Intervention de Rama Yade

Réunion du 19 décembre 2007 à 15h00
Convention du conseil de l'europe pour la prévention du terrorisme — Adoption d'un projet de loi

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme, adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie et signée par la France le 22 mai 2006. Elle est entrée en vigueur le 1er juin dernier et sept États membres l'ont ratifiée à ce jour.

Plus encore que toutes les autres menaces auxquelles nos sociétés doivent faire face, le terrorisme doit être appréhendé à la fois sous un angle répressif, afin de punir les auteurs d'attentats, leurs organisateurs et leurs complices, et dans un objectif de prévention. La nécessité de cette double approche était d'ailleurs tout particulièrement soulignée dans le Livre blanc du gouvernement français sur la sécurité intérieure face au terrorisme paru en 2006.

Je ne reviendrai pas ici sur les aspects répressifs, qui n'entrent pas dans le cadre de la présente convention mais ont fait l'objet de discussions récentes devant la Haute Assemblée, lorsqu'a été présenté le projet de loi autorisant la ratification du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme, entrée en vigueur pour sa part le 4 août 1978.

Je souhaiterais en revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, attirer votre attention sur les efforts entrepris par l'ensemble de la communauté internationale en matière de prévention du terrorisme et, tout spécialement, pour combattre l'incitation à commettre des actes de cette nature.

Les responsables des principaux groupes terroristes savent en effet utiliser tous les moyens disponibles pour diffuser leurs messages de haine, inciter certains individus à franchir le pas qui les mènera à commettre l'irréparable et pour donner à ceux qui auraient été convaincus par leur logique sanguinaire la formation nécessaire. Face à ce défi, la communauté internationale se devait de se doter d'instruments et de dispositifs spécifiques.

La prévention des actes de terrorisme était déjà à l'oeuvre dans le cadre, par exemple, de la liste des Nations unies sur laquelle sont inscrites, à la suite des attentats de septembre 2001, des personnes et des entités associées à al-Qaïda et aux talibans. Le gel des avoirs, l'interdiction de voyager et l'embargo sur les ventes d'armes sont autant de mesures efficaces et opérationnelles pour prévenir l'organisation et la commission d'actes terroristes. La liste antiterroriste européenne s'inscrit dans cette même logique en contribuant à lutter contre le financement des groupes impliqués dans des actes de terrorisme.

Il fallait cependant aller au-delà de ces mécanismes et mettre en oeuvre des mesures plus générales, susceptibles de mieux répondre en amont à la menace terroriste et de lutter contre sa propagation. Ce pas a été franchi en 2005 avec l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1624, demandant aux États de lutter contre l'incitation au terrorisme, et avec la convention du Conseil de l'Europe, que j'ai l'honneur de vous présenter.

L'originalité et l'importance de cette convention résident dans le fait qu'elle conduit à créer de nouvelles incriminations concernant non des actes de terrorisme en tant que tels, mais bien les actes préparatoires à la commission de tels actes, qu'il s'agisse de provocation publique ou d'incitation, de recrutement ou d'entraînement. Cette convention prévoit également que soient incriminées et érigées en infractions pénales la participation en tant que complice, l'organisation ou la contribution à la commission d'actes de terrorisme. Elle peut enfin constituer une nouvelle base entre les États en vue d'extrader des individus reconnus coupables des infractions citées.

Ces créations d'incriminations rejoignent, pour une large part, des dispositions présentes dans notre droit interne. Je pense par exemple à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou à l'article 421-2-1 du code pénal, qui incrimine de façon générale la participation à un groupe formé en vue de préparer des actes de terrorisme, couvrant ainsi également le recrutement ou la formation d'individus susceptibles de les commettre. La convention encourage enfin la promotion de la tolérance en vue de prévenir les tensions qui peuvent engendrer le terrorisme.

Comme on peut le constater, les dispositions contenues dans cette convention concordent bien avec la philosophie qui est la nôtre en matière de prévention du terrorisme. Elle s'inscrit également dans la logique des différentes conventions des Nations unies en matière de lutte contre le terrorisme que la France a soutenues, voire, pour l'une d'entre elles, suscitée : la convention sur la répression du financement du terrorisme. Elle est pleinement respectueuse des droits de l'homme.

Elle marque ainsi une nouvelle étape dans la mise en cohérence des normes internationales en vigueur en matière de lutte contre un phénomène qui, parce qu'il continue de menacer l'ensemble de nos sociétés, ne peut être combattu que par un effort commun.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

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