...mais je suis convaincu qu'elle n'est pas la seule. En effet, quand on interroge cette fois-ci les jeunes, apparaissent des motivations telles que le souhait d'être en contact avec le public, les possibilités d'évolution de carrière ou l'attrait de travailler au service de l'intérêt général et du service public.
De surcroît, le service public plébiscité par les jeunes Français est le service public de proximité. Selon une autre enquête d'opinion réalisée en juin 2004, 31 % des jeunes interrogés préféreraient la fonction publique territoriale, contre 27 % la fonction publique d'État et 23 % la fonction publique hospitalière.
Il est donc cohérent que la fonction publique territoriale soit la première à bénéficier d'avancées majeures. La présence de Christian Jacob, que je salue, le démontre et l'atteste.
La structuration de la fonction publique territoriale en métiers, déclinés en filières, et, au sein de ces filières, en cadres d'emplois, suscite un intérêt soutenu de la part de l'État employeur et constitue peut-être - Christian Jacob nous le dira tout à l'heure - une source d'inspiration.
Le contexte est donc favorable, mais les deux principaux défis qui se présentent aux collectivités territoriales se sont à l'évidence précisés depuis la préparation de ce projet de loi.
Le premier défi, vous le connaissez, est d'ordre démographique : d'ici à 2012, 38 % des fonctionnaires territoriaux - et, parmi ceux-ci, la moitié des cadres A - partiront à la retraite. Si nous n'y prenons pas garde, si nous n'anticipons pas ce mouvement, nos collectivités seront décapitées alors qu'elles ont déjà un taux d'encadrement bien inférieur à celui de l'État : 9 % pour la fonction publique territoriale, contre 18 % pour la fonction publique d'État.
Le second défi est celui de la performance et de l'efficacité accrue du service public de proximité face aux nouvelles étapes franchies par le processus de décentralisation.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales continue à produire ses effets. Il n'est pas opportun aujourd'hui de relancer un débat qui a déjà eu lieu, mais vous savez que, au total, 93 000 personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, et près de 130 000 postes d'agents de l'État sont en cours de transfert vers les collectivités. Chacun, quelle que soit sa conviction, s'accorde à reconnaître que cela modifiera en partie certaines règles de gestion des ressources humaines au sein de ces collectivités.
Mais avant de vous présenter les lignes de force de ce texte, je souhaite vous dire d'emblée, de manière à dissiper toute ambiguïté, que les ambitions du Gouvernement pour la fonction publique territoriale ne se limitent pas à ce seul projet de loi, comme je m'y étais clairement engagé devant les instances représentatives. Celui-ci s'accompagnera en effet d'un chantier réglementaire autonome très important pour les employeurs territoriaux comme pour les agents, chantier que je souhaite voir avancer très rapidement, en lien avec le protocole statutaire signé par trois fédérations de syndicats de fonctionnaires, en janvier dernier, dans le cadre des négociations salariales menées par mon collègue Christian Jacob, ministre de la fonction publique.
Ce chantier réglementaire est non seulement indépendant de celui des décrets d'application de la loi, mais il lui est même complémentaire.
Il porte, d'une part, sur l'importante question des seuils de création des emplois de grades. Les seuils de création des emplois fonctionnels relèvent de la loi - le projet de loi les aborde, j'y reviendrai. Mais il convient d'adapter aussi les seuils de création des emplois de grades, parallèlement aux dispositions législatives relatives à l'abaissement des seuils de création des emplois fonctionnels.
Est-il normal, comme le rappelait récemment le rapporteur Mme Jacqueline Gourault, qu'un excellent technicien supérieur qui obtient sa promotion dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux soit obligé de quitter sa commune d'emploi - qui l'aura aidé à réussir ses épreuves de concours - parce que celle-ci relève d'une strate démographique qui ne peut recruter d'ingénieur ? Quand il y a nécessité d'employer un ingénieur, pourquoi le refuser à une collectivité ? Nous apporterons ainsi des réponses positives à ces incohérences. En outre, afin de renforcer la professionnalisation de la fonction publique territoriale, les conditions d'occupation de ces emplois fonctionnels seront revues.
Ce chantier porte, d'autre part, sur la question des quotas d'avancement de grades. Il faut réfléchir à la question de la généralisation de la méthode du ratio promus/promouvables qui est actuellement en expérimentation.
Cette question, dont l'intérêt est bien évidemment commun aux trois fonctions publiques, est au nombre de celles qui figurent dans le protocole d'accord portant sur le volet statutaire signé au mois de janvier. Elle devra néanmoins tenir compte des spécificités de la fonction publique territoriale. Je sais que Christian Jacob a adopté la même position.
Je souhaite également que l'on progresse sur la question des quotas de promotion interne, permettant l'accès des fonctionnaires territoriaux aux cadres d'emplois supérieurs. Ces taux sont aujourd'hui trop faibles et insatisfaisants en termes d'évolution de carrière et de promotion sociale.
Ainsi, sur 100 agents, moins de 4 % ont été recrutés par cette voie. La proportion est un peu plus élevée en catégorie A - de l'ordre de 6 % - et en catégorie B - près de 5 %. Elle est en revanche plus faible en catégorie C, puisqu'elle est à peine supérieure à 3 %.
Est-il normal, madame Michèle André, que, dans une commune comme la ville d'Issoire - elle compte 13 000 à 14 000 habitants et est représentative -, un agent administratif recruté au plus bas de l'échelle indiciaire doive en pratique attendre trente-deux à trente-trois ans pour atteindre le grade ultime d'adjoint administratif principal de première classe et, de surcroît, évoluer dans un vivier de trente-deux agents administratifs homologues, vivier d'ailleurs inexistant dans une collectivité de cette strate ?
Dans un contexte de restructuration des cadres d'emplois de catégorie C et de forts assouplissements, voire de suppression d'un certain nombre de quotas d'avancement, on pourrait permettre à cet agent, bien entendu jugé compétent par son employeur, d'atteindre ce grade ultime en vingt-trois ou vingt-quatre ans - un gain de près de dix ans n'est tout de même pas négligeable - tout en le faisant évoluer dans un vivier qui serait limité à sept agents. Certaines promotions seraient ainsi, à juste titre, simplifiées et accélérées.
Enfin, la formation initiale des fonctionnaires territoriaux doit être réexaminée dans son ensemble, dans l'objectif, partagé par tous, de la réduction de la durée de la formation initiale au profit de la formation tout au long de la vie, sans pour autant négliger la nécessité d'une formation initiale minimale pour une catégorie de fonctionnaires territoriaux qui, aujourd'hui, n'en bénéficient que très partiellement : les agents de catégorie C, qui représentent 70 % de la fonction publique territoriale.
Il va donc de soi, j'insiste sur ce point, que le Sénat sera prioritairement associé à toutes ces évolutions. J'ai d'ores et déjà remis à la commission des lois une présentation de ces propositions réglementaires.
Je voudrais maintenant revenir à ce projet de loi, qui s'articulera avec toutes ces dispositions réglementaires pour apporter à la fonction publique territoriale des avancées majeures dans le cadre d'un dispositif global ambitieux.
Ce projet de loi a connu une trop longue gestation, tout le monde en conviendra, qui a duré trois années pleines.
Les groupes de travail, les études et les rapports qui se sont succédé ces derniers mois convergent sur la nécessité d'une réforme clairement affichée de la fonction publique territoriale. Je citerai, sans être exhaustif : les rapports des groupes de travail constitués au sein de la Haute Assemblée - et d'abord celui de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois -, le rapport de M. Courtial sur les institutions de la fonction publique territoriale, ainsi que le rapport de M. Dreyfus, administrateur territorial.
Monsieur le président du Sénat, je sais le rôle que vous avez joué pour initier ce projet. La réflexion a été alimentée par les rapports du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale Prévoir la mutation de la fonction publique territoriale vingt ans après sa création et Les diplômes de la vie -, mais aussi du groupe de travail « Fonction publique territoriale » de l'Association des maires de France - Mme Gourault ne me contredira pas - : Moderniser la fonction publique territoriale pour valoriser nos territoires.
Au lieu d'être empilés dans un coin et de rester lettre morte, ces rapports ont été utilisés. Nous y avons en effet puisé un certain nombre d'idées et de propositions grâce à un effort d'analyse, de compréhension et de compilation.
Permettez-moi tout de même de distinguer, dans cette constellation « l'étoile polaire » : le rapport du Sénat rédigé à la demande de son président sous l'autorité de M. Hyest Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation. Ce rapport est remarquable et très utile. Il s'agit non pas de compliments d'usage, mais bien d'une réalité : sur les trente-quatre propositions du groupe de travail, les deux tiers seront reprises dans la loi ou les décrets l'accompagnant.
Des mesures aussi essentielles que la reconnaissance du droit à la formation tout au long de la vie, le développement de la validation des acquis de l'expérience ou le renforcement de la mobilité entre les fonctions publiques d'une part, et avec le secteur privé d'autre part, sont clairement préconisées. Dont acte, monsieur Hyest...
Je le rappelle à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, ce projet de loi que j'ai présenté avec Christian Jacob a fait l'objet, le 16 novembre dernier, d'un avis favorable très largement consensuel du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Cet avis favorable a été donné à près de 70 % des voix, aucune voix ne s'y opposant du côté du collège des employeurs, et trois organisations syndicales sur six lui apportant leur soutien.
Pour être tout à fait précis, cela signifie que, pour le collège des élus, les représentants au Conseil supérieur provenant de l'UMP, de l'UDF, du parti socialiste et du parti communiste s'y sont associés ou, en tout cas, ne s'y sont pas opposés. Et je citerai, par honnêteté, la position du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Bernard Derosier, également député, qui a lui-même approuvé ce projet.