Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi ne constitue certes pas une révolution en matière de formation professionnelle, mais il apporte sans aucun doute des avancées réelles.
Il s’inscrit dans la droite ligne de la réforme vertueuse engagée en 2004. C’est une réforme plus que jamais nécessaire. Nous le savons toutes et tous, la reprise est encore très incertaine et la dégradation de la conjoncture économique ne cesse de faire monter le taux de chômage. La formation professionnelle doit donc devenir un véritable outil au service des politiques de l’emploi. C’est tout l’esprit de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI, du 9 janvier 2009 auquel ce texte entend, pour partie, donner une base législative.
Mentionner l’ANI me permet, avant d’entrer dans le vif du sujet, de saluer les conditions d’élaboration du projet de loi qui nous est soumis. S’il est un domaine où le terme de démocratie sociale a un sens, c’est bien celui-ci. Aucune réforme de la formation professionnelle ne s’est faite sans que les partenaires sociaux en soient à l’origine. Celle-ci n’échappe pas à la règle.
Dans ces conditions, le Gouvernement a pleinement pu jouer son rôle d’accompagnateur.
La loi du 31 janvier 2007, qui impose à l’exécutif de saisir les partenaires sociaux préalablement à toute réforme en la matière, a bien été respectée, et nous nous en félicitons.
C’est maintenant au tour du législateur d’achever son œuvre de consolidation et de réaménagement.
Le législateur a pleinement pris la mesure de l’enjeu. Les chiffres rappelés par M. le secrétaire d'État sont éloquents : la formation professionnelle représente aujourd’hui 27 milliards d’euros dans notre pays. Arrivé à maturité, le seul DIF pourrait coûter 10 milliards d’euros.
Il s’agit de masses financières suffisamment significatives pour que la formation professionnelle tout au long de la vie puisse, théoriquement, jouer à plein son rôle de levier en faveur de l’emploi.
Or, tel n’est pas le cas parce que, malgré la réforme de 2004, le système souffre encore de graves insuffisances. Ces insuffisances, M. le rapporteur l’a rappelé, tiennent au caractère inégalitaire du système et à sa complexité.
Pour ce qui est du caractère inégalitaire du système de formation professionnelle, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les techniciens et les cadres continuent d’accéder deux fois plus à la formation que les ouvriers ; les salariés des très grandes entreprises y accèdent plus de quatre fois plus que ceux des petites ; enfin, l’accès à la formation professionnelle des demandeurs d’emploi stagne à un niveau bas, moins de 10 % d’entre eux en bénéficieraient.
Quant au problème de la complexité, il n’est un mystère pour personne. Comme bien souvent en France, le système s’est historiquement constitué autour d’une logique de moyens par empilement successif de dispositifs et de structures.
Le résultat est que si les bénéficiaires potentiels de la formation professionnelle sont nombreux, les organismes qui en assurent la gestion ne le sont pas moins. Quant aux organismes prestataires, leur nombre est tout simplement pléthorique. Ce sont autant de facteurs qui expliquent aujourd’hui que les entreprises et les salariés peuvent avoir bien du mal à se retrouver dans ce maquis.
Or le présent projet de loi répond très exactement à ces critiques.
Les mesures de retranscription de l’ANI dans la loi visent à rendre le système plus accessible aux publics qui en auront le plus besoin. C’est évidemment le cas des deux principales d’entre elles : la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et l’organisation de la portabilité du DIF.
Quant aux mesures purement législatives, elles vont dans le sens d’une simplification du système et tendent à le rendre plus transparent. Tel est l’objet des titres V, VI et VII du projet de loi, relatifs à la gestion des fonds de la formation professionnelle, à l’offre et aux organismes de formation, ainsi qu’à la coordination des politiques de formation professionnelle et à leur contrôle.
Nous ne pouvons, monsieur le secrétaire d'État, que souscrire aux grands axes de ce texte. Son architecture globale est cohérente et de nature à répondre à la situation de crise : le système permettra de mieux s’adapter à l’évolution des métiers et d’en changer.
Sur le plan de la philosophie de la politique de formation professionnelle, le projet de loi n’est pas anodin.
En effet, si, comme je l’ai précisé voilà un instant, il ne constitue pas lui-même une révolution, une fois articulé avec la réforme de 2004, ce texte emporte une triple rupture, salutaire, avec la manière dont la formation professionnelle était conçue jusqu’à présent.
Avec ce projet de loi, on passe, d’abord, d’une logique statistique de droits cloisonnés à une logique dynamique de droits portables et d’accompagnement personnalisé.
On passe, ensuite, d’une logique de statut – être salarié ou non – à une logique de besoin grâce au ciblage de publics prioritaires par le fonds de sécurisation.
On passe, enfin, d’une logique de moyens – le financement obligatoire et les OPCA – à une logique de résultats puisque l’objet affiché de réforme est de former annuellement 500 000 salariés peu qualifiés de plus qu’aujourd'hui et 200 000 demandeurs d’emploi.
D’une certaine manière, c’est la même révolution copernicienne que celle qui a été opérée en matière de financements publics avec la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Dorénavant, on peut espérer que l’individu et son parcours professionnel seront au cœur du système.
Pour que cela soit effectif, tous nos efforts doivent tendre vers l’intégration de toutes les phases de la formation et de la vie professionnelle en un parcours le plus cohérent possible.
Jusqu’à présent, la vie professionnelle d’un individu pouvait se présenter sous la forme d’une succession de ruptures : formation initiale, orientation, emploi, perte d’emploi ou changement d’emploi. Ce sont ces ruptures qu’il faut aplanir en décloisonnant le système, en sortant des logiques autarciques et corporatistes.
Le texte qui nous est soumis procède-t-il à une telle fluidification ? Dans une large mesure, la réponse est oui, surtout après les améliorations apportées par l’Assemblée nationale et par la commission spéciale du Sénat.