Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'objet du projet de loi dont la discussion nous réunit aujourd'hui est clair : durcir la législation sur le mariage afin de l'utiliser comme outil de régulation des flux migratoires. Il vise, de ce fait, directement les étrangers et cible exclusivement les mariages binationaux. L'esprit de ce texte sous-entend que ces mariages seraient en majorité des mariages de complaisance.
Les deux premières phrases de l'exposé des motifs sont sans ambiguïté et illustrent parfaitement mes propos : « La lutte contre l'immigration irrégulière et les mariages forcés constitue l'une des priorités du Gouvernement. Force est de constater que les règles du mariage, conforme à notre idéal républicain, sont trop souvent détournées de leur objet à des fins purement migratoires. » Tout est dit !
Par parenthèse, que penser des grands mariages bourgeois du xixe siècle, ô combien arrangés, qui déjà détournaient les règles du mariage à des fins purement économiques ?
À l'Assemblée nationale, monsieur le garde des sceaux, vous accusiez nos collègues de critiquer un texte qui n'était pas le vôtre, car, prétendiez-vous, il n'y est nullement question d'immigration. L'exposé des motifs, nous venons de le voir, vient apporter un premier bémol à ces allégations.
Le rapport de notre collègue M. Lecerf vient en apporter un second. Il est en effet très clair quand il établit insidieusement un lien entre mariages mixtes - ou binationaux, pour être en accord avec mes collègues socialistes - et mariages de complaisance : « Certes, il serait caricatural d'assimiler mariages binationaux et mariages simulés. [...] Néanmoins, » - et tout est dans cette nuance - « la coïncidence de ce phénomène avec le renforcement des contrôles de l'immigration et l'intérêt comparatif accru du mariage binational n'apparaît pas totalement fortuite ».
Le doute n'est plus permis : les mariages binationaux sont purement et simplement identifiés à des mariages de complaisance, contractés dans le seul but d'obtenir un titre de séjour et/ou la nationalité française.