Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 16 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Article 47

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, mon intervention portera sur les articles 47 et 48, qui concernent tous les deux le secteur de la cinématographie.

Le titre IV du projet de loi, qui aborde les dispositions relatives au cinéma et autres arts et industries de l’image animée, peut apparaître, au premier abord, comme annexe et de moindre importance par rapport au reste du débat que nous avons eu sur la réforme de l’audiovisuel public et de son financement.

Il est vrai qu’il est annexe, car ces dispositions auraient dû être inscrites non pas dans un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, mais dans un projet de loi spécifiquement dédié aux réformes essentielles du CNC et de la diffusion cinématographique.

En revanche, il n’est pas de moindre importance, car la commission des affaires culturelles appelle depuis longtemps de ses vœux un débat public sur la question du droit du cinéma et du fonctionnement du Centre national de la cinématographie.

L’avenir du cinéma, c’est tout de même une question essentielle de la culture dans notre pays !

Ces dispositions glissées dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle sont d’ailleurs d’autant plus importantes qu’elles permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures relevant normalement du domaine de la loi et qui concernent, entre autres, la réforme du Centre national de la cinématographie, l’exercice des professions du cinéma, l’actualisation des registres du cinéma et de l’audiovisuel, les conditions de cession des droits de représentation et d’exploitation des œuvres pour l’exploitation en vidéo, des dispositions relatives au financement du cinéma, etc.

Nous n’aurons donc pas notre mot à dire sur ces sujets, et c’est regrettable. J’ai été satisfaite de voir que nos rapporteurs le déploraient aussi, puisqu’ils ont écrit dans leur rapport qu’une réforme aussi importante du cadre juridique régissant le secteur du cinéma relevait du Parlement. Mais alors, mes chers collègues, si vous le regrettez, pourquoi l’accepter ?

Le rapport d’Anne Perrot et de Jean-Pierre Leclerc, annexé au rapport de Mme Morin-Desailly et de M. Thiollière, se révèle très intéressant sur la situation actuelle du secteur cinématographique, les enjeux et les perspectives. Il pouvait constituer une excellente base de départ pour la discussion et le travail parlementaires.

Si certaines réformes telles que celles du CNC sont bien engagées par la voie de la négociation, la multitude des secteurs dans lesquels le Gouvernement va pouvoir procéder à des réaménagements, sans aucun contrôle parlementaire, ouvre la porte à tous les abus.

Pourquoi priver le Parlement d’un débat et d’un contrôle sur ce secteur d’activité économique et culturelle français, qui occupe une place d’exception tout à fait remarquable, notamment au niveau européen ? Pourquoi légiférer par ordonnances ? Où est l’urgence, étant donné les délais de six et huit mois annoncés ? La dernière réforme constitutionnelle était d’ailleurs censée limiter cette pratique qui prive le Parlement du plein exercice de ses pouvoirs.

Je crains, à l’instar de tous les programmateurs indépendants, que les aides octroyées aux secteurs de la production et de la distribution indépendantes, les relations commerciales entre les distributeurs et les exploitants, ainsi que le fragile équilibre financier de ce secteur ne soient remis en question. La circulation des copies sur le territoire pourrait alors être menacée, alors même que ce secteur doit maintenant, lui aussi, se mettre rapidement en situation de passer au numérique.

Nous voyons également se profiler la remise en cause de l’intervention des collectivités locales en faveur des petites salles de cinémas, qui en ont pourtant bien besoin en ce moment pour surmonter les contraintes techniques dues au passage de l’analogique au numérique et financer de nouveaux équipements. Car il faut bien avoir conscience que l’exploitation indépendante de moyenne et petite importance, hors des circuits nationaux, n’a pas les ressources nécessaires pour financer seule le déploiement du numérique, qui engloutirait la totalité de ses droits acquis. Nous craignons la remise en cause d’un véritable service public culturel de proximité et abordable pour tous que constitue le cinéma, particulièrement dans les zones rurales ou urbaines les plus fragiles.

C’est pourquoi nous demandons la suppression des articles 47 et 48.

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