Intervention de François Autain

Réunion du 11 juin 2008 à 15h00
Lutte contre les addictions — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de François AutainFrançois Autain :

Une liste exhaustive des addictions serait d’ailleurs impossible à établir, et ce d’autant plus, comme l’a très bien dit M. Nicolas About, que de nouvelles addictions apparaissent périodiquement sans faire disparaître les anciennes.

Parmi ces addictions, l’une des plus importantes et des plus inquiétantes est la cyberdépendance, qui englobe toutes les addictions comportementales véhiculées par Internet. Je n’insisterai pas, car M. About a bien posé le problème tout à l’heure. Le massacre survenu récemment au Japon, s’ajoutant à ce qui s’est passé aux États-Unis et en Finlande, ainsi que les suicides collectifs de jeunes cybernautes au Pays de Galles, témoignent de la gravité de ce phénomène et de l’urgence de sa prise en compte par les pouvoirs publics.

Je ne suis pas certain que le plan 2007-2011 de prise en charge et de prévention des addictions, présenté en novembre 2006 dans le cadre des états généraux de la prévention par votre prédécesseur, madame la ministre, et qui a pour but de renforcer les consultations spécialisées de soins et d’accompagnement des patients, ait pris la mesure de ce phénomène nouveau. C’est pourquoi je salue l’initiative de M. About, qui nous donne fort opportunément l’occasion de faire le point sur la mise en œuvre de ce plan.

Mais avant d’en arriver là, je souhaiterais faire quelques remarques préalables.

Le traitement des addictions doit avoir pour objectif de sortir de leur dépendance les personnes qui y sont assujetties en leur permettant d’accéder à la pleine maîtrise d’elles-mêmes. À cet égard, la prescription de substituts médicamenteux ne saurait être satisfaisante à long terme puisqu’elle tend à remplacer une addiction par une autre. Même si celle-ci est légale et médicalisée, elle n’en constitue pas moins une addiction guère différente de celle à laquelle on voulait mettre un terme.

L’exemple de la méthadone, dont on mesure aujourd’hui les limites, vient immédiatement à l’esprit. Mais je souhaite insister sur le cas d’un autre médicament, la varénicline, plus connue sous le nom commercial de Champix. Il s’agit d’un dérivé nicotinique utilisé pour favoriser le sevrage tabagique, mis sur le marché sans qu’aient été effectués de tests préalables sur les personnes âgées de moins de dix-huit ans, les femmes enceintes et les patients atteints de maladies cardiovasculaires. Avec le recul, on s’aperçoit que ce médicament n’est pas dénué d’effets indésirables graves, qui s’amplifient en cas d’association avec la nicotine, c’est-à-dire si l’on continue à fumer. De ce fait, il apparaît que le Champix est plus dangereux que la nicotine à laquelle on le substitue. Dans ces conditions, si l’on doit prescrire un médicament pour cesser de fumer, autant préférer la nicotine, mieux évaluée et disponible dans de multiples présentations et dosages. La place des médicaments dans le sevrage tabagique reste d’ailleurs marginale, l’essentiel reposant sur la motivation du fumeur et le soutien psychologique dont il bénéficie.

J’aurais également pu évoquer le cas du rimonabant, un médicament destiné à lutter contre la boulimie, maladie qui peut-être considérée comme une addiction alimentaire susceptible de provoquer l’obésité.

La dépendance à certains médicaments, comme les somnifères, les antidépresseurs ou les anxiolytiques, est un phénomène très répandu, reconnu par tous les experts. Il touche notamment les personnes âgées, lesquelles sont soumises à des prescriptions massives en raison souvent des polypathologies dont elles souffrent, mais aussi de pratiques abusives des prescripteurs. Sur ce point, toutes les études démontrent que la brièveté de la consultation du médecin généraliste, qui découle souvent de la multiplication des actes à laquelle il peut être conduit pour compenser une rémunération insuffisante, accroît les prescriptions. Autrement dit, la quantité de médicaments prescrits est inversement proportionnelle à la durée de la consultation.

Dans notre pays, les prescriptions représentent aujourd’hui quatre fois le montant des honoraires d’un généraliste, principal prescripteur de psychotropes, on le sait. Une mesure simple à mettre en œuvre pour contribuer – je ne dis bien sûr pas que ce serait suffisant – à la lutte contre les addictions à ces substances médicamenteuses serait de porter la rémunération du généraliste à un niveau comparable à celle d’un spécialiste. Elle serait d’un coût à terme nul pour l’assurance maladie, puisqu’elle aurait pour effet, par l’allongement de la durée de la consultation, de diminuer les prescriptions et d’opérer un simple transfert de charges des prescriptions vers les honoraires.

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