Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 15 décembre 2004 à 15h00
Service garanti dans les transports publics de voyageurs — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

La dure nécessité s'impose. Dès lors que la voie contractuelle est condamnée à terme, la seule solution est d'appliquer ce qu'imposent la Constitution comme les juridictions de l'ordre judiciaire et administratif : la régulation par la loi.

Selon le préambule de la Constitution de 1946, repris en 1958, « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Cette phrase, souvent répétée, doit être apprise par coeur !

Malheureusement, le législateur, pourtant incité également par l'article 34 de la Constitution, réglemente peu. La loi de 1963 relative au préavis et aux grèves tournantes, les lois catégorielles relatives à l'audiovisuel, à la santé publique et aux contrôleurs aériens constituent non pas une législation cohérente, mais des réponses ponctuelles.

Pourtant, le Conseil constitutionnel, en affirmant que le principe de continuité du service public est de valeur égale à celui du droit de grève, et la Cour de cassation, en considérant que les conventions collectives ne peuvent remplacer en la matière l'intervention du législateur, font de celle-ci une obligation à laquelle le pouvoir réglementaire du Gouvernement ou d'une autorité administrative quelconque ne peut suppléer, même si le juge administratif a parfois tendance à le penser.

Traiter de manière moderne la question du droit de grève dans les transports publics de voyageurs, c'est imposer la règle de la continuité du service public en partant du droit des usagers au fonctionnement normal du service. Ce principe est constamment rappelé par le juge administratif, même si celui-ci hésite à en tirer les conséquences pratiques.

Partir du droit des usagers, c'est partir du droit de ceux qui sont condamnés à recourir à ce service public à ne pas être pris en otage par des minorités non représentatives.

Dans les Etats européens qui ont eu recours à la voie législative, tout simplement parce qu'ils ont ainsi suppléé à l'absence de syndicat monopoliste capable de contractualiser sérieusement avec l'employeur, la solution qui a été choisie est celle du service garanti aux heures où les usagers - travailleurs, étudiants - se rendent à leur travail ou en reviennent.

Ainsi, en Italie, deux plages de trois heures, le matin et le soir, sont garanties, et ce en accord avec les syndicats, qui, il est vrai, sont plus représentatifs et plus responsables qu'ici. Le droit de grève demeure, moyennant un préavis plus long qu'en France, mais il reste cantonné aux heures où il ne porte pas atteinte au droit au travail, au droit à l'éducation, à la liberté d'aller et venir, qui ont une valeur constitutionnelle égale, sinon supérieure, au droit de grève.

Ce système, régulé et garanti par une autorité administrative indépendante, disposant d'un pouvoir de sanction, y compris financière, s'est révélé efficace. Les grèves qui se sont déroulées en Italie ces derniers mois n'avaient rien à voir avec les problèmes de transport : elles étaient organisées avec l'accord du patronat contre le gouvernement actuel de ce pays.

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