Madame le ministre, monsieur le ministre, je commencerai par exprimer un regret : celui de constater que le Gouvernement n’a pas amorcé le redressement de nos finances publiques dès le budget 2010. J’avais fait des propositions en ce sens, comme vous vous en souvenez, portant à la fois sur les niches sociales et fiscales. J’avais formulé un certain nombre d’observations sur les actions entreprises par nos partenaires européens, notamment l’Allemagne. Nous avons en effet surpassé cette année notre voisin allemand en matière d’emprunts.
Mais je constate avec plaisir que le programme triennal que vous nous proposez comporte des orientations extrêmement nettes concernant la reprise en main de l'ensemble du secteur financier. La décision est moins aisée en matière de finances sociales. Cela est cependant parfaitement clair en ce qui concerne le budget général.
Comme l’a souligné le président Longuet, la majorité vous soutient dans l’effort courageux que vous allez mener. Votre action sera sans nul doute critiquée. D’aucuns vous accuseront vraisemblablement, si vous touchez à telle niche ou à tel crédit budgétaire, d’affaiblir la place de la France dans le monde ou de porter atteinte à des éléments fondamentaux de son développement.
Tout en approuvant l’ensemble de vos propos, je souhaiterais formuler deux observations.
La première porte sur l’objectif réel qui doit être visé par la reprise en main des finances publiques : il s’agit de la stabilisation de l’endettement, puis de sa réduction. Afin d’y parvenir, il faudra renouer dans les plus brefs délais non pas avec les 3 % de déficit public, seuil fatidique et mythique, mais avec l’équilibre du solde primaire entre les dépenses et les recettes de l’État. Il conviendra de n’avoir comme déficit que la charge de la dette.
Personne, ici, n’ignore que nous bénéficions à l’heure actuelle de taux d’intérêt extrêmement faibles. Si nous étions parvenus à l’équilibre du solde primaire en 2010, notre déficit budgétaire serait égal à 2 % du PIB, soit 40 milliards d’euros seulement. Mais nous devons nous préparer à l’augmentation inéluctable des taux d’intérêt dans les trois prochaines années.
C'est la raison pour laquelle l’objectif que nous devons rechercher est bien celui de l’équilibre du solde primaire, qui correspond à l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’État. Les mesures proposées au travers des lettres de cadrage budgétaire devraient permettre de remplir partiellement cet objectif. Monsieur le ministre du budget, s’il vous sera possible, la première année, de diminuer le déficit public puisque les mesures de relance arriveront à leur terme, cette option ne vous sera plus ouverte la deuxième année. Il vous faudra alors, pour passer de 6 % à 4, 6 % de déficit, vous attaquer à l’ensemble des niches et au noyau dur des dépenses.
Vous avez dit, dans votre discours, que vous étiez prêt à cibler aussi bien les missions des ministères que les dépenses des opérateurs de l’État. Je me réjouis de ces propos, car ces dernières représentent, à mon avis, des sources d’économies importantes.
Madame le ministre, je regrette autant que vous que nous devions recourir de façon massive, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt, aux bons du Trésor. J’entends que les taux des bons du Trésor à trois mois, six mois et un an sont, aujourd’hui encore, extrêmement faibles et qu’il serait absurde de se priver d’une telle ressource. Cela est vrai.
Cependant, il ne fait aucun doute qu’une augmentation de ces taux aura des conséquences directes et immédiates sur les bons du Trésor. Souvenons-nous qu’en 2008 le taux moyen des bons du Trésor à un an était de 3, 65 % ; il est descendu aujourd’hui à 0, 56 % ou 0, 57 % seulement. Tant mieux ! Cela constitue néanmoins un risque budgétaire extrêmement important à l’égard duquel il nous faudra être très vigilants.
C’est pourquoi il convient d’envisager la création d’instruments d’épargne longue. Car ce qui nous distingue de nos partenaires britanniques, allemands et italiens, c’est la faiblesse de nos instruments en la matière et l’importance de l’épargne liquide. Il importe d’œuvrer au durcissement de l’épargne, en vue d’une affectation optimale.
À l’heure actuelle, d’après les indications fournies, quand nous empruntons sur les marchés à moyen et long termes, le financement provient pour un tiers, des résidents, pour un tiers, des particuliers, des banques et des entreprises de la zone euro, et enfin, pour un tiers, du reste du monde, dont l’Angleterre fait partie. Ce sont ainsi les deux tiers de notre dette qui se trouvent détenus par des non-résidents ! Cette dépendance constitue un risque non négligeable pour notre souveraineté comme pour l’équilibre de nos comptes, comme l’a souligné très justement M. Marini tout à l’heure.
Nous devons avoir pour objectif le rétablissement de l’équilibre budgétaire, le déficit ne devant être constitué que de la charge de la dette. Cela devrait nous permettre de stabiliser la dette dès 2013 et de la réduire à partir de 2014. Monsieur le ministre, ne suivez pas, je vous en prie, l’exemple de vos prédécesseurs qui ont prétendu consacrer en 2009 et 2010 5 milliards d’euros à la réduction de la dette via le compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État ! Cela s’est réduit à peau de chagrin en 2009, et encore plus en 2010 ! Je souhaiterais par conséquent que vous nous présentiez des propositions honorables et cessiez d’entretenir ce mythe du remboursement de la dette au rythme de 5 milliards par an, que nous sommes bien incapables d’assumer !
Ma seconde observation sera nettement plus politique.
Nous sommes tous, ici, environnés de contribuables qui s’inquiètent de la réduction des niches fiscales. Il est clair que votre théorie du rabot, que je comprends parfaitement puisque je l’ai autrefois expérimentée, agite un certain nombre de personnes qui ont trouvé un moyen commode de diminuer leur contribution à l’impôt sur le revenu et reçoivent des conseils avisés et intéressés afin de réduire leur charge fiscale.
Le débat sur l’application du rabot et la désignation des niches s’annonce extrêmement difficile. La réforme concernera tant les emplois à domicile que les aides au logement, mais également l’outre-mer, littéralement suspendue à l’issue de ce débat, et certaines niches sociales. On entendra probablement, comme c’est le cas depuis dix ans, que la réduction des niches sociales entraînera nécessairement la montée du chômage et la baisse de l’emploi.