Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 2 mai 2006 à 21h30
Engagement national pour le logement — Article 9, amendement 145

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Puisque cet amendement est maintenu, le groupe socialiste tient à expliquer pourquoi il votera contre.

La mesure prévue dans l'amendement n° 145 rectifié ter constitue, selon nous, une grave remise en cause du droit au maintien dans les lieux, qui a été institué par l'article 10 de la loi du 1er septembre 1948.

Le droit au maintien dans le logement est le principe selon lequel, lorsqu'un logement est attribué à un ménage, l'attribution ne peut par la suite être remise en cause par le seul organisme d'HLM. Ce dernier peut se rapprocher des locataires, afin de leur proposer une mutation à l'intérieur de son parc. Celle-ci, cependant, ne peut avoir lieu sans leur accord. Cette disposition permet de garantir aux occupants une sécurité de logement précieuse. La remettre en cause reviendrait à introduire une nouvelle précarité dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Même si l'objet de l'amendement n° 145 rectifié ter tel queprésenté par Mme Procaccia ne porte que sur l'évolution de la composition familiale, l'amendement lui-même vise en réalité deux éléments : l'évolution des revenus et celle de la composition familiale.

S'agissant de l'évolution des revenus des ménages, je citerai quelques chiffres.

Tout d'abord, quelle est la structure des revenus des occupants du parc social ? En 2002, 32, 3 % des ménages locataires d'HLM percevaient un revenu inférieur à 9 655 euros par an ; 67, 9 % avaient un revenu inférieur à 14 330 euros par an et seulement moins de 10 % avaient un revenu supérieur à 20 500 euros par an, c'est-à-dire supérieur à 1, 7 SMIC annuel ! Il est donc difficilement acceptable, et même à la limite du supportable, d'entendre dire aujourd'hui que des ménages aux revenus élevés ou même simplement moyens occupent massivement les logements sociaux.

En outre, je tiens à rappeler qu'un outil existe déjà pour prendre en compte l'évolution des revenus des locataires : il s'agit du supplément de loyer de solidarité, ou SLS. Y ajouter la possibilité d'une mutation d'office par l'organisme d'HLM constituerait une double peine infligée aux ménages disposant de revenus ne leur permettant pas, de toute façon, d'accéder au logement libre, en raison de la flambée des loyers.

S'agissant de l'évolution de la composition familiale des ménages, l'amendement n° 145 rectifié ter soulève un véritable problème. S'il est vrai que la sous-occupation est une question à prendre en compte dans la gestion des parcs de logements sociaux, elle ne peut être réglée par la seule remise en cause du droit au maintien dans les lieux. En effet, cette question est notamment liée à l'insuffisance de l'offre de petits logements dans le parc social.

Selon nous, la résolution de la problématique de la sous-occupation passera nécessairement par la réalisation d'une offre supplémentaire de petits logements et par des améliorations au régime des mutations. Plusieurs pistes de réflexion peuvent à ce titre être ébauchées.

Tout d'abord, les mutations constituent actuellement, stricto sensu, des attributions nouvelles, ce qui est trop contraignant et complique excessivement le montage de chaque dossier. Un régime spécifique pourrait être introduit pour les mutations, à l'intérieur du parc social du bailleur, mais aussi - pourquoi pas ? -, par un effet de mutualisation, entre les parcs de plusieurs bailleurs.

Quant aux personnes âgées, qui sont les plus directement concernées par la sous-occupation des logements, on peut s'interroger sur la mise en oeuvre du principe introduit par l'amendement n° 145 rectifié ter.

Une mutation d'office ou une sortie imposée du logement social n'est pas adaptée à ce public : il s'agit de couples âgés ayant vécu bien souvent plusieurs dizaines d'années dans le même logement, et on ne peut pas, sans autre forme de procès, les exclure de leur réseau de solidarité, de leur environnement, de leur quartier !

Malgré les précautions prises dans l'objet de l'amendement, rien n'assure que des garanties seront prises dans un éventuel décret.

Pour toutes ces raisons concernant tant les revenus que l'évolution de la composition familiale, nous sommes résolument opposés à cet amendement.

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