Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 23 février 2006 à 21h30
Égalité des chances — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Leur angoisse n'appelle-t-elle que du paternalisme culpabilisateur ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Vous dites : « Au tribunal, les auteurs d'incivilités ! » Ne vaudrait-il pas mieux multiplier les lieux et les occasions de prévention, de négociation, de médiation, de traitement des conflits d'usage ou de voisinage, en restaurant, par exemple, les moyens de la police de proximité ? Ne donnerez-vous pas enfin satisfaction au maire de Clichy, qui attend depuis des années un commissariat au coeur de sa ville ?

Chaque fois, au lieu de considérer la sanction et l'exclusion comme des solutions de dernier recours quand toutes les autres ont échoué, bref, au lieu de prévenir et d'éduquer, vous séparez, vous inventez une nouvelle catégorie, vous punissez, vous mettez « en dehors du jeu » !

Oui, vous démolissez le lien social quand vous organisez des spectacles pyrotechniques de destruction des barres d'immeubles sans reconstruire un nombre seulement équivalent de logements, comme l'indique l'intéressant rapport 2005 de l'observatoire des zones urbaines sensibles.

Il est donc logique, juste et légitime que des milliers de jeunes descendent dans la rue pour dire la colère que leur inspire votre contrat première embauche !

Le Premier ministre a dit qu'il écoutait les manifestants, mais aussi ceux qui ne manifestent pas. Je constate, à la lecture d'un texte dont on nous dit qu'il est le seul inspirateur, ou presque, qu'il écoute peut-être, mais qu'il n'entend pas.

Il n'entend pas ceux qui demandent le rétablissement de l'allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droit, ni ceux qui attendent qu'on mette enfin un terme à des baisses d'impôt injustes, afin de financer les mesures réclamées avec insistance par les associations de lutte contre la pauvreté. Un million d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté, auxquels il faudrait consacrer 3, 5 milliards d'euros, une somme considérable, il est vrai, mais qui doit être placée en regard des décisions que vous avez prises en matière d'impôts.

Il n'entend pas ceux qui suggèrent la mise en place d'une sécurité professionnelle tout au long de la vie, en prenant en compte les temps de formation, de travail, de chômage et de retraite.

Il n'entend pas ceux qui considèrent que le moment est venu de changer le regard de la société française sur les étrangers qui vivent dans notre pays.

À ce titre, je pense tout d'abord, bien sûr, à la décision d'accorder aux résidents étrangers régulièrement installés en France le droit de vote à la fois aux élections locales et aux élections consulaires. Notre groupe vous proposera d'adopter un amendement en ce sens.

Je pense également à la régularisation des sans-papiers qui vivent, depuis des années, dans notre pays. Beaucoup travaillent de façon clandestine dans les ateliers du Sentier, dans les cuisines de restaurants, sur de nombreux chantiers ! Je préférerais que leurs employeurs paient des cotisations sociales.

Je pense enfin à la suppression effective de la double peine, qui a fait grand bruit mais qui n'est pas encore mise en oeuvre.

Je redoute, monsieur le ministre, que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous n'ayons à reparler, dans quelques mois, malgré nos efforts, des mêmes phénomènes, en pire peut-être...

La politique de la ville ne supporte ni les bons sentiments ni l'amateurisme. Il faut de la cohérence, de la ténacité et, très probablement, des réformes d'importance : une réforme profonde de la fiscalité locale, la mise en place de mécanismes de solidarité effective entre les territoires...

Vous vous êtes vantés - vous avez bien fait - de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, pour laquelle toute la gauche a voté. Mais la DSU ne correspond qu'à 5 % des dotations ! Il faut s'attaquer aux 95 % restants. Je sais déjà ce que vous allez me répondre : « Mais qu'avez-vous donc fait pendant que vous étiez au pouvoir ? »

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