Intervention de Pierre Laffitte

Réunion du 13 février 2007 à 10h00
Pôles de compétitivité et pôles d'excellence rurale — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Pierre LaffittePierre Laffitte :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'avait souligné Jean-Pierre Raffarin en 2005, c'est à l'image de Sophia-Antipolis qu'ont été créés les pôles de compétitivité. Leur immense avantage, Jean-Paul Emorine l'a précisé, est de développer dans de nombreux territoires en France une coopération entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'industrie, mais aussi les collectivités locales.

C'est donc tout naturellement que la fondation Sophia-Antipolis a organisé les premiers « forums interpôles » en France, puis en Europe, avec l'appui des différents ministères concernés - car il s'agit véritablement d'une opération interministérielle ! -, en particulier l'aménagement du territoire, l'industrie, la recherche et les affaires étrangères.

J'évoquerai trois points : l'importance des projets, qui sont la réalité future du système ; les plates-formes de services pour les pôles, les clusters, et leurs projets à l'échelon européen ; les crédits relais nécessaires pour les PME incluses dans les projets des pôles.

Le nombre de PME participantes est considérable. Néanmoins, elles sont rares dans les structures de gouvernance des pôles. Celles-ci, en effet, impliquent du personnel à temps plein, détaché pour l'essentiel par les grandes entreprises : les responsables de PME n'ont en général que très peu de temps disponible et peu de personnel qu'ils puissent détacher. Cela signifie que le financement des gouvernances par l'État et les collectivités locales profite relativement peu aux PME.

Le nombre de projets établis et de projets labellisés n'est pas moins considérable : ce sont les projets qui constituent véritablement la réalité économique de la dynamique d'innovation des pôles, tout comme d'ailleurs celle des clusters européens ou internationaux.

Je précise que chaque projet comporte un consortium et un porteur de projet. Chaque projet, chaque porteur de projet, chaque consortium a ses propres règles. C'est donc en termes de projet qu'il faudra, dans le futur, analyser les pôles. Ma remarque fait d'ailleurs écho à la préoccupation qui a été exprimée ici même pour la région Centre : les sociétés qui sont en dehors des territoires des pôles peuvent très bien participer à des projets, comme cela se produit dans de nombreux cas.

La notion de territoire, notamment pour les grands groupes et en ce qui concerne les aspects internationaux, est donc moins forte que celle de réseaux naissant à l'occasion de projets. Ceux-ci seront de plus en plus souvent appelés à se constituer sur le plan international.

Cela suscite des questions. En effet, si les grandes sociétés qui font partie des pôles, notamment les grandes multinationales, peuvent aisément, en quelque sorte « par nature », mettre en place et piloter des réseaux internationaux, c'est beaucoup plus difficile pour les PME. Or la dynamique de l'innovation ne saurait s'exprimer en termes hexagonaux : autant l'attractivité des territoires s'énonce en termes régionaux et, le cas échéant, départementaux, autant la dynamique de l'innovation est souvent liée aux PME innovantes. Cela se conçoit surtout à l'échelon de l'Europe. Les compétiteurs, ne l'oublions pas, s'appellent États-Unis, Japon, Chine, Corée du Nord, Inde, Brésil désormais.

La Commission européenne m'a demandé de prendre la présidence d'un Advisory Board chargé de préparer un mémorandum sur l'innovation et les clusters en Europe, mémorandum qui sera soumis aux Vingt-Sept États européens pour définir la politique d'innovation jusqu'en 2012.

Ce groupe, qui comporte une douzaine de personnalités - dont l'ancien Premier ministre de la Finlande, le ministre de l'industrie suédois, et un certain nombre de grands universitaires et de scientifiques importants -, a approuvé lors d'une réunion qui s'est tenue au Sénat les 11 et 12 janvier dernier l'idée qu'il était nécessaire de créer en Europe deux ou trois plates-formes de services particulièrement adaptées à l'appui aux PME. Je suis heureux de savoir que le ministère de l'industrie est a priori favorable à cette idée et que, bien entendu, il défendra l'implantation de l'une de ces plates-formes en France : je pense en particulier à celle qui concernera l'Europe du Sud et la Méditerranée et qui implique tout particulièrement la France avec d'autres pays, tels que l'Espagne, l'Italie, la Grèce et les États du Maghreb.

Il me semble donc qu'il nous faut raisonner en termes de projets au moins autant qu'en termes de pôles, parce que ce sont eux qui, dans le futur, constitueront la réalité financée par l'État, les collectivités locales et, surtout, les industriels et le monde académique, ce dernier recouvrant aussi bien les universités que les grandes écoles ou les centres de recherche. Cela mérite que soit créée une dynamique qui permettra à ces projets de se développer de manière autonome - ce qui suppose un aspect international -, de façon à progressivement cesser d'avoir besoin d'autant d'aide de l'État.

Avec l'appui du gouvernement français et des différents ministères concernés, en particulier du ministère de l'industrie, Sophia-Antipolis, la plus ancienne technopole d'Europe, nous a déjà permis de réunir nombre de clusters et de pôles de compétitivité non seulement français, mais européens.

Le succès des contacts avec les partenaires réunis a conduit à un accord de plusieurs pays. Une plate-forme de services pourrait fort bien être installée à Sophia-Antipolis. Elle devra constituer la base d'un réseau ouvert sur tous les pôles français, mais aussi sur les pôles allemands, britanniques, espagnols, grecs, marocains et italiens. Je n'ai pas cité les pays du Nord, mais ces derniers sont déjà très dynamiques, comme l'a souligné notre collègue Christian Gaudin, et peuvent aussi créer une plate-forme en relation avec les autres.

Il est indispensable que les projets émanant de pôles français et européens génèrent des coopérations pour accroître globalement l'efficacité de l'innovation en Europe. Les compétiteurs asiatiques et américains bénéficient en effet souvent de ressources financières considérables et très rapidement utilisables.

Enfin, et ce sera le dernier point de mon intervention, les PME engagées dans les projets peuvent bénéficier, sur décision ministérielle, d'une aide des collectivités locales et de l'État à hauteur de 45 % du montant de leurs dépenses. Toutefois, il ne s'agit dans un premier temps que d'une promesse de participation. Il n'est pas rare qu'une année s'écoule entre le moment où le projet est labellisé et le moment où les PME perçoivent effectivement le chèque. Ce délai est source de difficultés considérables pour elles, car elles disposent souvent de capitaux propres peu élevés.

Lors d'une récente réunion organisée par la Caisse des dépôts et consignations, à laquelle participaient une douzaine de membres représentant des pôles nationaux ou à vocation internationale, tous les responsables des pôles ont émis le souhait que des crédits-relais puissent être mis en place, ce qui n'a pas paru impossible aux responsables de la Caisse.

Monsieur le ministre délégué, dans la mesure où la Caisse des dépôts et consignations a une fonction particulière d'appui aux différents pôles, pourriez-vous conforter cette demande ? L'enjeu est d'importance pour les PME.

En résumé, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je considère que les points essentiels qu'il faudra développer dans la phase de consolidation qui suivra la phase initiale sont l'appui aux projets, la création de plateformes en Europe et la mise en place de crédits-relais en faveur des PME.

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