Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 23 mars 2006 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Article 21, amendement 92

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

L'amendement n° 92 vise à apporter des précisions sur la notion de faute présumée.

Actuellement, les textes relatifs à la dissémination ne prévoient strictement aucune mesure spécifique concernant la responsabilité civile. Certes, le Parlement européen avait proposé un amendement visant à introduire dans les directives de 1990 des dispositions sur la responsabilité civile ; mais cet amendement avait été rejeté.

Il n'existe donc que quelques dispositions : faute de ratification, elles ne sont pas applicables ! Ce sont celles de la convention du Conseil de l'Europe, dite « convention de Lugano », relative aux dommages causés à l'environnement par des activités dangereuses, qui vise expressément les activités liées aux OGM.

L'article 21 du projet de loi instaure un régime de responsabilité. Cependant, la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 663-10 du code rural ne porte que sur les préjudices économiques, alors que de nombreuses études mettent en exergue les risques que la dissémination d'OGM peut présenter dans le domaine sanitaire et environnemental, et dans celui de la biodiversité. Il s'agit donc d'une disposition essentielle.

La question de la responsabilité dans le domaine des OGM impose un certain nombre de remarques.

La première concerne le caractère théorique de la responsabilité en cas de dissémination : de fait, nous ne pouvons actuellement raisonner que sur des hypothèses. Mais si l'on considère le précédent existant en matière nucléaire, on constate qu'un régime de responsabilité original a été instauré bien avant les premiers accidents.

La deuxième remarque est liée au fait que, plus que dans le risque, nous sommes dans l'incertitude. Actuellement, il n'existe pas de situation où les dommages, leur fréquence et leur intensité soient facilement appréhendables, voire probabilisables.

La troisième remarque concerne à la fois les enjeux et les intérêts en cause qui interfèrent dans le débat, en particulier l'évolution de la recherche, le développement d'un mode de production, la diversité et les équilibres biologiques, et la santé publique.

Forts de ces observations, nous constatons que la rédaction qui nous est proposée pour l'article L. 663-10 du code rural instaure un régime juridique fondé sur l'absence de faute, mais dans lequel la responsabilité peut être retenue. Dès lors, nous pouvons évoquer le concept de « responsabilité sans faute », ce qui induit que le juge ne pourra que s'incliner devant ces dispositions qui exonèrent expressément, et par avance, le demandeur de l'autorisation de dissémination volontaire d'un OGM, ou l'exploitant agricole, de la responsabilité qu'il pourrait encourir selon le droit commun.

Même si l'on exclut tout cas de force majeure - tempêtes, inondations... -, le non-respect des protocoles, ou la négligence, peut être à la source de disséminations causant des dommages aux biens et aux personnes. Ce point nous semble d'autant plus essentiel que le domaine des OGM est récent et que l'étendue actuelle de la connaissance, notamment au regard des risques latents et des effets induits encourus, est tout de même restreinte.

Nous pensons que, en cas de faute, la responsabilité doit être invoquée afin de permettre l'indemnisation. Dans cette logique, le bénéfice d'une autorisation administrative, la contamination de la culture d'autrui en deçà du seuil de détection défini pour l'étiquetage des produits comportant des OGM, ou encore la préoccupation de l'exploitation du champ contaminant au regard de celle du champ contaminé, ne peuvent pas être constitutifs d'une cause exonératoire atténuant la responsabilité.

Il s'agit par là même de ne pas mettre les victimes dans l'obligation d'apporter la preuve de la faute. Par exemple, dans le cas d'une récolte bénéficiant d'un label, qui exige moins de 0, 9 % d'OGM dans la constitution du produit, la victime d'une contamination par OGM doit, au regard du préjudice subi, pouvoir bénéficier d'un dédommagement important, prenant en compte la dépréciation de la récolte, même si cette contamination ne conduit pas à la perte totale dudit label.

Cet amendement vise donc à prendre en considération l'existence de risques, mais également la source de contentieux juridiques que constitue la rédaction proposée.

En conséquence, nous estimons essentiel d'instaurer un régime de responsabilité pour faute présumée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion