Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 16 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Vote sur l'ensemble

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur le déroulement de nos débats pour regretter le peu de présence de nos collègues de l’UMP, à l’exception peut-être de l’examen de quelques articles phares du projet de loi.

L’affront fait au Sénat que, pour notre part, nous n’avons toujours pas « digéré » méritait une réaction vive sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Il faut croire que certains de nos collègues de la majorité ont préféré les commentaires feutrés des couloirs aux prises de position publiques dans notre hémicycle. C’est tout à fait regrettable, car, ne nous y trompons pas, cela crée un précédent, lequel s’inscrit en outre dans un contexte plus large d’une tendance lourde de présidentialisation à outrance et de corsetage de tous les contre-pouvoirs, tout à fait préjudiciable à notre vie démocratique.

Contrairement à ce qui a pu nous être opposé à tort, nous n’avons pas procédé à de l’obstruction voilée. Nous avons défendu pied à pied nos principes et notre vision de l’avenir de l’audiovisuel public. À ce titre, nous estimons avoir rempli notre rôle de législateur en débattant toujours de nos propositions sur le fond.

Ce préalable étant posé, abordons maintenant le fond tel qu’il résulte de nos débats.

Lors de la discussion générale, j’avais indiqué les impératifs sur lesquels notre groupe ne transigerait pas : le principe démocratique d’indépendance, la garantie d’un financement adéquat et pérenne et, enfin, la promotion de la diversité et de la création.

Nous avons obtenu quelques améliorations sur ces trois principes avec l’adoption de nos amendements sur l’autonomie des rédactions, l’indépendance des journalistes, la place des unités de programmes dans la garantie de la diversité des programmes au sein des cahiers des charges, l’appréciation de cette diversité dans toutes les catégories de programmes ou bien encore sur la sortie du GIP France Télé numérique de la redevance, désormais dénommée « contribution à l’audiovisuel public ».

Ne boudons pas notre plaisir, même si force est de reconnaître qu’il s’agit là de dispositions secondaires au regard des deux piliers du texte que sont le mode de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le mécanisme de financement de France Télévisions, censé compenser la suppression de la publicité pour cette dernière.

Ainsi, la timide avancée opérée sur la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, grâce à la proposition de la commission des affaires culturelles, n’en rend pas plus démocratique le mode de nomination par l’exécutif.

Quant au financement, le Sénat s’est honoré en votant la hausse de la contribution à l’audiovisuel public, traduisant en espèces sonnantes et trébuchantes le principe selon lequel la redevance renommée constitue le financement naturel et logique de l’audiovisuel public, principe sur lequel la Haute Assemblée a accepté de nous suivre.

Reste à savoir quel sort sera réservé à cette disposition en commission mixte paritaire, étant donné l’avis défavorable du Gouvernement et l’opposition farouche du président du groupe UMP de l’Assemblée nationale à toute augmentation. Sa disparition constituerait un second affront à l’égard de la Haute Assemblée et, en outre, un sérieux camouflet pour le groupe centriste. De même, nous nous interrogeons sur le maintien de la publicité sur RFO que nous avons obtenu.

Quelle que soit l’issue de la commission mixte paritaire, le mécanisme général de compensation de la suppression de la publicité demeure, ainsi que le caractère aléatoire de ce financement.

Une de nos préoccupations majeures tout au long de nos débats a été de préserver l’avenir de France Télévisions : nous voulions assurer la stabilité de sa présidence et de ses contrats d’objectifs et de moyens, afin de garantir la visibilité nécessaire au développement de notre télévision publique, d’avoir les moyens d’une vision stratégique des enjeux dans un cadre stable à l’opposé d’une vision à court terme dans un climat incertain ; nous ne voulions pas nous lier aujourd’hui pour 2011 en adoptant dès maintenant la suppression totale de la publicité sur le secteur public concomitamment à la fin de la diffusion analogique.

Entériner dès aujourd’hui la suppression totale de la publicité sur nos chaînes publiques pour 2011 constitue une faute politique majeure : c’est créer dès aujourd’hui les conditions d’une nouvelle marche forcée indépendamment de la réalité économique du secteur audiovisuel et d’un nouveau « concours Lépine » d’expédients.

Nous assistions déjà à un bouleversement du marché de la publicité du fait de la révolution numérique ; vous y ajoutez des changements réglementaires importants, et ce dans un contexte de crise économique et sans aucune visibilité sur la restructuration à venir de ce marché. Vous vous engagez donc à l’aveugle pour l’avenir, de surcroît en pleine récession. C’est irresponsable ! Vers quel avenir nous conduisez-vous avec cette disposition ? Tout bonnement au renouvellement de l’épisode que nous venons de vivre, parce que vous vous serez liés trois ans auparavant !

Dans un contexte d’expression minimaliste du groupe majoritaire, des voix se sont exprimées, y compris sur les travées de l’UMP, pour une clause de revoyure. C’est dire ! Comme nous, certains membres de la majorité estiment dangereux de s’engager de la sorte.

Le pouvoir législatif peut demander tous les rapports possibles : ils ne présenteront aucune garantie, et le Parlement sera lié, demain comme aujourd’hui, par l’entêtement de l’exécutif. Quel recours aurez-vous alors, mesdames, messieurs de la majorité, à part vous enferrer dans l’erreur d’un exécutif fermé à la réalité économique du secteur audiovisuel et du marché publicitaire, à qui vous aurez offert un boulevard ?

Ayant toujours cherché à créer les meilleures conditions de gestion de France Télévisions, en vue d’une télévision de qualité s’adressant au plus grand nombre, susceptible de se développer comme un média moderne sur tous les supports, nous ne pouvons accepter de préjuger sa situation en 2011.

Personnellement, je salue le ralliement du groupe UMP à l’idée de la hausse de la contribution à l’audiovisuel public : malgré l’opposition de MM. Sarkozy et Copé, ce groupe a décidé de suivre la proposition unanime de la commission des affaires culturelles d’une augmentation – très modeste – de la redevance, présentée depuis plusieurs années.

Nous reconnaissons également que les rapporteurs, dans un cadre très contraint et avec fort peu de latitude, ont tenté de tempérer l’entêtement présidentiel. Malheureusement, ces tentatives restent bien timides face à l’ampleur de la fragilisation économique et sociale de notre audiovisuel public, et à la mise sous tutelle gouvernementale de ce dernier.

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