La clarification des missions des institutions de la fonction publique territoriale, autre ambition revendiquée de ce projet de loi, s'avère bien moins opérante qu'il n'y paraît a priori.
La création d'une nouvelle structure administrative au niveau national - toujours ce fameux centre national de coordination des centres de gestion - pouvait, de prime abord, sembler séduisante : au CNFPT, la formation, et au CNCCG et aux centres de gestion, la gestion. Mais est-ce la solution adéquate ? Permettez-moi d'en douter, et je ne suis pas le seul !
De quoi s'agit-il ?
Cette nouvelle structure, apparue sous forme d'amendement du Gouvernement à la dixième mouture du texte, serait créée sous forme d'établissement public administratif et permettrait l'affiliation de tous les centres de gestion et le versement par tous d'une cotisation. C'est d'ailleurs une proposition générale, contenue dans le rapport remis au nom du CSFTP et intitulé Réussir la mutation de la fonction publique territoriale, vingt après sa création, mais ce n'était qu'une possibilité parmi d'autres et, à mon avis, ce n'est pas la bonne solution.
Ce centre national de coordination serait doté d'un conseil d'administration composé de représentants des centres de gestion, ce qui paraît logique, sauf que, ce faisant, on reste dans un système où seules les petites communes sont représentées, ce qui n'est pas sans implication politique !
Seul l'exposé des motifs mentionne qu'un décret prévoira l'association des représentants des collectivités non affiliées à titre consultatif. Or rien n'est dit dans la loi...
Nous comprenons vite que ce projet de loi, s'il procède à une manière de recentralisation de chaque institution sur une mission donnée, formation ou gestion, ne va pas, tant s'en faut, au bout de sa logique affichée de clarification et de simplification.
Nous pouvons, dès lors, nous interroger sur l'opportunité pratique de créer une telle structure, sur son apport en termes d'efficacité, d'amélioration du fonctionnement de la fonction publique territoriale et de valeur ajoutée dans la gestion des fonctionnaires.
Pour parler simplement, il nous apparaît que ce centre national de coordination a toutes les caractéristiques d'une inutile usine à gaz, qui se doublerait d'une pompe à finances ! En effet, de toute évidence, au regard des missions qui seraient transférées au centre national de coordination, le financement prévu, assis sur la cotisation des collectivités territoriales aux centres de gestion et la compensation financière du CNFPT, ne saurait suffire.
S'agissant des modalités du transfert des missions et « le cas échéant » des personnels, ainsi que de la compensation financière entre le CNFPT et les centres de gestion, l'article 13 est d'un mutisme confondant. Il ne prévoit aucune disposition concernant les conditions des transferts de nature à garantir une certaine homogénéité en termes d'équité, de qualité du service rendu, d'égal accès de tous les agents à la formation sur l'ensemble du territoire. En deux mots, cet article ne garantit ni l'objectivité ni la transparence de ces transferts ; il se contente de renvoyer sans plus de précisions à des conventions et de spécifier qu'en cas de désaccord les modalités seront déterminées par décret. Tout ou rien !
Des garanties s'imposent pourtant afin de s'assurer que les moyens mutualisés affectés à la formation ne seront pas rognés au profit de missions de gestion qui ne sont pas financées par le projet de loi.
Mais le problème majeur soulevé par ce texte reste le financement - ou, plutôt, le non-financement ! - des mesures proposées, tant pour les collectivités territoriales que pour les organismes de gestion et de formation. Même si vos déclarations, messieurs les ministres, se veulent rassurantes à cet égard, je crains qu'elles ne soient que lénifiantes, car, malheureusement, ces mesures risquent fort de se traduire, de fait, par un accroissement des charges des collectivités territoriales.
Faute d'un financement supplémentaire, la formation des fonctionnaires territoriaux, notamment, serait remise en cause, qu'il s'agisse des nouveaux droits - droit individuel à la formation, formation initiale pour les agents de la catégorie C, validation des acquis de l'expérience ou de la formation continue.
Il est fort dommageable que le Gouvernement ne prenne pas ses responsabilités en la matière et n'avance aucune proposition, abandonnant les solutions au Parlement et aux élus locaux qui, au final, seront contraints d'augmenter les impôts locaux.
Ce manque de moyens financiers suscite une crainte largement exprimée. Il n'y a pas de cohérence entre les intentions et les moyens. Une telle situation n'est pas conforme à l'esprit du quatrième alinéa du fameux article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »
Une fois de plus, le Gouvernement se décharge sur les collectivités territoriales et leurs institutions et continue de prendre les fonctionnaires, qu'ils soient fonctionnaires d'État ou territoriaux, comme une variable d'ajustement budgétaire.
Depuis bientôt quatre ans, les agents subissent la même antienne : le Gouvernement leur demande de faire plus et mieux avec moins. Désormais, il leur accorde des avancées en matière de formation, mais sans moyens.
C'est pourquoi il nous paraît difficile de souscrire à un texte dont les innovations n'ont pas d'assise financière digne de ce nom.
Nous attendons des assurances en termes de financement et réservons notre vote en fonction du sort qui sera réservé aux amendements, en reconnaissant - une fois n'est pas coutume - que bien des amendements adoptés par la commission des lois rencontrent les nôtres.