Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ouvrant le 6 juin dernier les Journées de l’Albatros – le centre de référence en addictologie de l’hôpital Paul-Brousse –, j’ai voulu indiquer mon attachement à cette discipline transversale et insuffisamment reconnue, mais aussi souligner que l’addiction constituait un enjeu majeur de santé publique, comme tous les orateurs l’ont d’ailleurs rappelé dans leurs remarquables interventions. Je tiens à cet égard à remercier chaleureusement M. Nicolas About d’avoir été l’initiateur de ce débat.
Le Sénat, une fois encore, a montré qu’il était un lieu de réflexions et d’échanges approfondis. Si l’on se souvient des débats très pertinents que nous avons eus dans cet hémicycle sur la fin de vie, la démographie médicale, la prévalence de l’obésité dans notre pays, et, aujourd’hui, les addictions, il est clair que le Sénat fait œuvre utile.
Je le répète, l’addiction constitue un problème majeur de santé publique, dont le traitement, pour être efficace, suppose une réelle détermination mais aussi un très grand pragmatisme.
La complexité des déterminants de l’addiction impose, en effet, la mise en œuvre de stratégies préventives innovantes : il n’existe pas de recettes toutes faites qui pourraient être appliquées mécaniquement pour contrarier l’addiction. Le bref exercice sémantique auquel M. About s’est livré tout à l’heure montre bien la difficulté du problème !
Les addictions sont polymorphes et souvent conjuguées, tolérées ou ravageuses. Elles ne sauraient être combattues par le moyen de quelque méthode universelle, préétablie et adaptée à toute situation. Les réponses apportées n’ont jamais d’effets univoques.
Tout le problème d’une politique publique visant à lutter contre l’addiction est de parvenir à convaincre et à dissuader sans jamais se contenter de la seule contrainte.
En effet, prévenir l’addiction, de même que soigner tous ceux qui en souffrent, implique toujours de susciter l’autonomie. Se défaire de l’addiction ou refuser de s’y laisser prendre, c’est d’abord manifester sa liberté. Pour instituer durablement l’autonomie ou restaurer les conditions qui la rendent possible, l’interdiction et la coercition – utiles, et même nécessaires – ne constituent pas, en ce sens, la panacée.
Il n’est pas, toutefois, « interdit d’interdire ». C’est même un devoir de la puissance publique dès lors qu’il s’agit de protéger, avant de pouvoir convaincre chacun d’adopter par lui-même des habitudes bénéfiques pour sa santé. Je ne me défausserai donc pas de mes responsabilités ministérielles.
C’est ce constat qui m’a conduite à mettre en œuvre l’interdiction de fumer dans les lieux publics, dont les retombées très positives sont désormais avérées. Près de 70 % des fumeurs eux-mêmes se sont d’ailleurs déclarés en faveur de cette mesure, preuve qu’ils y voient une aide extérieure à restreindre leur consommation plutôt qu’une mesure liberticide.
C’est dans le même esprit, et je rejoins sur ce point M. About, que nous réfléchissons au principe d’une interdiction de la vente d’alcools aux moins de dix-huit ans. De nombreuses études m’ont en effet convaincue que les bienfaits à attendre d’une telle mesure étaient réels.
Avec la même détermination, le Gouvernement a décidé de renforcer la lutte contre l’alcool au volant. Ainsi, le Premier ministre a annoncé qu’il souhaitait mettre fin à cette incohérence qui consiste à faciliter la consommation d’alcool dans les points de vente de carburant.