre.
Le premier concerne le discours de prévention, son contenu et ceux qui le portent.
Concrètement, ce sont aujourd’hui les gendarmes et les anciens dépendants qui, la plupart du temps, parlent dans les écoles. Ils font un travail nécessaire et leur engagement doit être salué. Cependant, on peut se demander si le discours tenu ne souffre pas d’une double difficulté : d’une part, il n’est pas scientifiquement validé ; d’autre part, il ne s’attache souvent qu’aux cas de dépendance extrême.
Ainsi, les gendarmes, bien qu’ils soient confrontés sur le terrain à la lutte contre les addictions, ne disposent pas de l’ensemble des connaissances médicales ou biologiques. Leur discours devrait être élaboré en concertation avec les professionnels de santé. Il faut en tout cas prévoir une méthode de validation, afin que les enfants et les jeunes puissent réellement comprendre les risques qu’ils courent.
Le problème est similaire pour les associations d’anciens dépendants. Ces dernières jouent un rôle important dans la guérison des malades, qu’elles accompagnent dans la période cruciale de leur réinsertion dans la vie quotidienne, avec toutes ses douleurs, toutes ses tentations, toutes ses rechutes. Mais leur expérience, pour cruellement riche qu’elle soit, est celle des cas extrêmes. Elle risque de masquer la grande variété des degrés d’addictions et de dédramatiser les dépendances légères ou les simples excès. Or, il suffit d’avoir bu un peu trop, un soir, à une fête étudiante, pour avoir un accident de deux-roues et perdre à jamais son autonomie. Il suffit d’avoir été dépendant au jeu trois mois dans sa vie pour être endetté au point de ne plus avoir la capacité de mener à bien aucun projet.
C’est à ce niveau que la force de conviction du discours est importante. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce que l’on a vu ou vécu, il s’agit aussi de faire comprendre ce qu’une addiction fait au corps et à l’esprit, de trouver les mots justes pour convaincre un public qui se croit invulnérable du fait de sa jeunesse.
Madame la ministre, votre plan « Santé des jeunes » insiste à juste titre sur la nécessité de changer les représentations. Les campagnes publicitaires, les messages que vous envisagez sont utiles, mais encore faut-il s’assurer que le message sera délivré aux élèves dès leur plus jeune âge. Comment pensez-vous en garantir l’efficacité ?
Le deuxième point est lié aux addictions sans produit. Certaines sont anciennes, comme la dépendance au jeu dont souffrait déjà Dostoïevski, mais la technologie moderne en a modifié les comportements : le pari en ligne rend le jeu de hasard plus accessible.