Monsieur le président, vous voudrez bien me pardonner la longueur de mon intervention, mais cette proposition, essentielle pour la commission des lois, est au cœur du dispositif et mérite, à ce titre, quelques développements.
En effet, le présent amendement prévoit l’unification du contentieux en matière d’hospitalisation sous contrainte.
Le contentieux en la matière se caractérise par un éclatement entre le juge judiciaire et le juge administratif : le juge administratif est compétent pour examiner la seule régularité de la procédure d’admission en soins ; le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, est quant à lui compétent pour statuer sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation sous contrainte. Lui seul peut en prononcer la mainlevée.
Comme l’a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-71 du 26 novembre 2010 issue d’une question prioritaire de constitutionnalité, il est loisible au législateur d’unifier le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte dans le souci d’une bonne administration de la justice. Il semble d’ailleurs que le Conseil constitutionnel, dans le commentaire de sa décision, invite le législateur à procéder ainsi, puisqu’il précise qu’en matière d’hospitalisation sous contrainte il est possible de déroger au principe constitutionnel de dualité des juridictions. J’insiste sur ce point.
Cette unification ne peut se faire qu’au profit du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles.
Une telle réforme garantirait qu’un juge se prononce à bref délai sur la mesure de soins sans consentement, en ce qui concerne tant le bien-fondé que la régularité formelle de cette mesure. En effet, comme vous pouvez le comprendre aisément, le juge judiciaire, pour se prononcer, a besoin de connaître l’ensemble du dossier, sinon sa tâche est beaucoup plus difficile.
Cette réforme mettrait fin à une situation complexe, byzantine, dans la mesure où le patient souffrant de troubles mentaux ne peut qu’être dérouté par la dualité des juridictions : alors qu’il a déjà une maladie psychique, on lui complique la tâche en l’obligeant à choisir l’ordre de juridiction en fonction des moyens qu’il entend invoquer. S’il souhaite contester la régularité de la procédure d’admission en soins, il devra s’adresser au juge administratif, mais s’il entend remettre en cause le bien-fondé de la mesure, il devra se tourner vers le juge judiciaire… Tout cela est très compliqué, d’autant que, si le juge administratif considère que l’acte administratif à l’origine de l’hospitalisation sous contrainte était irrégulier, il ne peut pas lui-même prononcer la mainlevée de l’hospitalisation. C’est presque ubuesque !
De surcroît, environ la moitié des recours actuellement portés devant le juge administratif sont rejetés au motif qu’ils portent sur le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation. Lorsque le patient a saisi la justice administrative en référé, il n’a perdu que quelques jours, mais ce sont déjà quelques jours de trop.
A fortiori, lorsque le patient n’a pas saisi la justice administrative dans le cadre d’une procédure d’urgence, il attendra parfois jusqu’à dix-huit mois pour obtenir une décision de rejet de sa requête portée devant le juge administratif. Il y a quand même de quoi s’émouvoir face à une telle situation !
Par ailleurs, dans un avis rendu le 31 mars dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’homme indique : « On pourrait aussi imaginer qu’il soit fait un bloc de compétences au profit du juge judiciaire, afin que celui-ci connaisse de l’intégralité du contentieux du soin psychiatrique contraint : la concurrence entre la compétence du juge administratif pour connaître des décisions du directeur de l’établissement et celle du juge judiciaire pour décider du maintien de l’hospitalisation sous contrainte ou de la mainlevée de celle-ci n’est guère satisfaisante. » Je crois que vous en conviendrez, mes chers collègues.
Enfin, le principe de l’unification du contentieux a été défendu par l’ensemble des magistrats que le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Jean-René Lecerf – j’ai l’honneur de le représenter dans ce débat aujourd’hui –, a entendus, qu’ils appartiennent à l’ordre judiciaire ou à l’ordre administratif.
C’est donc un souhait général et j’espère que ce sera celui de la Haute Assemblée.