Vingt minutes, tout compte fait, c’est le temps qui restera au spectateur d’une œuvre cinématographique télévisée pour s’imprégner du visage des acteurs, de l’esprit de l’auteur, de l’émotion distillée par la lumière, la musique, les gestes et le décor.
Une fois les vingt minutes passées, le téléspectateur sera directement menacé par l’agression publicitaire, les images criardes, le son amplifié, l’irruption dans l’intime du déballage marchand.
Le temps qu’il s’en remette et se réconcilie avec sa télévision, qu’il s’apaise, qu’il retrouve la subtile sensation du mélange du rire et du cœur serré devant l’histoire de de Roberto Benigni, par exemple, et le jeu des acteurs, qu’il s’interroge sur le sort des prisonniers, et son écran est de nouveau déchiré par une dizaine de clips pour le fromage, le tennis, la lessive et les couches anti-fuites.
La seconde coupure publicitaire est une forme de vulgarité, de mépris pour l’œuvre, pour le téléspectateur, que le Gouvernement disait, voilà quelques articles, vouloir libérer de l’intoxication publicitaire.
Il y a deux poids, deux mesures pour deux secteurs de l’audiovisuel : le public et le privé. Il y a deux poids, deux mesures et une seule victime : le téléspectateur. Le client du privé sera victime du matraquage publicitaire sans aucun égard ; l’usager du public pâtira de la fragilisation des budgets des services publics de télévision et de radio.
Vos dénégations ont résonné cruellement pour les salariés de RFI, à qui le plan social dévastateur vient d’être annoncé, à peine la restructuration de l’audiovisuel extérieur débattue dans notre hémicycle.
Le citoyen est victime d’une altération du patrimoine cinématographique diffusé et, circonstance aggravante, les petites salles de cinéma sont fragilisées, y compris par vos intentions pour le CNC.
Les films de Visconti que vous évoquiez, madame la ministre, ne seront-ils visibles par nos enfants qu’en otages de l’agroalimentaire ou des produits lessiviels ?
Cette semaine, nous avons entendu les orateurs de l’UMP lancer des appels pour le service public, appel à la modernité, à la télévision du XXIe siècle, au dynamisme que confèrerait l’entreprise unique pour résister au milieu de centaines de chaînes.
Si telle est vraiment votre intention, vous ne pouvez pas combler de privilèges TF1 et M6, même si leurs dirigeants sont vos amis, aux dépens de France 2, de France 3 et de France 5, dont vous avez la responsabilité.