Simplement, dans un domaine de compétences partagées, on ne peut pas raisonner de façon étroite chacun de son côté sans une prise en compte globale et commune des besoins à l’échelle à la fois nationale et territoriale. De ce point de vue, c’est la logique du contrat qui a été voulue par le rapporteur et qui me semble positive, car elle permet à tous les acteurs de se mettre en lien et d’œuvrer ensemble.
C’est d’ailleurs, monsieur le rapporteur, madame la présidente Procaccia, ce même principe de concertation entre les acteurs qui a donné lieu au texte.
Le projet de loi – c’est le pari que nous avions fait – est le fruit de nombreuses négociations, de groupes de travail qui se sont réunis depuis plus d’un an avec l’ensemble des partenaires du champ de la formation professionnelle : avis du Conseil d’orientation pour l’emploi en avril 2008, groupe multipartite piloté par Pierre Ferracci de juillet 2008, négociation des partenaires sociaux achevée en janvier 2009 – je souhaite une nouvelle fois leur rendre hommage, car l’accord a été signé à l’unanimité par tous les partenaires sociaux –, concertation avec l’Association des régions de France à la fin de 2008 et au début de 2009, et consultation multilatérale avec les partenaires sociaux sur le projet de loi en avril 2009.
Le texte s’appuie en effet sur l’accord unanime auquel les partenaires sociaux sont arrivés le 7 janvier dernier. Mais, et j’y tenais – mon passé de parlementaire a sans doute joué –, il importait dans le même temps de préserver toute l’initiative parlementaire. Je n’ai jamais cru que le Gouvernement était capable de proposer d’emblée un texte qui ne nécessiterait aucune amélioration et auquel le dialogue parlementaire ne pourrait rien apporter. Aussi, nous avons été très attentifs, à l’Assemblée nationale et, plus encore, au Sénat, avec le rapporteur Jean-Claude Carle, à ce que des améliorations très substantielles puissent être apportées au texte. Ce texte est ainsi l’un des modèles les plus aboutis de la coproduction législative, puisque de nombreux points ont été modifiés dans ce cadre.
Ce n’est d’ailleurs que rendre justice à M. le rapporteur, qui est à l’origine de nombreuses propositions sur la portabilité du droit individuel à la formation, la contractualisation du plan régional de développement des formations, le développement des contrats en alternance, le regroupement des OPCA, tous sujets sur lesquels il avait œuvré depuis longtemps.
Le débat réalisé en amont nous a permis de travailler sur un certain nombre de points sur lesquels le rapporteur souhaitait mettre l’accent. Il les développera lui-même plus longuement, mais je tiens à les évoquer pour rendre hommage au travail qui a été fait : la simplification du système, en allant plus loin que ce qui avait été prévu à l’issue des débats à l’Assemblée nationale ; une plus grande exigence pour mettre sous tension le dispositif, notamment les OPCA ; la contractualisation et la gouvernance revues sur le modèle du contrat de plan, ce qui sera certainement positif ; une préoccupation légitime pour les difficultés de formation dans les TPE, pour laquelle votre expérience de terrain a sûrement beaucoup compté.
En outre, sujet qui tenait également à cœur à la présidente Catherine Procaccia et sur lequel des avancées fondamentales pour le fonctionnement de l’apprentissage ont été réalisées, il a été procédé à un assouplissement du système extrêmement contraignant de l’apprentissage.
Le système de l’apprentissage, si l’on y réfléchit, repose chaque année sur un petit miracle. Les étudiants qui souhaitent suivre une formation en apprentissage se réveillent en général à partir de la mi-août. Il faut réussir à trouver pour chaque étudiant – ils sont 300 000 à suivre une formation en alternance – une place en entreprise au plus tard pour la fin du mois de septembre ! À partir du début du mois d’octobre, un CFA qui accepte courageusement un étudiant en faisant le pari de lui trouver une place en entreprise pour éviter de le laisser au bord de la route prend des risques juridiques considérables. Nous sommes en effet dans une situation de vide juridique.
Avec la crise, nous avons craint, au mois de juillet, que près d’un tiers des étudiants en apprentissage ne trouvent pas de place. Nous travaillons inlassablement sur ce point depuis trois mois et nous sommes parvenus aujourd'hui au pourcentage beaucoup plus positif de 5 %. Mais le vide juridique demeure.
Le projet de loi, grâce aux initiatives et aux pressions de la présidente Catherine Procaccia, va nous permettre de faire bouger cette situation en prévoyant qu’un CFA ou un organisme qui finance des formations en apprentissage peut prendre un jeune alors même qu’il n’a pas encore trouvé de place en entreprise, en s’accordant ainsi un délai supplémentaire jusqu’à la fin de l’année. Alors que nous avions mis en place une de ces usines à gaz dont notre pays a parfois le secret, ce nouveau système est plus simple et plus lisible.
Enfin, le président Legendre, dont je salue le travail, et le rapporteur ont souhaité une meilleure articulation entre la formation initiale et la formation continue. Le rapporteur a déposé de nombreux amendements sur ce sujet destinés à mettre la pression pour que le service public de l’information et de l’orientation soit considérablement amélioré. Ce sont des amendements substantiels mais aussi des amendements d’appel déposés par le rapporteur, Jean-Claude Carle, qui doivent nous permettre d’améliorer le texte sur les questions de l’accompagnement des jeunes qui décrochent du système scolaire par les missions locales, ou encore le développement des écoles de la deuxième chance et des contrats en alternance.
En conclusion, je voudrais revenir sur l’état d’esprit qui devrait à mon sens nous animer dans un débat portant sur la formation professionnelle.
Les partenaires sociaux ont donné l’exemple en étant capables de parvenir à un accord unanime constructif, au prix des efforts de tous, chacun faisant une partie du chemin. Il faut du courage politique pour réaliser cet effort, parce que les lobbies et les groupes d’intérêt sont puissants dans ce domaine. Il faut aussi du courage et de la lisibilité pour ne pas se perdre en chemin tant la tuyauterie est subtile, le jeu institutionnel, fort et les risques de renvoi de balles entre les différents acteurs, importants.
Pourtant, nous n’avons pas le droit d’oublier que la formation professionnelle, plus encore en période de crise, est un outil fondamental de justice, d’équité et d’ascension sociale. Cet objectif, attendu par de très nombreux salariés et demandeurs d’emploi sur le terrain, nous oblige, à travers notre débat, à dépasser les écueils. Nous devons enfin passer d’un système devenu trop injuste à un système équitable, d’un système dans lequel la formation est insuffisamment évaluée à un système dans lequel la formation professionnelle devient une vraie arme anti-crise, d’un système dans lequel la formation est opaque vers un système dans lequel la formation est transparente.
Vous l’avez compris, la formation professionnelle a besoin d’être dépoussiérée, elle a besoin d’un bon coup de ménage autour d’un seul objectif : l’emploi !