Intervention de Bernard Seillier

Réunion du 25 janvier 2006 à 21h30
Retour à l'emploi — Article additionnel après l'article 8

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier, rapporteur :

En effet, aujourd'hui, l'effort d'insertion demandé au bénéficiaire du RMI constitue non pas une contrepartie de l'allocation, mais plutôt une exigence constitutionnelle attachée à la dignité de la personne humaine.

La Constitution dispose ainsi que chacun a « le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », mais elle énonce également : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

C'est la combinaison d'affirmations indissociables. Cette dialectique des devoirs réciproques entre la personne et la collectivité publique ne saurait être mise en jeu de manière mécanique.

Exiger de façon systématique une contrepartie à l'allocation sous forme de bénévolat de la part des bénéficiaires irait donc à l'encontre des principes constitutionnels que je viens de rappeler.

J'ajoute que les titulaires du RMI ont l'autorisation d'effectuer des heures de bénévolat ; ils y sont même encouragés. Mais il s'agit bien d'une possibilité, et non d'une obligation.

En outre, imposer à des personnes de consacrer ainsi plusieurs heures de leur temps serait contradictoire avec la notion de bénévolat.

Le dispositif qui nous est proposé introduirait donc une forme de travail non rémunéré - l'allocation versée ne saurait être considérée comme une forme de rémunération -, ce qui aurait des conséquences particulièrement injustes.

Certes, lors de la création du RMI, un autre mécanisme - tel, par exemple, que celui que tend à mettre en place cet amendement, à savoir l'existence d'une contrepartie au versement de l'allocation - aurait pu être retenu. Mais ce n'est pas la voie qui a été choisie.

En réalité, depuis l'instauration du RMI, le souci constant est bien d'améliorer la qualité des contrats d'insertion. En effet, c'est faute d'offre d'insertion de qualité et de contrats de travail, qu'il s'agisse de CDD ou de CDI, que nous nous trouvons dans la situation actuelle, même si nous progressons.

Si les mesures proposées à l'allocataire dans le cadre de son contrat, le suivi réalisé et l'évaluation de leur mise en oeuvre sont à la hauteur des enjeux, le soupçon d'oisiveté pesant sur les bénéficiaires ne pourra que disparaître. L'idée d'imposer une contrepartie au versement de l'allocation tombera alors d'elle-même.

Il me paraît d'ailleurs tout à fait significatif de trouver dans le présent projet de loi - c'était pour moi, je l'avoue, totalement inattendu - l'extension du contrat d'insertion RMA à durée indéterminée. Cela montre bien qu'une telle avancée se développe dans la continuité. §

Je me permets d'insister, car ce point n'est pas évident et il est souvent méconnu. Il est nécessaire de faire la synthèse entre trois principes fixés dans la Constitution : le devoir de travailler, le droit d'obtenir un emploi et, à défaut, pour des raisons tenant à la personne - handicap, difficultés, âge - ou en raison de la situation économique, le droit d'obtenir une compensation, une rémunération de la part de la collectivité.

Je ne veux certes pas du tout émettre un avis péjoratif à l'encontre de l'amendement de M. Adnot. Je souhaite simplement souligner qu'il existe une réelle continuité depuis 1988, date de la création du RMI.

Nous n'avons pas renoncé à l'objectif initial, à savoir faire en sorte que les bénéficiaires du RMI trouvent finalement un emploi effectif. Dans ces conditions, les accusations portées contre cette allocation - elles sont d'ailleurs en grande majorité infondées, car il n'y a que quelques personnes qui cherchent à abuser du système - tomberaient d'elles-mêmes.

J'ajoute que le travail de la commission présidée par Mme Létard et les mesures législatives qui en découleront permettront d'améliorer le dispositif.

En effet, deux séries de facteurs expliquent, à mon sens, certaines situations qui peuvent être jugées critiquables. D'une part, l'offre de contrats de qualité est insuffisante. D'autre part, un phénomène très pervers est en train d'être mis à jour : les droits connexes.

En réalité, ce n'est pas le RMI en soi qui pose problème. D'ailleurs, la différence entre le RMI et le SMIC, contrairement à ce que certains affirment parfois, est considérable.

En revanche, un certain nombre de droits sont venus s'ajouter. Il peut s'agir de droits en nature, de droits différents attribués par les collectivités locales, comme les communes. Cela crée des distorsions de fait invisibles et seuls les intéressés peuvent dès lors mesurer ce qu'ils perdraient en renonçant au RMI.

C'est pourquoi je pense qu'une action délibérée, déterminée, patiente et tenace nous permettra de perfectionner le système pour le retour à l'emploi et pour l'harmonisation des droits directs et des droits connexes. À ce moment-là, je suis convaincu que les observations un peu gênantes qui peuvent parfois être émises tendront à disparaître. J'espère vivement qu'elles auront complètement disparu dans un avenir proche.

En l'état actuel des choses, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, même si elle en comprend les motivations, liées aux critiques émises par la population, qui sont fondées sur des bruits et des rumeurs. D'ailleurs, les maires et les présidents des conseils généraux, qui gèrent le système, le savent bien.

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