Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’ensemble des ministères sont actuellement en train de recevoir leurs lettres de cadrage budgétaire, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2011, et que le Gouvernement prépare un véritable plan de « super-austérité » en matière sociale, ce débat est, pour moi et, au-delà, pour l’ensemble des membres de notre groupe, l’occasion de réaffirmer notre opposition aux mesures antisociales qui sont en cours d’élaboration et, pour certaines, déjà à l’œuvre.
Disant cela, je pense en particulier à la réforme des retraites, vouée à être à la fois injuste et inefficace, à la réforme de l’assurance maladie, qui s’applique déjà, ou encore à la réforme de la prise en charge de la dépendance.
Toutes ces mesures sont ou seront marquées du double sceau de la rigueur, une rigueur à l’application aveugle, et de l’injustice sociale. Comme toujours, vous préférez réduire les droits et les mesures de protection des plus faibles plutôt que de rechercher les moyens de trouver des ressources supplémentaires, notamment du côté des plus riches.
À ce titre, votre projet en matière de retraites est exemplaire. Comme vous constatez qu’il devrait manquer 100 milliards d’euros à l’horizon de 2050 pour financer les retraites, vos principales solutions résident en une importante réduction des droits, qui ferait de notre régime le plus rétrograde de l’Union européenne.
En fait, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et à 67 ans à taux plein est une mesure immédiate qui vous permettra d’économiser pas moins de 7 milliards d’euros, au détriment des salariés ayant commencé à travailler tôt. Et l’augmentation progressive des annuités exigées pour constituer une carrière complète en est une autre, à long terme cette fois-ci, pour repousser la période d’ouverture de droits. Il en va de même des mesures prises à l’encontre des fonctionnaires ou de celles qui tendent à réduire les effets de ce qu’il est convenu d’appeler les « avantages familiaux ».
Avec les mesures drastiques d’économie imposées à l’assurance maladie, on ne sait que trop quelles seront les orientations retenues ! Il s’agira, comme hier, de la hausse des forfaits et autres franchises médicales, et de la multiplication des déremboursements d’actes et de médicaments.
Et vous vous attaquerez naturellement au mécanisme particulier mis en place pour les patients atteints d’affections de longue durée – en général, ce sont des personnes âgées –, comme le diabète, le cancer, des problèmes cardiaques ou le sida, qui nécessitent des soins et des prises en charge médicales longues, voire permanentes.
Pour les 7 millions de personnes actuellement concernées, vous entendez, comme le préconise la Haute Autorité de santé, sortir de la logique du remboursement à 100 % pour instaurer un système dans lequel les dépenses de santé ne seraient intégralement prises en charge que dans la limite d’un plafond défini en fonction des revenus de chaque famille.
En d’autres termes, cela constituerait une rupture sans précédent avec le principe issu du Conseil national de la Résistance, selon lequel « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
De la même manière, l’annonce faite lundi dernier, dans un grand quotidien de la presse économique, de revaloriser l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, non pas de 4, 5 % comme s’y était engagé le Président de la République, mais de 3 % seulement, ce qui repousse à un an de plus la revalorisation globale de 25 % prévue pour cette allocation, est une nouvelle démonstration de cette politique de rigueur que nous n’avons de cesse de dénoncer.
Une fois de plus, ce sont les personnes les plus en difficulté qui auront à supporter les effets de votre politique. D’ailleurs, nos concitoyens en situation de handicap seront, eux aussi, sévèrement frappées par la réforme des retraites, puisqu’ils auront, à l’évidence, bien des difficultés à accéder à 62 ans à la retraite à taux plein, compte tenu du faible taux d’emploi des personnes handicapées.
Toutes ces mesures sont prises au nom d’une approche particulièrement cynique de la situation. Puisque vous refusez de trouver les ressources supplémentaires nécessaires au bon fonctionnement des comptes sociaux, par exemple en taxant le capital, en organisant une modulation de cotisations sociales sanctionnant les entreprises qui favorisent la spéculation, en supprimant les exonérations inefficaces et les exemptions de cotisations sociales ou fiscales qui grèvent l’emploi et les salaires, vous faites pression sur les dépenses sociales, et ce au moment même où la crise économique et financière qu’ont provoquée les spéculateurs appelle précisément au renforcement de nos solidarités.
Par ailleurs, vos annonces relatives aux exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, notamment celles qui concernent les emplois à la personne, nous laissent pour le moins dubitatifs.
Pour notre part, nous sommes depuis toujours défavorables à de telles exonérations, qui, selon la Cour des comptes, n’ont que peu d’effets sur le niveau d’emploi, si ce n’est la création de trappes à bas salaires et la précarisation du salariat. Or vous ne cessez de les justifier, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, par leurs effets positifs sur l’emploi.
C’est d’ailleurs très simple. Les exonérations constituent désormais votre seule et unique politique en matière d’emplois ; c’est l’alpha et l’oméga de votre action. Il faut dire que vous avez renoncé à toute politique industrielle. Pour satisfaire aux exigences du MEDEF, vous vous refusez à sanctionner les pratiques scandaleuses que constituent les licenciements spéculatifs ou financiers.
Mais si vous revenez, même partiellement, sur ces exonérations de cotisations sociales, nous sommes en droit de nous demander ce qu’il restera demain de la politique du Gouvernement en faveur de l’emploi.
En outre, comment ne pas aborder la question de l’augmentation de la CSG et de la CRDS ?
Ces deux contributions sont principalement supportées par les familles. Elles participent, pour une part non négligeable, au financement de notre système de protection sociale, à tel point que celui-ci apparaît de plus en plus fiscalisé et, par voie de conséquence, de plus en plus supporté par les foyers, en lieu et place d’un financement issu du travail.
Au sein du groupe CRC-SPG, nous sommes opposés à une telle augmentation.
D'une part, son application serait injuste. Les contribuables les plus riches, ceux que le Gouvernement protège grâce au bouclier fiscal, ne seront mécaniquement pas concernés par une telle hausse. C’est pourquoi nous réaffirmons, comme nous l’avons déjà fait à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la nécessité d’exclure la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, qu’il faut en fait supprimer.
D'autre part, elle serait insupportable lorsque l’on sait que la part patronale de cotisations sociales n’a pas augmenté depuis près de trente ans. Elle ne ferait qu’amplifier le transfert de financement des entreprises vers les particuliers.
Madame le ministre, monsieur le ministre, tel est votre projet, comme l’atteste par ailleurs votre volonté de faire financer par des contrats de type assurantiel la prise en charge de la dépendance.
Après avoir asséché les comptes sociaux, vous entamez la seconde phase : la réduction des dépenses sociales, afin de discréditer notre modèle solidaire. Voilà votre objectif !