Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 21 septembre 2009 à 14h30
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la durée et, parfois, la violence des événements ayant secoué les départements d’outre-mer ont révélé l’ampleur du malaise qui affecte, d’une part, notre économie et, d’autre part, les classes les plus défavorisées, ainsi que les catégories sociales ayant un travail, et, c’est plus récent, la couche moyenne.

Aujourd’hui, deux constats sont unanimement partagés : l’un sur la gravité de la crise, l’autre sur l’inefficacité des réponses apportées jusqu’à présent.

Cette crise est grave. En effet, le chômage ne cesse de croître. Chaque jour, à l’important chômage structurel que nous connaissions viennent s’ajouter d’autres personnes privées de leur emploi. Cette situation est encore aggravée par la fin d’une série de grands travaux et la rupture qui, du fait d’obstacles juridiques volontairement accumulés, interdit aujourd’hui que le relais soit pris par d’autres grands chantiers pourtant entièrement financés.

Ainsi, 52 % des Réunionnais vivent avec des revenus inférieurs à 817 euros mensuels, le seuil de pauvreté en métropole. Trente mille demandes de logements restent insatisfaites au moment même où les mises en chantier s’effondrent. Au cours des huit premiers mois de 2009, la chambre de métiers a recensé la liquidation de 900 entreprises, dont 350 dans le secteur du BTP. Le nombre d’illettrés ne décroît pas : il est estimé à 120 000.

Les réponses mises en œuvre jusqu’à présent ont atteint leurs limites et ne permettent plus d’envisager de sortir d’une crise aussi grave. Tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale conviennent désormais qu’il faut changer de politique.

Cette évidence est également partagée par le chef de l’État, qui a donc proposé la tenue des états généraux de l’outre-mer.

Pour notre part, nous nous y sommes pleinement investis. En qualité de membre de notre assemblée, d’une part, au sein de mon organisation politique, d’autre part, nous avons participé aux huit ateliers. La région et le département ont, pour ce qui les concerne, adopté des propositions conjointes.

De cet ensemble de contributions se dégagent de grandes orientations.

Premièrement, trois mesures immédiates pour l’emploi sont préconisées : la création de deux grands services d’intérêt public, l’un pour faire face aux risques environnementaux et pour sauvegarder la biodiversité, l’autre d’aide à la personne pour tenir compte de la proportion sans cesse croissante des personnes âgées et des besoins pour les personnes handicapées et la petite enfance ; enfin, la mise en œuvre d’un plan d’urgence de construction de logements.

Deuxièmement, il est préconisé de se mettre en capacité de relever les grands défis du monde tels qu’ils se posent dans notre île : les changements climatiques et leurs conséquences, la crise énergétique, la crise alimentaire, la globalisation des échanges commerciaux, la progression démographique, la crise économique et financière.

Il nous faut inventer un type de développement réellement durable, créateur de richesses et d’emplois, respectant notre environnement et notre identité culturelle.

C’est la raison pour laquelle notre projet vise, notamment, l’autonomie énergétique à l’horizon 2025, l’autosuffisance et la sécurité alimentaire en coopération avec nos voisins, une politique de grands travaux pour le logement, les déplacements et l’aménagement du territoire, et, enfin, un projet identitaire unificateur, à savoir la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise.

En plus de cela, face à nos économies traditionnelles en crise et pour lesquelles il faut trouver des solutions, nous nous orientons résolument vers ce qu’il est convenu d’appeler l’économie de la connaissance dans les domaines des énergies renouvelables, de la santé, de la formation, du numérique, etc., qui doivent devenir pour nous des pôles d’excellence. Telles sont nos priorités pour faire face à la crise et aux accords de partenariat économiques que l’Union européenne est en train de passer avec les pays de la zone ACP, Afrique, Caraïbes et Pacifique, voisins de la Réunion.

Troisièmement, ces grandes orientations et l’importance du chômage, ainsi que le nombre d’illettrés exigent que soit mise en place une politique de formation innovante, tant initiale que professionnelle.

En ce qui concerne la formation initiale, université incluse, l’énumération des objectifs nouveaux découlant des défis à relever implique une importante amélioration du système éducatif, afin de l’adapter aux exigences du développement durable.

La formation professionnelle est l’objet de ce projet de loi. Celui-ci vise à créer un fonds paritaire qui, je l’espère, donnera plus de moyens à la formation professionnelle.

À nos yeux, la réussite d’une telle entreprise implique que les compétences de l’État, par le biais du Pôle emploi, et de la région soient coordonnées, voire « synchronisées », irai-je jusqu’à dire. Il faut en effet mettre en place une structure permettant une gestion prévisionnelle de la formation professionnelle prenant pleinement en compte les besoins des nouveaux projets.

Or de grandes inquiétudes existent quant à la survie d’un organisme de formation financé principalement par la région, l’AFPAR, l’Association pour la formation professionnelle des adultes à la Réunion. Certains voient dans l’article 19 du projet de loi l’annonce de sa disparition. Si tel est le cas, ce n’est pas acceptable.

Au moment où il faut renforcer toutes les compétences et mutualiser les moyens pour faire face aux défis que la formation professionnelle doit relever – et cela est particulièrement vrai à la Réunion, pour les raisons que je vous ai exposées –, affaiblir l’un des partenaires, c’est hypothéquer gravement l’avenir.

C’est pour cette raison que, avec d’autres collègues, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de retirer l’article 19 du présent projet de loi. §

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