Le supplément de loyer de solidarité vise à obtenir, en contrepartie du droit au maintien dans les lieux, une contribution plus importante de la part des locataires dont la situation s'est améliorée et, le cas échéant, à inciter au départ ceux qui peuvent payer un loyer dans les conditions du marché afin de laisser la place à un ménage plus modeste.
Cela fait vingt ans que l'on nous vante les mérites de la majoration de loyer induite par les dispositions prises antérieurement. Cet article 10 nous invite à en généraliser l'application.
Dans les faits, le supplément de loyer de solidarité est largement lié aux circonstances du marché local : différentiel entre les loyers dans les HLM et les loyers du marché, files d'attente, besoin de maintenir ou de renforcer la mixité... À ce titre, il doit s'intégrer dans les politiques locales de l'habitat et pouvoir être modulé selon les communes, et même selon les quartiers.
L'exclusion d'ores et déjà possible du SLS ne suffit pas à assurer cette modulation.
Avec l'article 10, il semble que l'on s'apprête à traiter par une mesure uniforme des situations qui correspondent pour l'essentiel à l'Île-de-France, voire à Paris, faute d'avoir pris, notamment dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales, des dispositions appropriées à cette région.
C'est en effet à Paris et en proche banlieue que la tension, particulièrement forte sur le secteur du logement, s'exprime avec le plus de force. Le même logement, à qualité de prestations comparable, se loue en effet à Paris 150 % plus cher dans le secteur privé que dans le secteur social HLM.
De fait, et c'est l'un des effets pervers de la mesure, nombre de ménages installés en province se verront stigmatisés et financièrement sanctionnés sans que la crise du logement en Île-de-France soit pour autant résolue.
Qui sont, en effet, ces locataires en situation de dépassement ?
Les ménages dont les revenus dépassent les plafonds de ressources n'ont pas bénéficié d'un passe-droit ! Ils sont entrés depuis plus ou moins longtemps dans leur logement et ils ont vu leur situation évoluer : leur revenu a pu augmenter ou, à revenu égal, ils ont changé de situation familiale. Ainsi, sans aucune augmentation du revenu, un chômeur qui trouve un emploi, un couple dont l'un des conjoints décède ou une famille dont un enfant quitte le foyer fiscal sont susceptibles d'être en situation de dépasser le plafond.
C'est pourquoi une certaine souplesse était jusqu'à présent admise, le surloyer n'étant obligatoire qu'à partir d'un dépassement significatif, soit 60 %, taux que le projet de loi prévoit de ramener à 20 %.
Contrairement à une autre idée reçue, les plafonds de ressources ne couvrent pas 65 % des ménages français pour toutes les catégories et dans toutes les régions de France. Ainsi, en Île-de-France, seuls 44 % des couples sans enfant ont un revenu inférieur aux plafonds de ressources. De nombreux couples se retrouveront donc très vite dans le champ du surloyer, et je ne parle pas des cas où les logements HLM sont situés dans des zones urbaines sensibles ou dans des secteurs concernés par des opérations contenues dans le programme national de rénovation urbaine.
Le surloyer touche particulièrement les jeunes ménages actifs mais aussi les personnes âgées. Ces deux catégories verront donc leur situation s'aggraver. Par exemple, un couple d'instituteurs ne pourra pas se maintenir en HLM, sauf à acquitter un surloyer réellement pénalisant.
De plus, le déplafonnement du total du loyer et du surloyer risque d'avoir des effets pervers sans répondre aux objectifs de mobilité des ménages les plus aisés. Il n'est donc pas acceptable. En effet, selon le code de la construction et de l'habitation, le cumul du loyer et du surloyer ne peut dépasser plus de 25 % des revenus d'un ménage.