Il est ici question de la loi de modernisation de l’économie, cavalier législatif à elle toute seule, et de l’amendement de commande déposé par M. Frédéric Lefebvre. Ce dernier est député des Hauts-de-Seine, département qui héberge un grand nombre de sièges sociaux de chaînes de télévision, dont TF1 à Boulogne-Billancourt, M6 à Neuilly-sur-Seine, Direct 8, propriété du groupe Bolloré, à Puteaux…
Cet amendement a permis de modifier le premier alinéa du I de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard, en assouplissant les règles anticoncentration dans le secteur de la télévision. Pour les chaînes de la TNT, il a modifié non pas le taux relatif à la part de capital – la manœuvre aurait été trop grossière –, mais le taux d’audience totale, relevé de 2, 5 % à 8 %. Avec un tel niveau, la règle anticoncentration a désormais peu de chance de se déclencher dans ce domaine !
Je rappelle que la majorité actuelle, qui était alors dans l’opposition, s’était opposée à la TNT lors du vote de la loi du 1er août 2000. Il faut dire que M6 et, surtout, TF1 avaient œuvré très activement contre son développement, ne croyant pas à l’époque à ce modèle de télévision.
En huit ans, la situation a bien évolué ! Les opposants d’hier, TF1 comme M6, ont investi dans ce secteur, la première de ces chaînes détenant 50 % de TMC et la seconde 100 % de W9. La TNT a peu à peu trouvé son public et d’autres groupes leur ont emboîté le pas. Bolloré détient par exemple 100 % de Direct 8 et Lagardère 100 % de Virgin 17 et 66 % de Gulli.
Pour justifier ce tripatouillage, on nous a expliqué que ce changement de taux d’audience était « vital pour soutenir le développement de la TNT ». Les chaînes du secteur ont pourtant très bien réussi à se développer avec l’ancien seuil !
Par ailleurs, le Gouvernement nous a expliqué que nous traitions d’un « modèle économique fragile ». Ne l’était-il pas au moment de son lancement en 2000 ?
Enfin, cette fragilité exigerait que ces chaînes – je cite toujours l’argumentaire que le Gouvernement a présenté l’été dernier – « soient soutenues par des groupes à l’assise financière solide », ces mêmes groupes qui avait tout fait pour que la TNT ne sorte jamais des cartons !
Aujourd’hui, les audiences sont en constante progression. Les grandes entreprises du secteur, ne souhaitant pas partager le gâteau, se sont donc inquiétées de l’obligation d’ouverture du capital que la loi leur imposait. Un simple changement des règles du jeu a suffi !
Le seuil de 2, 5 % d’audience totale permettait de protéger le pluralisme et de lutter contre la concentration du secteur de la télévision. Cet objectif est plus que jamais d’actualité, alors que la question de la trop forte concentration des médias se pose avec autant d’acuité et que l’audiovisuel public est menacé d’asphyxie par la suppression de la publicité.
La disposition dont il est question ici avait déjà été orchestrée par le Président de la République au profit des chaînes privées, chaînes auxquelles le présent projet de loi accorde, faut-il le rappeler, une deuxième coupure publicitaire. Et, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement vient également d’offrir, par décret en date du 24 décembre 2008, la possibilité aux seules chaînes privées d’allonger le temps de publicité en introduisant la méthode de comptabilisation par heure d’horloge.
Non content de supprimer la publicité sur l’audiovisuel public, le Gouvernement balise la voie pour pouvoir la rediriger vers les chaînes privées, qui se voient offrir de nouveaux et trop nombreux cadeaux.
C’est pourquoi nous soutenons et voterons cet amendement déposé par le groupe socialiste.