Parmi les travaux préalables, il y a eu au Sénat la mission qu’a excellemment conduite Jean-Claude Carle avec notre ancien collègue Bernard Seillier. Il y a également eu les rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des affaires sociales et du Conseil d’orientation pour l’emploi, qui ont tous conclu à la nécessité de réformer ce système, non pas dans un esprit de rafistolage, mais avec une véritable ambition.
L’importance de ce texte tient également au fait qu’il résulte d’un accord unanime des huit organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national. Un tel accord unanime repose forcément sur des compromis peut-être délicats et des équilibres sans doute imparfaits, mais il manifeste l’importance attachée par les partenaires sociaux à la négociation qu’ils ont menée sur la formation professionnelle.
Pour avoir été rapporteur du texte relatif à la modernisation du dialogue social, je trouve très positif que le Parlement s’appuie dans sa fonction de législateur sur cet accord des partenaires sociaux.
Pour autant, le législateur n’est pas dessaisi de ses compétences – les partenaires sociaux ont bien souligné qu’ils en étaient d'accord – par l’existence d’un accord interprofessionnel ; il conserve son droit d’amendement.
Le Sénat n’a disposé que de peu de temps pour examiner ce texte important, mais il l’a utilisé au mieux au sein de la commission spéciale créée à cette occasion. Je souhaite remercier tous les membres de la commission de l’excellente atmosphère qui a régné pendant nos travaux, y compris pendant les mois de juillet et d’août. Je salue tout particulièrement le rapporteur pour son engagement total dans ce travail, qui l’a conduit – il l’a rappelé – à multiplier les auditions en une période qui n’est pas favorable, mais qui nous ont permis, puisque nous assistions presque tous à ces auditions, d’entendre la quasi-totalité des acteurs de la formation professionnelle et ceux qui l’ont souhaité.
Le texte qui nous est soumis aborde un grand nombre de sujets : droit individuel à la formation, création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, mise en place de la préparation opérationnelle à l’emploi ou de la révision des conditions d’élaboration du plan régional de développement des formations professionnelles. Jean-Claude Carle ayant parfaitement résumé le contenu du projet de loi et les apports de la commission spéciale, j’aborderai pour ma part quelques questions spécifiques.
J’évoquerai d’abord brièvement l’apprentissage – M. le secrétaire d’État a rappelé l’intérêt que j’accorde à ce dossier – et les formations en alternance. Chacun le sait, ces formations sont un gage de réussite pour de très nombreux jeunes ; il faut continuer à les développer à tous les niveaux de qualification.
À mon sens, nous avons encore beaucoup à faire pour que l’apprentissage se développe partout, notamment dans le secteur public. Est-il normal, sur plus de cinq millions d’agents dans le secteur public, de dénombrer seulement 6 000 apprentis environ ? Ce chiffre est véritablement ridicule. Selon moi, le fait que les fonctionnaires soient recrutés par concours ne justifie pas que l’on interdise à des jeunes de se former par l’alternance dans une collectivité territoriale, une administration d’État ou même dans les assemblées parlementaires. Et j’espère que, grâce aux amendements apportés, le Sénat deviendra exemplaire en la matière.
Nous avons eu la chance d’entendre en commission spéciale M. Laurent Hénart, qui avait été chargé d’un rapport sur l’apprentissage dans la fonction publique. Il nous a détaillé tous les freins au développement de l’apprentissage dans le secteur public.
Certains sont d’ordre réglementaire. La loi de 1992, qui régit l’apprentissage dans le secteur public, est beaucoup plus contraignante que le code du travail.
Comme nous l’a indiqué Laurent Hénart, il conviendrait de rapprocher le plus possible les règles applicables au secteur public de celles qui prévalent dans le secteur privé. Ainsi, la suppression de l’agrément préfectoral, qui a été décidée par notre commission spéciale, est un premier pas. J’espère que cela constituera l’un des apports importants du Sénat dans cette réforme de la formation professionnelle. Mais il conviendra naturellement d’aller plus loin.
Laurent Hénart nous a également précisé que l’alternance dans le secteur public pouvait passer par les contrats « parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale ». Ces « contrats PACTE », qui peuvent déboucher sur un emploi, pourraient eux aussi être développés.
Je crois que tout le monde a intérêt à une telle expansion de l’apprentissage. Pour certains fonctionnaires, prendre en charge des apprentis pour assurer leur formation peut être un moyen de diversifier leurs tâches et de valoriser leur travail.
Naturellement, cela ne sera possible que si l’on trouve les financements adaptés. Comme – chacun le sait – il sera difficile de mettre à contribution les collectivités locales ou l’État, au moins dans la conjoncture présente, il faudra faire preuve d’imagination et la solution passera sans doute pour partie par une réforme de la taxe d’apprentissage, évoquée par Jean-Claude Carle tout à l’heure.
Un autre sujet important concerne les stages. Notre commission spéciale a décidé d’interdire des stages hors cursus pédagogique pour éviter les comportements de certaines entreprises qui prennent des jeunes en stage uniquement pour les faire travailler sur de vrais postes en facturant leurs prestations au prix fort aux clients tout en ne payant que très chichement les stagiaires. Ce type de situation n’est pas acceptable.
En revanche, je souhaite que cette mesure que nous allons adopter ne mette pas fin à tous les stages de découverte dans les entreprises, qui peuvent éveiller les jeunes à des réalités qu’ils ignorent. Le décret nous permettra de bien préciser les choses. Nous le suivrons, monsieur le secrétaire d'État, si vous le permettez.
Pour connaître le monde de l’entreprise, je dois dire qu’un stage véritablement utile pour un jeune est un stage qui nécessite que la personne accueillant ce dernier lui consacre beaucoup de temps. Le problème qui se pose aujourd’hui est que les entreprises reçoivent de plus en plus demandes de stage et qu’elles ne sont pas en mesure de répondre à toutes ces demandes. Vous le savez, dorénavant, la plupart des cursus intègrent des demandes de stages obligatoires.
Je dirai maintenant quelques mots sur la formation professionnelle et sur les entreprises. Vous le savez, mes chers collègues, notre système de formation repose sur son obligation légale de financement instituée il y a près de quarante ans, obligation que l’on résume en général en ces termes : « former ou payer ».
La situation a bien changé depuis l’instauration de cette obligation légale et aujourd’hui la plupart des entreprises sont très conscientes de l’importance de la formation continue pour leurs salariés, mais aussi pour le développement de l’entreprise et sa compétitivité. La formation des salariés est un investissement pour une entreprise.
Dans ce contexte, il aurait sans doute été possible d’aller plus loin dans la réforme qui nous est soumise en mettant plus l’accent sur la responsabilité que sur la contrainte.
Le système de formation tel que nous le connaissons aujourd’hui est essentiellement fait d’obligations assorties de sanctions alors qu’un système d’incitations serait sans doute plus efficace.
J’aurais souhaité que ce projet de loi simplifie davantage les mécanismes pour faciliter le travail de l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle. On peut s’interroger sur l’opportunité de certains articles qui rajoutent des entretiens individuels pour certaines catégories de salariés alors que plusieurs lois ont déjà créé de tels entretiens au sein des entreprises.
J’aurais également aimé que l’on aille un peu plus loin sur la multiplicité des organismes et que l’on se pose des questions sur l’efficacité des formations actuellement sur le marché et d’un certain nombre de formateurs. J’ai été, pour ceux d’entre vous qui ne le sauraient pas, responsables de formations pendant une dizaine d’années, et je sais de quoi je parle !
En revanche, beaucoup de dispositions vont tout à fait dans le sens de la simplification, en particulier la rationalisation du réseau de collecte des fonds avec la réduction très importante du nombre d’OPCA que devrait entraîner cette réforme.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réforme de la formation professionnelle n’est sans doute pas, et je l’espère, la dernière, mais elle ouvre la voie à une véritable modernisation du système de formation dans notre pays.
La commission spéciale que j’ai l’honneur de présider a souhaité renforcer ce projet de loi et lui donner davantage de souffle pour qu’il puisse faire preuve de sa pleine efficacité et, surtout, pour répondre harmonieusement aux aspirations des salariés et aux besoins des entreprises.