Intervention de Claude Biwer

Réunion du 14 mars 2006 à 16h00
Fonction publique territoriale — Discussion d'un projet de loi

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vingt-deux ans après le vote de la première loi relative à la fonction publique territoriale nous voici à nouveau appelés à modifier un texte dont on nous avait pourtant dit à l'époque qu'il apporterait un bonheur parfait aussi bien aux fonctionnaires territoriaux qu'à leurs employeurs. Force est de reconnaître que tel ne fut malheureusement pas le cas.

Le « calage » de la fonction publique territoriale sur la fonction publique de l'État a entraîné de nombreux effets pervers non seulement au détriment des collectivités territoriales, mais aussi, dans certains cas, aux dépens des fonctionnaires territoriaux eux-mêmes. Je peux d'ailleurs dire que je n'ai pas entendu beaucoup de maires vanter les mérites de cette réforme. Avec le nouveau statut, la promotion interne était rendue bien plus difficile que par le passé.

Il est assez piquant de constater qu'il aura fallu attendre vingt-deux ans pour réintroduire cette mesure de bon sens : le texte que vous nous présentez, messieurs les ministres, prévoit désormais la reconnaissance de l'expérience professionnelle et la validation des acquis de l'expérience pour la promotion interne des fonctionnaires territoriaux et annonce plusieurs dispositions réglementaires complémentaires allant dans ce sens.

Je ne peux qu'approuver ces mesures, mais je souhaiterais pouvoir disposer de plus de précisions sur les modifications d'ordre règlementaire que vous envisagez dans ce domaine. Je crains fort en effet que les textes imposés pour la reconnaissance de cette professionnalisation ou la future commission qui sera créée demeurent trop éloignés du besoin réel. Je n'ai pas trouvé dans le texte le moindre élément qui irait dans le sens d'un peu plus de facilité.

L'autre grande avancée de la loi de 1984 était constituée par la possibilité de créer des passerelles entre toutes les fonctions publiques : fonction publique de l'État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière. Bien évidemment, sur le papier, tout était merveilleux, mais, dans les faits, cela s'est toujours avéré aussi difficile, et je ne suis pas certain que le texte d'aujourd'hui y contribue véritablement.

Quant au coût de la fonction publique territoriale, il n'a échappé à personne, et surtout pas à la Cour des comptes, que les collectivités territoriales, même hors créations d'emplois, ont vu celui-ci exploser au cours des vingt dernières années. Cela s'explique essentiellement par la revalorisation indiciaire de la catégorie C, qui est très répandue dans nos petites collectivités, notamment dans les communes, par les augmentations répétées des traitements des fonctionnaires et du fait de l'application des 35 heures, qui, contrairement à ce qui s'est passé pour les entreprises, n'a été accompagnée d'aucune compensation financière pour les collectivités.

À cet égard, permettez-moi de regretter à nouveau que les associations d'élus n'aient pas été parties prenantes dans les négociations salariales concernant la fonction publique. Tout se passe en effet comme s'il n'y avait que la fonction publique de l'État. Mais n'oublions pas que, lorsque des mesures générales d'augmentation de traitement sont prises, ces décisions s'appliquent également à tous les fonctionnaires territoriaux. En d'autres termes, dans ce cas de figure et une fois de plus, qui commande ne paie pas !

Je suis heureux que notre commission des lois partage ce point de vue et propose la création d'un « collège des employeurs publics territoriaux », que le Gouvernement consulterait sur toute question relative à la politique salariale ou à l'emploi public territorial.

Le projet de loi que vous nous présentez, messieurs les ministres, accordera également de nouveaux droits aux fonctionnaires territoriaux, notamment un droit individuel à la formation ainsi que des droits en matière d'hygiène, de sécurité et de médecine préventive. Ce sont des dispositions que j'approuve pleinement. Mais il faut que les fonctionnaires territoriaux sachent qu'ils ont également des devoirs vis-à-vis de leurs employeurs et, au-delà, à l'égard de la population tout entière.

À ce propos, j'ai été stupéfait d'apprendre que l'un de nos anciens collègues, plutôt de gauche et maire d'une importante ville de l'Île-de-France, avait instauré un système de « primes d'assiduité » afin de réduire autant que faire se peut l'absentéisme dans sa collectivité. S'il l'a fait, c'est tout simplement parce qu'il n'avait pas la possibilité de sanctionner financièrement les absences répétées et injustifiées. Cela n'est pas normal, et j'irais presque jusqu'à dire que c'est le monde à l'envers !

Tout cela n'est plus possible à gérer raisonnablement, surtout dans les petites collectivités où il n'y a qu'un ou deux employés.

Laissons, une fois pour toutes, aux élus en charge d'une collectivité la possibilité de récompenser les fonctionnaires territoriaux donnant toute satisfaction. Nous le savons, il est difficile de rémunérer correctement un agent en début de carrière dans la fonction publique. Il est donc nécessaire d'avoir un peu de liberté en la matière et de pouvoir, dans certains cas, pénaliser ceux qui s'abritent derrière leur statut, à mon sens bien trop protecteur, pour quelquefois en faire le minimum.

Je proposerai donc au Sénat quelques amendements, qui, par dérogation aux dispositions de la loi du 12 juillet 1984, permettraient, dans un premier temps et à titre expérimental, aux maires des communes de moins de 3 500 habitants et aux présidents d'EPCI de moins de 10 000 habitants de disposer d'une certaine liberté dans le recrutement et la promotion de leurs collaborateurs, de faire varier leur rémunération en fonction de leurs résultats et de sanctionner financièrement les absences injustifiées. Il faut savoir en effet que ces dernières pénalisent bien plus les petites collectivités que les grandes, car les possibilités de remplacement y sont faibles, voire inexistantes. Dans la mesure où ces dispositions donneraient satisfaction, elles pourraient être étendues à d'autres collectivités.

Le texte du Gouvernement tente également de clarifier le rôle des différentes institutions intervenant au bénéfice des agents territoriaux et de leurs employeurs. J'ose espérer que tel sera bien le cas dans les faits, car, je le répète, ce que souhaitent par-dessus tout les maires et les présidents de Codecom, c'est qu'on leur accorde la souplesse nécessaire afin de pouvoir gérer leurs personnels au mieux des intérêts de leurs collectivités.

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