Intervention de André Dulait

Réunion du 8 juillet 2010 à 14h30
Orientations des finances publiques pour 2011 — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de André DulaitAndré Dulait :

Dans le passé, les exemples ont été trop nombreux, et nous avons alors été obligés d’acheter des missiles à l’étranger. Si nous n’avions pas réduit les crédits de recherche et développement à l’époque, nous achèterions aujourd’hui les Trigat-LR de MBDA !

Fort heureusement, le Gouvernement résiste à la tentation de faire de la défense la variable d’ajustement, contrairement à ses homologues européens qui, permettez-moi l’expression, « tranchent à vif », quitte à mettre en péril la souveraineté européenne.

Ainsi, l’Allemagne va supprimer 40 000 postes et devra faire des économies pour un montant de 8, 3 milliards d’euros. Depuis le 30 juin 2010, la Suède a supprimé le service militaire, alors que ses soldats fournissent les forces de maintien de la paix au Kosovo et en Afrique. En Espagne, M. Zapatero vient de réduire le budget militaire de 9 %, soit plus de 600 millions d’euros, rien que pour l’année 2010. Au Royaume-Uni, la défense devra diminuer son budget de 15 % d’ici à 2014. Liam Fox, ministre britannique de la défense, parle lui-même de « coupes brutales ».

En effet, il y va de la crédibilité de l’Europe comme puissance militaire et comme partenaire des États-Unis, au moment où un nouveau concept stratégique voit le jour au sein de l’OTAN. Robert Gates, secrétaire d’État américain à la défense, s’est inquiété, le 23 février dernier, de la « démilitarisation de l’Europe ».

Mais il y va également de la souveraineté de la France et de sa capacité à assumer ses responsabilités internationales en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et alors qu’elle a rejoint le commandement intégré de l’OTAN voilà un an et demi.

Or, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, nous pouvons parallèlement constater que, depuis l’année 2000, les États-Unis ont augmenté leur budget militaire de 75 %, la Chine de 217 % et la Russie de 105 % !

Alors que nous peinons à construire une véritable politique de sécurité et de défense commune, toutes ces réductions budgétaires sont des plus inquiétantes. La France est l’un des moteurs de cette construction : ces dernières années, elle n’a cessé d’appeler les Vingt-Sept à investir dans la défense européenne. C’est pour cette raison qu’il est primordial de ne pas hypothéquer les grands programmes en cours ! La politique européenne de sécurité et de défense ne pourra voir le jour sans une véritable base industrielle et technologique de défense.

En Espagne le projet de drone européen Talarion est menacé. Qu’en sera-t-il des frégates européennes multi-missions, les FREMM, et des véhicules blindés de combat d’infanterie, les VBCI, dont nos soldats ont besoin en Afghanistan ? Et surtout, il ne faut pas que le programme Scorpion fasse les frais de ces réductions, à l’heure où Thales, Safran et Nexter sont en passe de trouver des terrains d’entente ! De même, le programme de drone Watchkeeper connaît des résultats très prometteurs. Le partenariat de Thales tant avec les Britanniques qu’avec les Israéliens mérite que l’on s’y intéresse !

Je souhaite remercier M. le ministre de la défense de ne pas céder à cette surenchère en matière de réduction des crédits alloués à la défense, car aller au-delà de ce qui a été décidé serait suicidaire. Madame le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, vous avez lancé le concept de « rilance » en évoquant le maintien de dépenses utiles ; vous l’avez même expliqué au Financial Times. Or, ce concept s’applique totalement au budget de la défense.

Les investissements en recherche et développement des industries de défense constituent les meilleurs remparts contre un décrochage technologique et capacitaire. Sachons préserver les domaines de haute technologie, tels que l’aéronautique et le spatial ! Sinon, à terme, nous serons encore contraints d’acheter sur étagères, quitte à le faire à l’étranger, et de mettre en place un crash program pour équiper nos soldats, avec lesquels nous avons passé un contrat moral : ils ont accepté les efforts de modernisation en vue de la revalorisation de leur condition et de l’amélioration de leurs équipements. Ne les trahissons pas ! Faire des économies sur ces équipements est par conséquent inenvisageable.

N’oublions pas que le secteur de la défense et les industries qui en relèvent sont des leviers fondamentaux de notre économie : cela représente 165 000 emplois directs et autant d’emplois indirects, donc des recettes fiscales et des cotisations sociales à due concurrence… La défense fait vivre environ 4 000 petites et moyennes entreprises, qui, avec la crise, n’ont pas de marge de manœuvre, car leur trésorerie ne leur en laisse pas le choix. C’est notamment le cas pour des PME telles que Realmeca, sous-traitante du programme de modernisation des Mirages 2000 D. Non seulement l’armée de l’air en a besoin, mais la productivité de notre industrie, le maintien de savoir-faire uniques et la survie de bassins d’emploi sont en jeu, madame le ministre.

La relance dont notre pays a besoin ne pourra se faire sans ces PME, qui sont des acteurs majeurs du tissu économique français. De plus, le report de commandes déjà signées et signifié aux industriels, et donc aux PME, a un coût et nous leur payons des indemnités.

La base industrielle et technologique de défense et les partenariats européens de défense sont aussi des clés pour la relance de l’économie et des solutions contre les délocalisations ! Les inaugurations des sites de Turbomeca en Aquitaine et de Safran Electronics à Massy sont des signes encourageants de la part de ces équipementiers. Sachons y répondre en étant visionnaires. La réduction des déficits ne doit pas paralyser l’investissement pour l’avenir, et je sais, madame le ministre, que vous en êtes parfaitement informée et consciente.

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