Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 4 octobre 2006 à 15h00
Contrôle de la validité des mariages — Discussion d'un projet de loi

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, lutter plus efficacement contre la fraude au mariage est un impératif et une urgence, le but essentiel étant la protection des personnes et des libertés individuelles.

Dans un contexte français de pression migratoire forte et croissante, toute institution donnant accès à des droits importants peut susciter des convoitises et faire l'objet de détournements.

Le mariage est devenu un catalyseur de dérives souvent orchestrées par des individus peu scrupuleux qui détournent la volonté des personnes et altèrent ainsi le principe de libre consentement qui est à la base de cette institution séculaire.

Mariage simulé, mariage forcé ou mariage arrangé - lorsqu'il y a vice de consentement - sont devenus si répandus qu'ils requièrent un renforcement approprié de notre législation. Il est du devoir des responsables politiques et de l'État de protéger les citoyens en prévenant de tels détournements et atteintes intolérables à la liberté individuelle et à la dignité humaine.

La Haute Assemblée, qui est à l'origine du renforcement de la prévention des mariages forcés avec le relèvement à 18 ans de l'âge nubile du mariage pour la femme - je remercie d'ailleurs M. Christian Cambon des propos qu'il a tenus sur ce sujet -, ne peut que se satisfaire du dispositif présenté aujourd'hui, qui parachève le travail accompli au cours des derniers mois tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale.

Un grand pas a été franchi avec la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs. Grâce à cette loi, qui autorise le ministère public à demander la nullité d'un mariage contracté sans le consentement libre des époux et qui considère que l'exercice d'une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage, les jeunes femmes sont aujourd'hui mieux protégées et les mineures ne peuvent plus être contraintes au mariage.

Je ne m'étendrai pas sur le détail du dispositif du projet de loi, qui a été excellemment analysé par le remarquable rapporteur de la commission des lois, M. Jean-René Lecerf, et par M. le garde des sceaux. J'en approuve l'économie générale et la philosophie. Mon intervention se limitera à quelques réflexions sur les conséquences des nouvelles dispositions pour nos compatriotes résidant à l'étranger et sur leur incidence sur nos postes diplomatiques et consulaires, voire sur les services judiciaires de Nantes.

Tout d'abord, et c'est ma première réflexion, l'harmonisation des formalités applicables aux mariages célébrés tant à l'étranger qu'en France, en renforçant le contrôle a priori par rapport au contrôle a posteriori, qui était jusqu'à présent la règle à l'étranger, est tout à fait logique.

Elle traduit l'égalité des droits entre tous les Français, qu'ils résident dans l'hexagone ou à l'étranger, principe qui a toujours été défendu dans cet hémicycle. C'est d'ailleurs en me fondant sur ce principe d'égalité de traitement que j'avais souhaité, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, que les conditions d'acquisition de la nationalité par le mariage soient identiques pour tous les Français, qu'ils résident en France ou à l'étranger.

Il faut se féliciter de l'introduction dans le code civil, par cette future loi, d'un nouveau chapitre consacré au mariage des Français à l'étranger, regroupant, dans des articles 171-1 à 171-8, toutes les prescriptions relatives aux conditions de validité d'un mariage célébré à l'étranger, aux formalités préalables au mariage, à la transcription et à la possibilité de sursis à transcription.

Je tiens à le souligner, on ne peut accuser le renforcement du contrôle de ces mariages de viser expressément nos compatriotes qui, résidant à l'étranger, s'y marient pour des raisons évidentes, sans la moindre intention de détourner les procédures. Nous sommes d'ailleurs un certain nombre, sur les travées de cette assemblée, à appartenir à la catégorie des Français ayant épousé un étranger. Nous savons qu'un mariage sur trois, aujourd'hui, concerne un étranger.

À ce titre, il aurait été intéressant, monsieur le garde des sceaux, de savoir combien de mariages, parmi les 45 000 recensés, ont impliqué des Français résidant à l'étranger et combien d'annulations, parmi les 786 prononcées en 2004 - leur nombre est en diminution l'année suivante -, leur sont imputables.

Ma deuxième réflexion porte sur l'obtention d'un certificat de capacité à mariage, lequel ne devrait pas poser de problème de fond à nos compatriotes de l'étranger, sauf si, pour la réalisation de l'audition préalable, ils doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre au consulat le plus proche. Un tel déplacement serait, n'en doutons pas, fort dissuasif.

Sur ce point, deux options se présentent.

Si la réalisation de l'audition peut être déléguée aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents, celle-ci se déroulera à proximité du lieu de résidence de nos ressortissants. Une telle option fait l'objet d'amendements que notre excellent collègue Christian Cointat présentera dans un instant et que j'ai cosignés.

Si cette tâche est confiée par délégation, ainsi que le prévoit le projet de loi, aux seuls fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil, la réalisation, dans de bonnes conditions, de ces auditions, pour nos personnels surchargés de travail et dont les effectifs ont été réduits, représentera une véritable gageure. Il s'agit là d'un réel problème de mise en oeuvre. Je serais très heureuse, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez également nous répondre sur ce point.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion