Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de nos travaux, on perçoit bien comment s’est ordonné le travail d’ensemble sur ce projet de loi, qui va sans doute devenir loi.
Le texte résulte en effet d’un péché originel : la volonté de répondre rapidement à un événement qui, pour être dramatique, ne nécessitait pas pour autant une telle précipitation.
Certes, il fallait répondre à la décision du Conseil constitutionnel et aller dans le sens d’une plus grande garantie des libertés. Mais il était possible de le faire sans verser dans la caricature s’agissant des autres dispositions soumises à notre examen.
J’ai eu, avec d’autres, l’occasion de le souligner, on attendait tous une grande loi sur la maladie mentale. Les évolutions constatées depuis 1990 la justifiaient. Il avait d’ailleurs été prévu, à l’époque, de revoir déjà la copie au bout de cinq ans en vue de l’améliorer.
Le présent projet de loi comporte-t-il véritablement des améliorations ? Entre-temps, un certain nombre de rapports ont été publiés. Je pense notamment au rapport Couty : privilégiant une approche d’ensemble de la psychiatrie, il s’intéressait aux moyens et au mode d’organisation à envisager pour résoudre les problèmes, notamment au niveau des soins d’urgence.
Dans ce projet de loi, il n’y a rien de tout cela. Seule transparaît cette idée « géniale », sortie, après d’autres, de la tête du Président de la République, selon laquelle il fallait utiliser une loi pour y glisser le principe de soins sans consentement en ambulatoire. On l’a bien senti, c’est à partir de là que tout a tourné autour de cette proposition.
Tel est notamment l’objet de l’article 1er. Malgré quelques infléchissements pour rendre le dispositif moins pire en quelque sorte, le point central demeure cette volonté résolue d’instaurer des soins ambulatoires sans consentement.
J’ai eu l’occasion d’expliquer lors de la discussion générale tout le paradoxe, encore plus marqué dans le domaine de la psychiatrie, qu’il y a à vouloir imposer des soins sans consentement, soigner les gens malgré eux, nonobstant les médicaments qui peuvent être très puissants.
Nous nous sommes efforcés, en cours de route, d’apporter notre contribution. À cet égard, je remercie bien évidemment la commission des lois, qui a fait son possible pour encadrer la disposition initiale. Dans la recherche du nécessaire équilibre dont on parlait au début et qui avait été reconnu par tous, il aurait fallu peser les actions envisagées au trébuchet du pharmacien, comme je le disais lors de la discussion générale, plutôt que de sortir la Grosse Bertha, ce canon qui tirait des obus sur Paris à plus de cent kilomètres de distance, dévastant tout sur leur passage.
Il convenait de trouver la juste mesure entre trois dispositifs, qui, au vu de leur importance, méritent d’être rappelés.
Le premier se concentre sur les soins, des soins de qualité. Le deuxième, découlant de la décision du Conseil constitutionnel, vise la défense des libertés individuelles – ô combien importante ! Le troisième s’intéresse, bien sûr, à l’ordre public, qui doit être garanti pour protéger les personnes en difficulté, notamment celles qui sont les plus violentées, les plus agressés, je veux parler des malades mentaux. On a d’ailleurs pu entendre, à cette même tribune, l’un de nos collègues exposer son cas personnel, tout à fait édifiant, avec une sincérité touchante, et je l’en remercie.
Ce nécessaire équilibre, on ne le retrouve pas dans le projet de loi. Le curseur est coincé au niveau du contrôle et de la sécurité : le préfet pourra passer en force.
C’est un texte avant tout sécuritaire qui sort de notre examen. Il vient s’ajouter à l’amas de lois du même genre que l’on a vu apparaître dans d’autres domaines au cours de la mandature. Et ce n’est sans doute pas fini, il y en aura d’autres ; je fais confiance à l’inventivité des ministres qui nous gouvernent et à celle de leurs conseillers…
Toujours est-il que l’on ne retrouve pas dans ce projet de loi ce que l’on attendait tous, à savoir la prise à bras-le-corps de cette question de la maladie mentale, pour améliorer dans l’intérêt des malades et des gens qui souffrent et en agissant ainsi on améliorera en même temps tout ce qui est autour, y compris l’aspect sécuritaire.
Ce n’est pas dans cette voie que l’on s’est dirigé. J’espère que la situation évoluera en deuxième lecture. On a senti dès à présent un petit frémissement avec les deux amendements que le Gouvernement vient de nous sortir à la va-vite. Peut-être y aura-t-il d’autres avancées qui nous feront revenir sur ce jugement quelque peu sévère.
Toujours est-il, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que, en l’état, mon groupe votera contre ce projet de loi.