Le texte qui nous est soumis instaure un droit de préemption spécifique au profit des locataires, préalablement à la mise en copropriété, assorti d'un certain nombre de conditions. Il institue, ensuite, un bail précaire pour les locataires dont le bail doit expirer, au moment du congé de vente, sous moins de deux ans. Il prévoit, enfin, de reconduire les baux en cours qui arrivent à expiration avant le délai pendant lequel le propriétaire s'est engagé à maintenir le statut locatif.
Ces aménagements très relatifs, toujours bons à prendre pour ceux qui souhaitent se porter acquéreurs d'un logement, ne limitent en rien la possibilité pour les marchands de biens de pratiquer à leur plus grand avantage les ventes à la découpe.
C'est bien pourtant ce que demandent les victimes actuelles des ventes à la découpe. En effet, seul un locataire sur cinq peut se porter acquéreur. Quatre locataires sur cinq ne seront donc en rien protégés par ce dispositif.
La proposition de loi déposée par mon groupe est évidemment plus contraignante : elle soumet à autorisation municipale les opérations de congé-vente et prévoit le principe d'un permis de diviser. Elle est également plus protectrice des droits des locataires. Surtout, elle modifie la fiscalité sur le logement en revenant sur les dispositifs de Robien et Marini, car c'est bien là où le bât blesse !
A l'évidence, ce sont la flambée des loyers, permise notamment par l'émergence du dispositif de Robien, et l'allègement des contraintes fiscales sur les transactions immobilières, facilité par l'amendement Marini sur les sociétés d'investissement immobilier cotées, qui ont donné l'impulsion la plus forte, au cours de ces deux dernières années, aux désordres que nous constatons aujourd'hui.
Ainsi, d'après certaines estimations, la seule société Gecina, spécialisée dans la mise en oeuvre des opérations de vente à la découpe, a bénéficié d'un allégement de l'impôt sur les sociétés correspondant, en 2004, au montant des aides financées par l'Etat au titre de la construction et de la réhabilitation de l'habitat collectif.
Nous défendrons donc des amendements correspondant à notre proposition de loi.
M. le rapporteur n'a pas manqué de faire remarquer que celle-ci portait atteinte à l'équilibre entre locataires et propriétaires et qu'il n'était pas question de céder à cette tentation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne s'agit absolument pas de cela !
Nous estimons que le scandale a assez duré et qu'il est temps de mettre en place les conditions du dégonflement de la bulle spéculative, en élargissant l'offre de logements, en rééquilibrant les relations entre locataires et bailleurs et en remettant en cause les dispositifs d'incitation fiscale, particulièrement coûteux et générateur de nouveaux coûts pour l'ensemble de la collectivité.
Aujourd'hui, le droit au logement n'est pas respecté. Voilà la réalité ! Combien de tragédies devront-elles encore survenir avant que l'Etat prenne ses responsabilités ?
Tous les instruments de l'action publique doivent être mis en oeuvre d'urgence : interdiction des expulsions sans relogement, réquisitions, gel des loyers, mobilisation financière exceptionnelle - épargne, 1 % patronal et taxation des plus-values - pour construire 600 000 logements sociaux en cinq ans, application obligatoire de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
La vente à la découpe fait partie du lot.
Mes chers collègues, si besoin était, la vente à la découpe montre à quel point les vertus régulatrices du marché, dont vous nous vantez sans cesse les mérites, s'arrêtent là où commence l'espérance du premier euro de profit supplémentaire.
Les représentants du peuple que nous sommes doivent en l'occurrence rétablir les droits des locataires bafoués par les spéculateurs et, surtout, garantir le droit au logement.