Intervention de Gilles de Robien

Réunion du 15 décembre 2004 à 15h00
Service garanti dans les transports publics de voyageurs — Discussion d'une question orale avec débat

Gilles de Robien, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont, brièvement résumées, les positions de chacun.

Parallèlement à cette démarche, plusieurs enquêtes qualitatives et quantitatives ont été diligentées auprès des Français, afin de savoir ce qu'ils pensaient de ce problème complexe. Cette batterie d'enquêtes et la comparaison des résultats avant et après la commission Mandelkern m'ont permis de mieux percevoir l'opinion réelle des Français sur ce sujet. En effet, on a tôt fait de déclarer que 80 % des Français sont pour le service minimum : ils sont également 80 % pour le respect du droit de grève. Comment concilier les deux ? Il faut, à l'aide des enquêtes qualitatives, essayer de mieux percevoir à la fois la complexité du problème et les attentes des Français.

Premier fait important : la question qui nous réunit aujourd'hui arrive au deuxième rang des préoccupations des Français en matière de transport, juste après la sécurité - et je les comprends : je défends la priorité accordée à la sécurité depuis deux ans, aussi bien au ministère qu'au Conseil européen des transports -, mais loin devant les tarifs ou la ponctualité.

Par conséquent, il importe de mettre en place un service d'alarme sociale, de prévisibilité et de continuité de service public, avant même l'arrivée des trains à l'heure ou l'augmentation de la fréquence des métros.

Deuxième fait important : j'ai découvert, en croisant les chiffres, un rapport 70-30 dans l'opinion française. Bien entendu, ce ne sont que des enquêtes ! Dans les 30 % figurent les 15 % de Français totalement hostiles à toute réglementation sur ce sujet et les 15 % de Français qui veulent à tout prix régler le problème par une loi, quoi qu'il en coûte au droit de grève.

En revanche, j'ai découvert avec beaucoup d'intérêt que 70 % des Français souhaitaient résoudre le problème par une démarche contractuelle et équilibrée, et c'est évidemment dans cette voie que nous devons nous engager. Ils se prononcent ainsi de façon tout à fait judicieuse et équilibrée pour concilier le droit de grève et le droit des usagers, cette manière de faire étant illustrée par la négociation préalable, qui reçoit l'approbation majoritaire de l'opinion.

J'ai également mesuré l'extrême attention de la population à toutes les mesures qui peuvent être prises pour informer, organiser le service en période de conflit, c'est-à-dire que la grande majorité des personnes interrogées veut être mieux respectée lorsque la grève est inévitable.

Enfin, troisième et dernier fait important : des avancées réelles et concrètes sont attendues des Français pour sortir de l'impasse des jours de grève où ils se sentent « pris en otage ».

Donc, chacun « marche sur des oeufs ». Les organisations syndicales savent que la grève peut se retourner contre elles. Tout cela nous incite à trouver des solutions communes.

Le mois d'octobre a confirmé le fait que nous nous situons à un tournant historique avec l'avancée réelle que constitue l'accord majoritaire conclu à la SNCF, après l'accord de la RATP signé voilà huit ans.

L'accord conclu à la SNCF le 28 octobre dernier, auquel peu de personnes croyaient sans doute voilà encore six mois, a pourtant été signé par six organisations syndicales sur huit représentant 80 % des personnels, dont la CGT qui, jusqu'à présent, ne s'était jamais engagée sur ce type d'accord. C'est en cela que j'ai qualifié le tournant d'historique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il existe de véritables espaces de consensus, j'en suis convaincu. Nous avons pu en trouver quelques-uns, conformément d'ailleurs aux voeux formulés par le Président de la République au début de l'année 2004. Tout le travail de dialogue, d'écoute et de détente du climat social que j'ai conduit a permis de créer les conditions de cette avancée fondamentale et historique pour la prévention des conflits.

Or, dans le domaine social - et je partage pleinement votre point de vue, monsieur Arnaud -, l'accord entre les parties est toujours préférable, en termes d'efficacité, à une loi qui est imposée. Car l'accord, s'il a été trouvé, est consenti de part et d'autre, et il sera d'autant mieux appliqué que l'on s'est engagé moralement, intellectuellement, sur l'honneur, à le respecter. Nous avons beau être des républicains, nous savons que, lorsqu'une loi ne plaît pas, on peut avoir tendance, parfois, à prendre des chemins de traverse. Il est donc toujours préférable de passer par un accord.

Si nous parvenons à des accords, ceux-ci doivent recouvrir les trois étapes clés que sont la prévention, la prévisibilité et la continuité du service public en temps de grève, à la fois sur l'ensemble des secteurs géographiques - Paris et la province - et sur l'ensemble des modes de transport, qu'il s'agisse des trains, des métros ou des bus. Alors, les Français auront gagné une véritable amélioration de leur vie quotidienne !

M'appuyant sur la négociation positive qui vient de s'achever et sur l'accord, j'ai proposé, dès le 3 novembre dernier, lors de mon audition par les trois commissions de l'Assemblée nationale, de poursuivre les négociations dans les semaines qui viennent. Les députés ont approuvé cette démarche contractuelle, à la condition toutefois que des résultats supplémentaires et tangibles soient obtenus d'ici au 30 juin 2005.

Le Premier ministre a confirmé publiquement, le 21 novembre, son soutien à cette démarche, en confirmant l'échéance pour évaluer l'efficacité des accords conclus et décider si cette démarche est suffisante.

Je pense que nous sommes en passe de voir aboutir un système nouveau, construit par blocs, et apparaissant de façon claire aux Français.

Le travail technique de fond, mais aussi la concertation ont permis de donner à la continuité du service public un contenu susceptible de devenir réalité. Cette approche est pragmatique et vise des résultats concrets, bientôt perceptibles par les Français, je l'espère en tout cas, dans leur vie de tous les jours.

Personnellement, je tiens à ce que la méthode et le rythme qui ont prévalu jusqu'ici soient maintenus dans les prochaines semaines. Si on perd le rythme, effectivement, la méthode ne fonctionne plus, le sujet tombe aux oubliettes, et un jour le réveil est brutal, qu'il s'agisse du législateur, des utilisateurs ou des organisations syndicales.

Je souhaite donc concrétiser plusieurs avancées majeures, selon un calendrier que je vais vous détailler.

J'ai de nouveau reçu le président de l'UTP le 23 novembre, et les présidents du GART, de la SNCF et de la RAPT le 1er décembre, pour leur faire part de mes demandes. Ces entretiens m'ont confirmé que de nouveaux signes très clairs de progrès pouvaient être concrétisés à la RATP, à la SNCF et à l'UTP.

Pour la prévention, par exemple, un accord de branche a été présenté par l'UTP, dès le 7 décembre. Je le souligne en regard des propos que j'ai tenus précédemment au sujet de l'UTP, que j'avais suppliée d'avancer sur le mode contractuel et qui n'avait rien fait pendant six mois. Cet accord de branche a fait l'objet d'une discussion avec les organisations syndicales en comité paritaire. Il sera de nouveau présenté le 20 janvier prochain, sur la base des propositions alternatives des syndicats.

Le secteur des transports en région est vaste puisqu'il concerne 170 entreprises et 40 000 salariés. Compte tenu de la variété des réseaux, les discussions devront s'effectuer à un rythme réaliste et demanderont probablement quelques mois. A l'horizon du premier trimestre 2005, l'UTP doit aboutir.

Deux points importants sont à noter.

Tout d'abord, s'agissant de la prévention, l'accord prévoit une procédure de concertation immédiate. Cette période de discussion de dix jours ouvrables vise à résoudre les points de désaccord ; elle est formalisée par un constat écrit et cosigné d'accord ou, le cas échéant, de désaccord. Cette durée est similaire à celle de l'accord signé à la SNCF, mais supérieure à celle du dispositif existant à la RATP, qui est de cinq jours seulement.

En outre, le dispositif d'accord de branche généralisé rendrait son application obligatoire et immédiate dans chacun des 170 réseaux de l'UTP sitôt sa signature. J'espère que l'UTP et les partenaires aboutiront au 1er trimestre 2005.

Ensuite, l'UTP a intégré la prévisibilité et l'information des voyageurs dans les périodes de conflits dans l'accord de branche présenté le 7 décembre. Au moins vingt-quatre heures avant le début du conflit - conflit devenu inévitable, vous l'avez compris, malgré les nouvelles modalités de concertation - un plan prévisionnel du niveau de service de transport est élaboré, soumis pour avis aux organisations syndicales et diffusé aux voyageurs. Il vise à affecter de façon optimale les personnels non grévistes, de façon à respecter les priorités de service fixées par les autorités organisatrices.

La SNCF, après avoir décliné dans l'ensemble des établissements l'accord conclu récemment sur la prévention des conflits, ce qui suppose un important travail de pédagogie, dressera un premier bilan d'ici à trois mois. Les dispositions qui y figurent relatives à la prévisibilité - elles sont similaires à celles qui ont été décrites pour l'UTP - feront l'objet de discussions avec les partenaires sociaux dans les premiers mois de l'année prochaine.

La RATP s'est engagée, quant à elle, outre le dispositif préventif qui existe déjà - l'alarme sociale -, à assurer une meilleure information en amont et en temps réel sur l'ensemble des modes de transport et par tous les moyens possibles de communication.

Cet engagement sera formalisé par une charte du service des voyageurs, qui sera signée au ministère de l'équipement dès le mois de janvier prochain.

Le préalable indispensable au maintien de la continuité du service en temps de grève est que les autorités organisatrices et les entreprises gestionnaires de réseaux discutent ensemble. Les autorités organisatrices doivent définir les priorités du trafic à assurer en temps de grève, qu'il s'agisse de liaisons, de fréquences ou d'horaires, pour que les entreprises puissent satisfaire cette priorité. Le président du GART, monsieur Reiner, s'est montré favorable à cette démarche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion