Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 21 septembre 2009 à 14h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

C’est, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce que la France a créé l’obligation de payer sans créer pour autant l’obligation de former.

Par ailleurs, comment ne pas être perplexe face à un système qui, dans les faits, bénéficie principalement aux grandes entreprises et aux salariés les plus qualifiés, alors même que la lutte contre les inégalités constituait, dès 1971, l’un de ses objets ?

Comment, enfin, ne pas être interpellé par le paradoxe des salariés les moins qualifiés, qui ont peu d’appétence pour la formation professionnelle, alors même que leurs qualifications sont le meilleur gage de leur employabilité ?

La formation professionnelle a déjà fait l’objet de plusieurs rapports, notamment le rapport d’information de nos collègues Bernard Seillier et Jean-Claude Carle et le rapport de la Cour des comptes : tous pointent les limites d’un système devenu peu à peu complexe et inefficace ; on a même parlé de « dérive » de la formation professionnelle.

Au fur et à mesure des accords et des réformes, notre système de formation s’est complexifié et est devenu totalement incompréhensible, qu’il s’agisse de son contenu même ou de son organisation qui repose sur un enchevêtrement des dispositifs, des acteurs et des territoires. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues ? Moins de vingt personnes, je l’ai dit tout à l’heure, sont capables d’expliquer et de justifier ce dispositif, alors même que nous voudrions que chaque chef d’entreprise et chaque salarié se saisissent des instruments mis à leur disposition pour construire une vraie stratégie d’entreprise visant à la fois la compétitivité de tous et, surtout, l’employabilité de chacun.

J’espère que la loi que nous examinons aujourd’hui marquera la fin d’une longue, d’une trop longue série de textes. Je souhaite que le prochain texte qui sera voté nous donne véritablement les moyens de préparer l’avenir et d’aider à construire un environnement professionnel adapté aux besoins du XXIe siècle.

Face aux mutations considérables auxquelles nos sociétés sont aujourd’hui confrontées, les adaptations que prévoit cette loi nous semblent quelque peu insuffisantes. Nous aurions plutôt voulu que l’on rende rapidement possibles des expérimentations d’entreprise, au cadre légalement fixé, qui bénéficieraient de l’accord des acteurs de l’entreprise et qui seraient évaluées régulièrement. Nous aurions également souhaité que cette recherche englobe l’évolution d’une personne sur une longue durée, de l’école à la retraite, en recherchant la cohérence de son parcours. Nous aurions aimé, enfin, que la défense des systèmes existants ne vienne pas empêcher les innovations et les expérimentations, qu’elle ne vienne pas décourager les volontaires.

Je sais que très nombreux sont les salariés du secteur privé et du secteur public qui, malgré leur bonne volonté, leurs idées et leur énergie, finissent, à force d’épuisement, par se décourager, alors qu’il existe ponctuellement des lieux au sein desquels les modes de management et d’organisation permettent à chacun de développer son potentiel, et ce bien mieux qu’une action de formation ne le ferait.

Nous observons aujourd’hui que le diplôme a peu à peu pris le pas sur le métier et que, dans notre pays, c’est plus le diplôme que l’expérience professionnelle qui a les faveurs des recruteurs. C’est là faire preuve d’une attitude exclusive, et prendre le risque de se priver ainsi de nombreux talents et de nombreuses compétences.

Les expérimentations d’entreprise dont je vous parle devraient permettre de sortir du cadre réglementaire actuel et nous aideraient peut-être à clarifier nos positions. Nous sentons bien, aujourd’hui, que les forces en présence nous empêchent souvent de réfléchir et d’innover en toute sérénité : le système éducatif a ses propres résistances, les partenaires sociaux leurs limites, et les pouvoirs publics, tant nationaux que territoriaux, sont pris dans le jeu contradictoire des lobbies.

Les chefs d’entreprise et les salariés, qui se sentent fréquemment démunis face à la complexité de ces questions, finissent souvent par reléguer le facteur humain au second rang, alors qu’il est l’un de nos principaux atouts pour le futur.

Avant de conclure, je voudrais vous proposer de rêver un peu, de rêver à un pays où chaque salarié aurait conscience de son potentiel et du capital humain qu’il représente, de la responsabilité qui lui incombe de le faire fructifier pour le bien-être de tous, un pays où chaque cadre, chaque chef de service, chaque directeur ou manager aurait conscience qu’il joue un rôle fondamental dans l’évolution des capacités de chacun, ce qui concerne autant le management que la formation, ...

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