Madame la ministre, ainsi donc serait venu, selon votre propre mot, le temps de la « ri-lance », qui risque malheureusement d’aboutir à la « re-crise ».
La droite ne manque pas d’imagination dès lors qu’il s’agit de présenter la situation dans un sens qui arrange ses commanditaires, et nombreux sont les docteurs sentencieux à nous expliquer qu’aucune autre voie que celle de la réduction des niches fiscales et, surtout, des dépenses publiques n’est possible pour redresser les comptes publics.
La crise obligataire, réplique obligatoire des colossaux plans de sauvetage des banques menés par les États à l’automne 2008, a entraîné dans tous les pays de la zone euro, et même dans ceux qui ne sont pas encore partie prenante de la monnaie unique, une véritable épidémie d’austérité !
Nous avons dénoncé cette dernière lors de la discussion des deux textes par lesquels les États de la zone euro ont décidé, en accord avec le FMI, d’intervenir de nouveau pour sauver non pas la Grèce ou l’Espagne, mais plutôt les banques et les compagnies d’assurance créancières de titres de dettes publiques souveraines, inquiètes en effet de conserver dans leur portefeuille des créances douteuses.
Le doute est désormais levé : alors même que le Gouvernement n’est pas prêt à trouver 7 à 10 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, il s’est engagé à en débloquer 120, voire 130, pour opérer le sauvetage des banquiers et organismes financiers dont la rentabilité est fondée sur la détention de dette publique.
Le Gouvernement et le Président de la République manquent d’originalité dans l’examen concret de ce qui constitue la matrice essentielle du déficit structurel des comptes de l’État, et que beaucoup, à droite, s’emploient évidemment à masquer.
Plusieurs années de moins-disant sur les plans social et fiscal ont profondément entamé les recettes de l’État, sans pour autant que les baisses d’impôt successives aient eu le moindre impact réel et prouvé sur l’activité économique ou la croissance.
Permettez-moi de rappeler deux vérités simples.
Premièrement, les dépenses publiques de l’État n’ont pas profondément évolué depuis de longues années ; rapportées au PIB, elles ont même tendance à diminuer.
Deuxièmement, on a procédé, dans le même temps, à la réduction de nombreux impôts et à la baisse des cotisations sociales, provoquant un « effet ciseaux » qui a creusé structurellement le déficit des comptes publics.
Au final, la croissance moyenne de la dernière période s’est révélée plus faible que celle des périodes précédentes et les recettes fiscales qu’elle a engendrées n’ont aucunement compensé les pertes de départ !
Les inégalités sociales se sont accrues, les écarts de patrimoine ont atteint un niveau inégalé dans notre République, le chômage et le sous-emploi se sont généralisés et, pour faire bonne mesure, le commerce extérieur du pays continue de présenter un caractère déficitaire récurrent.
Faudrait-il en conclure que l’argent rendu aux contribuables – entreprises et particuliers – n’a pas été optimisé quant à son affectation ?
Faudrait-il aussi en conclure – sur ce point, je sais pertinemment que nous sommes dans l’hérésie – que « plus il y a de dépenses publiques directes, plus il y a de croissance » ?