Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 14 mars 2006 à 16h00
Fonction publique territoriale — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

En effet, au lieu de nous soumettre un projet d'envergure, vous ne nous proposez qu'un saupoudrage de mesures disparates, enfonçant autant de coins dans le statut de la fonction publique territoriale, le tout mâtiné de discours souvent peu amènes envers les fonctionnaires, qui sont réduits au rôle de simple variable d'ajustement budgétaire.

Le volet territorial de ce projet de loi, détaché du grand projet de réforme avorté, pouvait nous laisser espérer un changement de cap et l'affirmation d'une ambition réelle. Or voilà encore une occasion manquée ! C'est en effet un texte « bricolé » qui nous échoit en discussion.

Il est à craindre que la déception ne soit à la hauteur de l'attente suscitée, car non seulement le dialogue social a péché, mais, en quatre ans de chantier, aucune évaluation sérieuse n'a été réalisée, aucune étude d'impact n'a été menée pour accompagner ce projet de loi. Nous sommes donc en droit d'avoir de sérieux doutes au moment d'approuver ce texte, qui ressemble fort à un chèque en blanc !

C'est ainsi que, si nous ne pouvons que souscrire à des droits à la formation renforcés, il nous paraît mensonger de prétendre les mettre en oeuvre à moyens constants.

En matière de formation, ce texte contient des propositions très attendues des agents et dont nous ne pouvons que nous féliciter : droit individuel à la formation, extension de la formation initiale pour les agents de catégorie C, reconnaissance de l'expérience professionnelle, validation des acquis de l'expérience.

La formation est un investissement primordial pour la qualité de nos services publics : il faut le faire. Il est toutefois évident que ces nouvelles formations suscitent un besoin de financement supplémentaire, d'autant que, tout le monde s'accorde à le dire, le 1 % formation obligatoire versé au Centre national de la fonction publique territoriale est déjà insuffisant et ne permet pas de répondre aux besoins actuels des fonctionnaires territoriaux.

Dans les faits, les collectivités territoriales consacreraient déjà à la formation de leurs agents non pas 1 % de la masse salariale, mais, souvent, entre 2 % et 3 %. La différence profite souvent au marché privé de la formation !

Le projet de loi remet en cause le financement de la formation professionnelle mutualisée. En effet, il est prévu un transfert de moyens du CNFPT au profit du futur centre national de coordination des centres de gestion - création contestable et contestée par tous - et des centres de gestion eux-mêmes, afin de financer les transferts de missions.

Le CNFPT se voyant par ailleurs attribuer de nouvelles missions, il risque d'être forcé - quel choix regrettable !- de sacrifier la formation professionnelle continue. Ce sont donc les agents des plus petites collectivités, celles qui n'ont pas les moyens de payer de telles formations, qui seront les plus pénalisés.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 entraîne le transfert de 130 000 fonctionnaires de l'éducation nationale et de l'équipement. En toute logique, cette nouvelle étape de la décentralisation requiert des personnels bien formés, notamment à l'exercice de nouveaux métiers.

L'arrivée de 60 000 à 75 000 TOS dans les départements et les régions représente un coût supplémentaire pour ces collectivités, mais également pour le CNFPT. Certes, ces collectivités territoriales cotiseront pour ces personnels, et l'État devrait compenser à due concurrence de ce que ceux-ci lui coûtaient auparavant. Mais c'est là que le bât blesse : il faut en effet admettre que l'État remplissait fort mal - et depuis longtemps, d'ailleurs - ses obligations en matière de formation.

De surcroît, à compter de 2006, les générations nombreuses du baby-boom vont atteindre l'âge de la retraite. Ce choc démographique va occasionner des départs massifs en retraite, ce qui devrait, mécaniquement, conduire à des recrutements plus nombreux et donc accroître les besoins en termes de formation, tant initiale que continue.

Si la question du financement n'est pas réglée, il est évident que la mutualisation de la formation des agents territoriaux sur l'ensemble du territoire risque d'être remise en cause. Une telle situation aggravera les inégalités entre fonctionnaires territoriaux et entre collectivités territoriales elles-mêmes, selon qu'ils travailleront dans une collectivité pauvre ou riche et que cette collectivité pourra donc aisément ou non accompagner, par exemple, leurs projets de formations autofinancés, comme la validation des acquis de l'expérience et le bilan professionnel.

D'ailleurs, on voit bien que le problème essentiel tient effectivement à la richesse ou à la pauvreté des collectivités territoriales. La formation sera d'autant plus poussée que la collectivité sera riche, tout le monde le sait.

Le déroulement de carrière des agents sera suspendu à des motifs étrangers à leurs compétences, et la qualité du service rendu va diminuer.

En outre, le CNFPT, en perdant l'observatoire de l'emploi, des métiers et des compétences de la fonction publique territoriale, est privé d'un outil d'observation indispensable pour efficacement anticiper les besoins et les programmes et permettre ainsi le développement d'une politique de formation adaptée.

Bref, pour conclure sur ce chapitre essentiel de la formation, je souligne que la mise en oeuvre des mesures proposées et l'absence de clarification sur leur financement les rendent impropres à satisfaire les attentes des agents et à leur permettre d'assumer les missions qui leur sont confiées.

Le projet de loi prévoit également diverses dispositions tendant à conférer aux employeurs territoriaux une plus grande souplesse dans la gestion des ressources humaines.

Ces mesures vont dans le bon sens, qu'il s'agisse de prendre en compte plus largement l'expérience professionnelle lors du recrutement des agents, d'ouvrir davantage la possibilité de recruter des agents sur emplois fonctionnels, de permettre aux régions et aux départements de s'affilier aux centres de gestion pour la gestion des TOS, de prévoir que la collectivité qui a financé la formation initiale d'un agent nouvellement recruté sera désormais remboursée par la collectivité qui « débaucherait » ledit agent dans un délai de trois ans à compter de sa titularisation.

De manière positive, le texte introduit aussi un nouveau titre dans le statut général de la fonction publique territoriale, relatif à l'hygiène, à la sécurité et à la médecine préventive.

Quant à la question de l'action sociale, elle reste encore en suspens.

Nous déplorons, en revanche, que le projet de loi fasse montre d'un paritarisme trop étroit, pour ne pas dire qu'il le remet en cause, car les deux institutions paritaires que sont le CNFPT et le CSFPT voient leur rôle réduit.

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