Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre d’un texte annoncé de longue date et qui, selon le Président de la République, devait être l’un des plus importants de la législature.
La réforme de la formation professionnelle, chacun s’accorde à le dire, est nécessaire. Nous étions prêts, et nous le sommes toujours, à y travailler avec vous sur le plan tant national que local.
Il faut le reconnaître, le projet de loi comporte un certain nombre d’avancées, mais, globalement, il n’est pas à la hauteur des enjeux.
En transposant en matière législative l’accord national interprofessionnel du 9 janvier 2009, ce texte permet en effet deux avancées majeures.
La première tend à renforcer et à réaffirmer le droit individuel à la formation. À l’avenir, l’accès à la formation devrait de plus en plus prendre en compte la dimension des parcours individualisés, avec des droits et un suivi individuel. Ainsi, l’article 4 a pour objet de renforcer le dispositif qui anticipe le mieux cette évolution en facilitant sa « portabilité » en cas de rupture du contrat de travail. Grâce à une intervention des fonds mutualisés, un reliquat de droit non utilisé pourra être mobilisé non seulement pour la période de chômage, mais également dans les deux premières années suivant une nouvelle embauche. Tout cela est positif, et nous le soutenons.
La seconde avancée qui mérite d’être saluée concerne la création du fonds de sécurisation des parcours professionnels, qui figure dans l’accord du 7 janvier 2009. Ce fonds doit permettre aux demandeurs d’emploi d’acquérir une formation ou de se requalifier en dynamisant la période de chômage. Il met ainsi en œuvre une action préparatoire opérationnelle à l’emploi menant à un emploi identifié dans l’entreprise ou en fonction des besoins identifiés dans une branche professionnelle.
Telles sont les avancées ; nous pourrions probablement en citer d’autres.
Monsieur le secrétaire d’État, la volonté d’une telle réforme est unanimement partagée et les conditions sont cette fois-ci réunies pour qu’elle porte une grande ambition. Vous en conviendrez avec moi, chacun pressent, surtout dans le contexte actuel, que la formation peut devenir l’un des outils facilitant la sortie de crise. Pourtant, force est de reconnaître que le projet de loi qui nous est proposé ne constitue pas le grand rendez-vous attendu.
Véritable investissement, la formation aurait mérité d’être retenue parmi les grands chantiers du Gouvernement au titre de la lutte contre la crise. En effet, elle prépare utilement les compétences nécessaires pour demain, elle est créatrice de richesses et – est-il besoin de le démontrer ? – elle permet à l’ascenseur social de fonctionner à nouveau.
Or pour rendre cette ambition effective et productive, un certain nombre d’exigences auraient dû figurer dans ce texte ; elles ne sont pas présentes. J’en citerai trois.
La première était incontestablement de simplifier et de clarifier le système.
La deuxième exigence, qui devait être l’un des éléments centraux de la réforme, était de responsabiliser davantage les acteurs locaux et régionaux. En d’autres termes, pour réussir, il aurait fallu retrouver l’audace de la décentralisation.
La troisième exigence concerne le droit à l’orientation. Vous l’affirmez dans votre texte, mais ce droit sera inopérant, car aucune instrumentation n’est proposée.
Tout le monde en convient, la simplification aurait dû être l’un des objectifs prioritaires de cette réforme. Le système actuel – je n’apprends rien à personne ici – est le résultat de plus de trente années d’empilements de dispositifs répondant chacun à des objectifs spécifiques et faisant appel le plus souvent à des autorités différentes sur le plan tant du financement que de la planification ou de l’exécution.
La simplification des dispositifs n’est pas un aspect secondaire. C’est au contraire un enjeu majeur et, par certains aspects, décisif pour la réussite même de la formation. En auditionnant des dizaines d’observateurs et d’acteurs du système, nous avons constaté que ceux-ci n’en comprennent souvent eux-mêmes qu’une partie, celle qui les concerne.
Nous vous ferons, au cours de ce débat, quelques propositions de simplification. J’ai conscience qu’elles seront marginales et périphériques au regard du chantier considérable, mais nécessaire, qu’il conviendrait de conduire. Il faut le regretter, car cette question n’est pas secondaire. La lisibilité est en effet l’une des conditions essentielles de l’efficacité du système de formation. Or, monsieur le secrétaire d’État, j’y reviendrai dans ma conclusion, c’est la méthode proposée pour l’examen de ce projet de loi qui n’a pas permis la réalisation de cette exigence.
L’ancrage territorial n’est pas non plus au rendez-vous. Ma collègue Christiane Demontès ayant insisté sur ce point, je serai donc bref.
Ce texte marque une régression dans le domaine de la décentralisation. Il aurait fallu mieux garantir l’ancrage territorial des formations, alors que l’on assiste à une recentralisation, qui ne dit d’ailleurs pas complètement son nom. J’attendais de cette réforme qu’elle privilégie une complémentarité active – ce point est essentiel – entre les logiques de branches et les nécessités du territoire. Les présidents de région, c’est une évidence partagée par tous aujourd’hui, pourraient être les acteurs naturels de cette mise en synergie.
Enfin, il aurait été nécessaire d’offrir au public un véritable droit à l’orientation. Vous le savez, l’orientation est le préalable à une formation efficace. Ce droit, je le reconnais, vous l’affirmez dans votre texte, mais vous ne lui offrez aucune garantie d’effectivité. Ce n’est pas pour rien que Martin Hirsch propose, à juste raison, dans son Livre vert, la mise en place d’un réseau public d’orientation. Cette proposition avait toute sa place dans votre projet de loi.