Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre opinion sur ce projet de loi n’a pas varié, et ce malgré l’adoption de quelques amendements, trop rares et trop peu significatifs pour en changer réellement l’esprit.
Ce projet de loi demeure ce qu’il était avant son examen par le Sénat : un texte d’opportunité, d’affichage, permettant au Gouvernement d’utiliser, de prendre prétexte des drames naturellement regrettables, condamnables, pour imposer de nouveaux reculs en matière de libertés.
Au travers, notamment, de telles dispositions, nous assistons à une stigmatisation de la maladie mentale. L’objectif premier du Gouvernement, c’est le maintien de l’ordre public ; et ce texte a une visée résolument sécuritaire.
Si nous nous réjouissions de ce que les modalités des sorties thérapeutiques jusqu’alors applicables ont pu être rétablies, nous ne perdons pas de vue que la circulaire, elle, demeure valable : l’extension des pouvoirs des préfets est maintenue, sans que puisse être engagée à leur encontre une procédure en excès de pouvoir. Autrement dit, l’équilibre des pouvoirs, pourtant indispensable dans une société démocratique, ne peut être assuré.
Ces mêmes préfets bénéficieront, demain, de nouvelles compétences et se substitueront parfois au corps médical et aux équipes de soins, ces dernières devenant alors des auxiliaires de justice. Les garants de l’ordre public l’emportent sur ceux dont la vocation est la préservation de la santé des patients.
C’est donc bien une optique sécuritaire qui guide le Gouvernement dans ses choix, et nous ne pouvons que le regretter. Vous instrumentalisez la souffrance psychique des personnes atteintes de troubles mentaux, vous les présentez à nos concitoyens, à l’opinion publique, comme des personnes potentiellement dangereuses, faisant fi d’oublier qu’elles ont d’abord et avant tout besoin de soins.
Votre manière d’aborder ainsi la psychiatrie vous permet de contourner la question – ô combien légitime ! – des moyens. Nombre d’entre nous se sont émus, sur toutes les travées de cet hémicycle, de leur grande insuffisance. Les chiffres que vous avez évoqués ne tiennent pas compte du nombre croissant de personnes en souffrance psychique et ne permettront pas aux patients, qui attendent plusieurs mois avant de rencontrer des professionnels, d’être accueillis plus tôt.
De la même manière, vous continuez de faire comme si les soins sous contrainte constituent des réponses adaptées. Nous avons eu beau les rebaptiser, ils demeurent des soins sans consentement. Or la nature même des maladies mentales exige que le parcours de guérison soit élaboré avec les patients eux-mêmes. Ce sont des soins qui doivent d’abord et avant tout reposer sur le relationnel : en la matière, rien ne peut être imposé, il s’agit d’une construction progressive.
Le seul traitement que l’on peut imposer, c’est le traitement médicamenteux, celui que vous privilégiez bien souvent. Cela fait dire aux professionnels que vous n’entendez vous attacher qu’aux périodes de crise, sans doute parce qu’elles demeurent pour vous des troubles insupportables à l’ordre public.
Enfin, l’intervention du juge des libertés et de la détention, rendue obligatoire par le Conseil constitutionnel et qui aurait dû être la seule mesure contenue dans ce projet de loi, est réduite d’une manière telle que, je l’affirme aujourd’hui, le Conseil pourrait une nouvelle fois sanctionner le Gouvernement et nous demander de réviser notre copie.
Si je dis que cette mesure aurait dû être la seule à figurer dans ce projet de loi, c’est qu’il est selon nous impossible d’examiner la moindre modalité de soins en dehors d’une loi plus globale sur la psychiatrie dans son ensemble et sur la psychiatrie publique en particulier. Nous aurions voulu véritablement débattre d’une grande loi de santé mentale.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi !