Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 21 septembre 2009 à 14h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis a été débattu à l’Assemblée nationale du 15 au 17 juillet dernier. Au regard des modifications apportées, il diffère du texte initial du Gouvernement. Il n’en demeure pas moins que son architecture reste identique. Il est construit autour de deux axes principaux : le premier transpose l’accord national interprofessionnel, l’ANI, du 7 janvier dernier, alors que le second a trait aux propositions gouvernementales.

L’accord national interprofessionnel a été signé par l’ensemble des partenaires sociaux – c’est une grande première – et il marque un tournant essentiel : pour la première fois, la formation des demandeurs d’emploi est réellement prise en compte.

Dans cet accord, plusieurs éléments positifs apparaissent, comme la portabilité du droit individuel à la formation, qui permet au salarié privé d’emploi de faire valoir ses droits acquis au titre du DIF pendant deux ans. Cette disposition participe de la sécurisation du parcours professionnel. Dès lors qu’un bon usage en est fait, le bilan d’étape professionnel peut être une mesure positive.

Je citerai également l’extension du contrat de professionnalisation aux bénéficiaires des minima sociaux et autres titulaires des contrats aidés. Nos concitoyens éloignés de l’emploi pourront, grâce à cette mesure, bénéficier de l’efficacité des formations en alternance.

Enfin, la limitation du nombre d’organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, peut aussi être considérée comme allant dans le bon sens, même si des réponses devront être apportées aux questions des critères de regroupements. Mais faisons confiance aux partenaires sociaux.

Malheureusement, et encore une fois, si le texte qui nous est présenté reprend les éléments très positifs de l’ANI, il « oublie » de transposer des éléments présents dans l’accord et aussi importants que « la formation initiale différée ». Il s’agit pourtant d’un élément fondamental pour qui prétend construire une société du savoir et de la connaissance.

Toutes les statistiques le montrent : ce sont les jeunes les moins qualifiés et non diplômés qui rencontrent les plus grandes difficultés au moment de leur insertion professionnelle. Ce ne sont pas la présidente et le rapporteur de la mission commune d'information sur les jeunes, présents dans cet hémicycle, qui me contrediront. De même, ces jeunes qui n’ont pas bénéficié d’un socle de connaissances suffisamment solide se retrouvent, à l’occasion d’une rupture professionnelle, plus souvent chômeurs de longue durée, voire allocataires de minima sociaux.

La « formation initiale différée », inscrite depuis plusieurs années dans les accords, n’a jamais été transposée dans la loi. La principale raison évoquée pour l’expliquer est le coût de la mesure. Mais nous interrogeons-nous sur le coût des 200 000 jeunes qui sortent chaque année sans diplôme du système de formation initiale, et ce malgré la loi d’orientation et de programmation pour l’école de 2004, qui reprenait les objectifs de celle de 1989 concernant la lutte contre les sorties du système scolaire sans diplôme ?

Au-delà de l’absence de « formation initiale différée » dans ce projet de loi, c’est aussi l’absence de formation professionnelle initiale qui est dommageable. Tout se passe comme si « la formation professionnelle tout au long de la vie » ne commençait qu’à l’issue du système éducatif, laissant de côté le problème de l’échec scolaire et l’incapacité de l’école française à permettre à tous ses élèves d’acquérir un socle de connaissances suffisant pour s’engager dans la vie professionnelle.

Certes, l’article 2 vise à relier et à articuler le socle commun des connaissances tel que le prévoit l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation avec les connaissances et les compétences favorisant l’évolution professionnelle, ainsi que le précise l’article L. 6111-1 du code du travail. Reste que cette disposition n’a qu’une valeur déclarative et aucune valeur prescriptive.

Rien non plus ou presque n’est prévu sur l’apprentissage, pourtant considéré comme une voie de formation efficace et dont la réglementation mériterait une simplification et une plus grande transparence. Nous présenterons d’ailleurs un amendement visant à une clarification des compétences et des financements.

Certaines modifications ont été apportées par la commission spéciale, en particulier par le rapporteur, concernant l’apprentissage ; certaines nous conviennent, d’autres non, et nous aurons l’occasion de le dire lorsque nous examinerons les différents articles.

Il n’y a rien non plus dans ce projet de loi sur la formation professionnelle initiale sous statut scolaire, qui concerne plus des deux tiers des jeunes formés chaque année. L’image dévalorisée de certains lycées professionnels n’incite guère nos jeunes à se construire une représentation positive de cette voie de formation. La création du bac professionnel en trois ans, c’est-à-dire une année de moins qu’actuellement, laissera sans doute sur le bord du chemin de nombreux jeunes, qui ont besoin de plus de temps pour apprendre.

Cette absence de lien entre formation initiale et formation continue, qui constituent à elles deux le concept de formation tout au long de la vie, est de notre point de vue tout à fait dommageable, car la continuité des parcours de formation constitue aussi un moyen de lutter contre l’échec scolaire.

Si la portabilité du DIF prévu dans l’ANI va dans le bon sens, et nous l’avons déjà dit, nous constatons qu’aucune disposition ne concerne la réforme du DIF et du CIF créés par la loi de 2003.

Pourtant, le constat dressé par la Cour des comptes est sans appel : « Le DIF et le CIF n’apportent qu’une contribution très incomplète à la correction des inégalités d’accès à la formation professionnelle continue et à la sécurisation des parcours professionnels en raison, notamment, de leur absence de complémentarité, d’un faible nombre de bénéficiaires et de leur absence de ciblage sur les publics les plus fragiles. » Sans doute quelques améliorations sont-elles apportées par la commission spéciale, mais je pense que nous n’allons pas au terme du processus.

Un autre manque important concerne l’orientation. Ce sujet est à peine effleuré dans l’intitulé du projet de loi et dans le titre Ier. Or les propositions du Livre vert de Martin Hirsch, issues de la mission « jeunes » sont beaucoup plus concrètes : elles visent à améliorer la cohérence dans l’organisation du système d’orientation en reprenant l’idée de mettre en place un « service public d’orientation territorialisée ». Mon collègue Claude Jeannerot reviendra plus longuement sur la question de l’orientation et sur celle du rattachement des psychologues de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, à Pôle emploi.

Je voudrais maintenant évoquer le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP. Sur ce sujet aussi, les questions demeurent. En effet, le FPSPP, prévu par l’Accord national interprofessionnel, avait pour objectif initial de recentrer les actions de formation sur les demandeurs d’emploi et les salariés les moins qualifiés. Au premier abord, l’idée est donc intéressante.

Il aurait été logique de voir se mettre en place un système simple, visant à permettre un financement rapide d’une offre de formation en adéquation avec les besoins de qualification du marché du travail. Peine perdue, c’est une véritable « usine à gaz » que vous nous proposez d’instaurer. Cette architecture est si redoutable qu’il y a fort à parier que le degré d’efficacité en sera très lourdement affecté.

En outre, des interrogations subsistent sur les possibilités d’affectation d’une partie du prétendu pactole de la formation professionnelle, soit 900 millions d’euros. Certains craignent que l’objectif réel du Gouvernement ne soit de renflouer les caisses de l’État.

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