Evidemment, la vente à la découpe est une goutte d'eau dans l'océan des problèmes du logement. Mais c'est une question non négligeable et, de plus, tout à fait significative.
Le phénomène est apparu dans les années quatre-vingt-dix, principalement à Paris, mais aussi dans d'autres métropoles, comme Marseille, Lyon et Lille.
La vente par lots d'un immeuble appartenant à un propriétaire unique n'est pas nouvelle, comme l'a dit notre rapporteur, mais la forme actuelle est caractérisée. Elle consiste pour un bailleur institutionnel - banque, assurance, par exemple - à céder à un marchand de biens ou à un fonds de pension, comme Westbrook, un immeuble que celui-ci revend ensuite par appartements.
On voit tout de suite le lien direct avec la spéculation immobilière. D'ailleurs, comme l'a rappelé M. le rapporteur, ce phénomène a pris une ampleur nouvelle depuis 2002 puisqu'il a crû de 35 %, parallèlement - et c'est tout naturel ! - à la flambée spéculative que nous connaissons depuis lors.
A Paris, les ventes à la découpe concernent 15 % des ventes d'appartements anciens, soit 6 378 logements. Ce chiffre est impressionnant !
L'argent y trouve son compte. Les investisseurs immobiliers - assurances, mutuelles, etc. - vendent leur patrimoine logement, comme le dit pudiquement M. le rapporteur, pour le transformer en immobilier de bureaux, plus rentable, et les marchands de biens profitent de la spéculation rapide et des avantages fiscaux.
Le logement, par contre, en pâtit, puisque ces opérations alimentent la pénurie de logements locatifs, voire de logements sociaux de fait, accentuent la flambée des prix et participent à l'éviction des locataires disposant de revenus modestes ou moyens qui ne peuvent acheter ou supporter la hausse de loyers dans les centres-villes.
A Paris, loin d'être cantonné à quelques quartiers chics où logent des célébrités, comme l'ont dit certains, le phénomène touche de nombreux immeubles des XIe, XIIIe et XIXe arrondissements où logent des personnes relativement âgées - mais pas suffisamment pour être protégées -, des gens modestes vivant depuis longtemps dans leur appartement.
Beaucoup de ces victimes se sont réunies et mobilisées depuis 2004 pour alerter les pouvoirs publics, ainsi que l'opinion publique, sur l'iniquité de leur situation.
C'est d'ailleurs grâce à leur mobilisation que nul parlementaire parisien n'a pu rester indifférent à leur situation, avec plus ou moins de conviction... En effet, malgré mes demandes répétées, la majorité sénatoriale a refusé l'inscription à l'ordre du jour des journées d'initiative parlementaire de la proposition de loi que j'avais déposée, avec Michelle Demessine et mon groupe, le 10 mars 2005.
De même, à l'Assemblée nationale, lors de la précédente session, la majorité a rejeté, sans même l'examiner, une proposition de loi sur ce sujet déposée par le groupe socialiste.
Elle a en revanche examiné et voté la proposition de loi de Mme Martine Aurillac qui nous est transmise aujourd'hui. On comprend ce choix : ce texte ne porte en rien atteinte au droit sacro-saint, non pas de propriété, comme l'a dit M. le rapporteur, mais de spéculer, et pour cause !