Le supplément de loyer de solidarité serait donc désormais perçu dès lors que les ressources des locataires dans le parc de logement social dépassent d'au moins 20 % les plafonds en vigueur. En outre, le loyer et son supplément seraient plafonnés non plus à 25 % mais à 35 % des ressources du foyer.
Il s'ensuivrait une double pénalisation, d'une part, en raison de la modification du seuil de déclenchement, d'autre part, en raison de l'élévation du niveau de solidarité demandé aux ménages dans le parc social.
Si les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale tempèrent le caractère obligatoire du supplément de loyer social tel qu'il était prévu dans le projet de loi initial, notamment en laissant au plan local de l'habitat le soin de déterminer les zones géographiques dans lesquelles le SLS s'applique, il n'en demeure pas moins que cette mesure est très contestable pour plusieurs raisons.
D'abord, l'évolution des plafonds de ressources n'a pas suivi l'évolution du coût de la vie et des revenus. De nombreux locataires en place sont soumis au supplément de loyer en raison, non pas de leurs revenus, mais du retard pris par l'évolution des plafonds eux-mêmes.
Ensuite, l'expérience montre que le SLS, au cours de ces trente dernières années, a eu pour conséquence désastreuse de faire fuir les locataires les plus stables économiquement, au prix d'un recul de la mixité sociale et économique.
L'article 10 et la réforme du SLS qu'il contient sont une nouvelle stigmatisation des locataires du parc social, cette fois-ci à visée culpabilisatrice : l'article 10 repose sur une mystification, celle qui consiste à faire croire - idée largement répandue dans la presse, voire dans les discussions de comptoirs - que le parc social est parasité par des personnes qui n'ont rien à y faire. C'est souvent ce que l'on entend : on manquerait de logements sociaux en France parce qu'ils seraient occupés par des gens qui n'ont rien à y faire.
Or, quand on regarde concrètement les statistiques publiées annuellement - car ces statistiques existent pour le logement social -, on constate que 90 % des locataires sont en dessous des plafonds. La mesure vise donc à stigmatiser 10 % des ménages et, parmi ceux-ci, 4% sont au-delà des 120 % du plafond et seulement 2 % sont au-delà des 140 % du plafond.
On est très loin de cette niche dont beaucoup parlent, notamment à l'Union nationale de la propriété immobilière, qui ne cessent de répéter qu'il faut chasser ces ménages qui n'ont rien à faire dans le parc social et qu'ils récupéreront de ce fait dans le parc privé.
La réalité est tout autre : les loyers du marché libre atteignent de tels niveaux qu'ils sont devenus inabordables pour de très nombreux Français. Plus le marché libre exclut par les prix qu'il pratique, plus nombreux sont les besoins qui se tournent vers le logement social.
Il faut voir les choses en face : les personnes aux revenus moyens logées dans le parc social n'ont bien souvent pas la possibilité de se loger dans le parc locatif libre.
En outre, nous sommes bien contents, en tant qu'élus locaux, d'équilibrer socialement un certain nombre de montées d'escalier. Et ce n'est pas pour rien que le SLS ne s'applique pas dans les ZUS.