… contesté à l’époque, a eu notamment pour effet d’engager notre pays dans la voie de la réduction des risques. Il s’agissait d’un choix politique au sens plein du terme.
C’est ce même pragmatisme éclairé qui avait conduit Simone Veil à favoriser le traitement de substitution aux opiacés, le TSO, qui participe notamment à la réduction des overdoses et améliore l’accès aux soins ainsi que l’insertion professionnelle des toxicomanes. Ce choix, là encore, avait été contesté à l’époque.
Désormais, c’est le virus de l’hépatite C, ou VHC, qui menace les usagers de drogues par voie intraveineuse dans des proportions dramatiques : près de 4000 nouveaux cas de contamination surviennent chaque année au sein de cette population. Mesdames, messieurs les sénateurs, je saurai prendre les mesures qui s’imposent aujourd’hui pour lutter conte le VHC, comme ont su le faire, en leur temps, les femmes courageuses qui m’ont précédée au Gouvernement.
En effet, s’il revient aux chercheurs de fournir les données permettant d’évaluer les risques infectieux qui continuent de peser sur les usagers de drogues, il incombe aux politiques de trancher lorsque les opinions divergent.
La stigmatisation, le rejet, le déni ne constituent pas une politique. Au contraire, si l’on veut être efficace en matière d’addiction, il faut se soumettre au principe de réalité.
Le plan de prise en charge et de prévention des addictions 2007-2011 a été conçu et sera conduit dans cet esprit. Il a permis, monsieur Autain, d’améliorer l’organisation de la prise en charge des addictions dans les établissements de santé à travers le financement de nouvelles structures sanitaires.
Ainsi, chaque année, 77 millions d’euros sont prévus pour la mise en œuvre de l’ensemble du plan et 43 millions d’euros pour son volet sanitaire – une somme qui, en 2008, a donc été déléguée aux agences régionales d’hospitalisation.
Je me suis entretenue avec Valérie Pécresse pour créer les postes hospitaliers de spécialistes en addictologie qui sont nécessaires afin d’encadrer les unités d’addictologie de référence, dont la création se poursuit.
J’ai demandé une enquête auprès des agences régionales d’hospitalisation, qui est en cours d’exploitation et qui permettra de dresser un premier bilan.
Madame Hermange, sur la planification de l’offre de soin, je peux vous répondre que les schémas d’addictologie seront mis en place en coordination avec les SROS, les schémas régionaux d’organisation sanitaire, afin que l’ensemble des modes de prise en charge soient pris en compte.
S’agissant du dispositif médico-social, l’installation des centres de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA, se poursuit également, même si, il faut le comprendre, la montée en puissance de ces équipes ne pourra se faire que progressivement.
Ce renforcement de compétences supposera des mesures nouvelles, mais également des redéploiements et une plus grande collaboration entre les professionnels. Il est important que chaque centre soit à même de traiter les différentes addictions, mais il a été prévu que certains CSAPA pourraient garder une spécialisation, par exemple en matière d’alcool ou de substances illicites. Je viens d’ailleurs d’évoquer le cas de l’Albatros, qui est spécialisé dans le traitement des addictions à la cocaïne.
En effet, nous devons affronter une mutation difficile : faire évoluer des centres de soins spécialisés pour les toxicomanes ou des centres de cure ambulatoire en alcoologie afin de les transformer en CSAPA constitue un pari ardu, mais je le soutiendrai.
Quant aux unités d’addictologie et aux équipes de liaison dans les hôpitaux, sur lesquelles j’ai été interrogée, leur mise en place s’échelonne sur la totalité de la durée du plan addictions. Une première évaluation sera disponible à la fin de cette année et les données qui me reviennent d’ores et déjà sont tout à fait positives.
Les enquêtes dont nous disposons montrent, toutefois, qu’il reste encore beaucoup à faire. L’état des lieux est préoccupant. Ainsi, la consommation d’alcool – la deuxième cause du cancer, après le tabac – explique, pour une large part, la surmortalité prématurée, en particulier chez les hommes d’âge mûr, soit quelque 45 000 décès par an.
En ce qui concerne la consommation d’alcool dans les entreprises, je veux rappeler à Mme Payet, qui intervient toujours avec beaucoup de pertinence sur ces questions, que le plan gouvernemental contre les toxicomanies intègre, bien entendu, une réflexion sur l’alcool au travail ; des mesures sur ce thème devraient être annoncées lors de sa sortie.
À propos des problèmes spécifiques à la Réunion, où, en effet, la prévention est indispensable, je demanderai à l’INPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, d’adapter si nécessaire les campagnes de prévention aux spécificités de l’outre-mer, comme nous l’avons fait pour d’autres thématiques « santé » ; vous vous rappelez sans soute, madame la sénatrice, la campagne organisée à propos du VIH-SIDA.
En ce qui concerne la mission du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie sur l’extension du monopole d’État de vente de tabac à la Réunion, je dois préciser que le ministère de la santé n’est pas destinataire de son rapport, ce qui est regrettable.
En réponse à vos trois questions concernant respectivement le monopole de vente du tabac, les distributeurs et le duty free, je peux vous dire que j’approuve toutes ces mesures de restriction de l’offre, qui ont fait leurs preuves, mais que cette compétence relève non pas du ministère de la santé, mais de celui de l’économie et des finances, et tout particulièrement des douanes. Soyez assurée, néanmoins, que j’appuierai vigoureusement votre demande à l’égard de cette administration.
Enfin, Mmes Patricia Schillinger et Anne-Marie Payet m’ont interpellée sur l’augmentation de taille du pictogramme qui vise à dissuader les femmes enceintes de consommer de l’alcool. Je partage les objectifs de cette mesure. Là encore, cette décision ne dépend pas uniquement de mon périmètre ministériel. Une concertation a été engagée avec les professionnels concernés – je pense en particulier à la filière vitivinicole – et j’ai demandé à la MILDT de rencontrer à cette fin les acteurs économiques.
Monsieur Autain, vous m’avez interrogée sur le Red Bull. Tout comme vous, je continue d’émettre les plus grandes réserves sur cette boisson, cocktail détonnant de taurine, de caféine, de glucuronolactone, d’inositols et de vitamines, qui est en vente libre depuis plus de douze ans dans vingt-trois pays européens et dans cent quarante pays dans le monde.
J’ai demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments des études me permettant de justifier cette interdiction, qui ne résultait que d’appréciations parcellaires. Jusqu’à présent, l’AFSSA a été dans l’incapacité de me fournir les éléments nécessaires. Or, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, quand un produit est utilisé dans un autre pays européen, le principe de précaution n’est pas suffisant. Il faut donc que j’apporte la preuve de la nocivité du produit avant de l’interdire. Dans le cas contraire, je serais sûre de perdre le contentieux dont la société Red Bull, installée en Autriche, menacerait l’État français.
Le Gouvernement a donc préféré négocier des mesures de santé publique sur les canettes de ce produit. Il poursuit une politique d’information complète, qui sera effective dès la mise en commercialisation de cette boisson, vers le milieu du mois de juillet, grâce à des dépliants explicatifs et informatifs disponibles sur les lieux de vente. Xavier Darcos et moi-même avons également fait en sorte que le Red Bull ne soit pas mis en vente dans les établissements scolaires, ce qui semble bien le moins. Par ailleurs, l’INVS est chargée de la surveillance des effets indésirables.
De plus, la Commission européenne – il est important qu’il s’agisse d’une démarche européenne – a demandé à l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments – l’équivalent européen de l’AFSSA –, une enquête dont nous devrions connaître les résultats au mois de septembre prochain.
Je le répète : le Red Bull est sous surveillance. À tout moment, dès que des éléments probants seront portés à ma connaissance, nous serons en mesure d’interdire ce produit et nous le ferons.
Ne voyez donc, monsieur Autain, aucun relâchement dans ma politique de santé publique.
S’agissant de l’évolution des pratiques addictives parmi les jeunes, l’état des lieux est préoccupant. Je partage tout à fait le diagnostic de Patricia Schillinger.
Ainsi, l’expérience de l’ivresse tend à augmenter parmi les jeunes, y compris parmi les mineurs. Je ne citerai qu’un seul chiffre : entre 2004 et 2007, le nombre d’hospitalisations pour ces conduites d’alcoolisme massif, encore appelées binge drunking, a augmenté de 50 %.
L’expérience de l’ivresse tend à augmenter chez les jeunes : plus de la moitié des jeunes de dix-sept ans disent avoir connu l’ivresse. C’est tout à fait préoccupant.
D’autres phénomènes nous inquiètent, comme la banalisation de l’usage du cannabis.
Si le tabagisme baisse chez les jeunes, de nouvelles formes de consommation apparaissent. Je pense au narguilé, dont les goûts aromatisés peuvent induire le sentiment trompeur de son innocuité, ou aux cigarettes aromatisées, qui intoxiquent les jeunes et les conduisent ensuite à des habitudes tabagiques beaucoup plus nocives.
De nombreuses études permettent de mesurer l’ensemble de ces évolutions.
Ainsi, nous disposons, pour les jeunes âgés de onze à treize ans, de l’étude européenne HBSC, Health behaviour in school-aged children, pour les adolescents de seize ans, de l’enquête européenne ESPAD, European School survey project on alcohol and other drugs, pour les mineurs de dix-sept ans, de l’enquête ESCAPAD, Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la Défense, pour la population âgée de quinze à soixante-quinze ans, du baromètre santé de l’INPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
Toutes ces études montrent clairement qu’il ne faut absolument pas baisser la garde dans la lutte contre le tabac.
S’agissant de la question particulière des addictions sans substance, le principe selon lequel il conviendrait de mettre en œuvre de telles études est acquis. Celles-ci devraient d’ailleurs s’intéresser aussi bien aux comportements de jeux d’argent qu’aux addictions liées à la pratique du jeu sans espoir de gains matériels.
En effet, le développement de l’offre de jeux en ligne pourrait bien augmenter la prévalence de joueurs dépendants dans notre pays. En extrapolant les études de prévalence étrangères à notre pays, 1 % à 2 % de la population serait en difficulté avec les jeux d’argent et de hasard. La forte promotion publicitaire qui sera inévitablement associée à cette libéralisation pourrait contribuer à l’augmentation de cette prévalence. Il nous revient donc aujourd’hui d’anticiper une telle évolution.
À cet effet, Éric Woerth et moi-même veillerons à ce que l’ouverture des paris en ligne soit progressive et maîtrisée. Ainsi, les jeux de hasard pur – loteries et machines à sous –, qui génèrent les addictions les plus fortes, ne seront pas autorisés. Un certain nombre de règles protectrices sont également prévues : interdiction des jeux aux mineurs, modération de la consommation de jeux, encadrement de la nature et du volume du sponsoring et de la publicité.
Enfin, je tiens à préciser que la fiscalité applicable aux jeux sera étendue aux jeux et paris en ligne, de manière à éviter ce qui s’est produit au Royaume-Uni, où la suppression des taxes en 2001 a entraîné une explosion de l’offre de jeux et donc une augmentation sans précédent du nombre des cas de pathologies induites. Éric Woerth a d’ailleurs fait une communication sur ce sujet en conseil des ministres ce matin même.
Les résultats des études sur les jeux ne sont pas encore connus. L’expertise collective de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, sera connue à l’automne. Une étude épidémiologique sera également lancée à la fin du mois de juin : elle sera financée par le ministère de l’économie et des finances et confiée à l’OFDT, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies ; elle sera pilotée par le COJER, Comité consultatif pour l’encadrement des jeux et du jeu responsable. Je signale, puisque j’ai été interpellée sur ce sujet, que la Française des jeux y est partie prenante, mais qu’elle ne dirige évidemment pas ce projet…