Intervention de Marcel-Pierre Cléach

Réunion du 13 octobre 2005 à 15h00
Droit de préemption et protection des locataires en cas de vente d'un immeuble — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Marcel-Pierre CléachMarcel-Pierre Cléach :

Ces nouvelles contraintes contribuent à la rupture de l'équilibre que l'on met généralement au crédit de la loi de 1989. Elles auront surtout le défaut d'aggraver le déficit locatif en matière d'appartements familiaux dans les grandes agglomérations, car cette loi, qui protège une partie des locataires seulement, risque de se retourner contre le plus grand nombre.

En effet, nous nous accordons tous à considérer qu'il y a un manque évident d'appartements à louer dans les principales villes, même si le terme de crise n'est pas applicable à la totalité du territoire.

Cette situation a conduit tout naturellement à une augmentation sensible des loyers lors de leur renouvellement et à une flambée des prix d'acquisition, un grand nombre de locataires ayant mis à profit la baisse des taux et le prêt à taux zéro pour changer de statut et devenir propriétaires.

Parallèlement, les propriétaires institutionnels quittaient le marché locatif depuis plusieurs années déjà. J'avais observé et décrit ce phénomène dans mon rapport précité, et nos collègues Dominique Braye et Thierry Repentin, qui viennent de présenter leur rapport intitulé « Foncier, logement : sortir de la crise » préconisent également diverses mesures de nature à redonner confiance aux bailleurs privés.

A cet égard, les dispositifs prévus par le texte soumis à notre examen me semblent adresser un message négatif aux propriétaires, institutionnels aussi bien qu'individuels, qui vont les interpréter, à juste titre me semble t-il, comme une nouvelle atteinte au principe de liberté de circulation des biens, comme un formalisme supplémentaire, comme une limitation certaine du droit de disposer librement de ses biens, qui est consubstantiel au droit de propriété.

Pourtant, nous avons bien besoin de ces investisseurs institutionnels ou individuels. La chaîne du logement fait intervenir de multiples acteurs : elle a besoin de tous ses investisseurs traditionnels, qu'ils soient publics ou privés ; elle doit pouvoir loger les jeunes couples comme les plus âgés, les plus pauvres comme ceux qui appartiennent aux classes moyennes.

En ce qui concerne les plus pauvres, le mouvement HLM, redynamisé par le plan de cohésion sociale, doit s'investir totalement.

S'agissant des classes moyennes, il est nécessaire que le parc locatif qui était mis à leur disposition par les investisseurs institutionnels soit reconstitué. Gardons-nous donc de toute mesure qui aurait pour conséquence de les tenir éloignés du marché de l'habitat.

Le fait d'accabler les propriétaires, qu'ils soient ou non institutionnels d'ailleurs, de réglementations de plus en plus contraignantes et de rendre de plus en plus difficile la gestion de leur patrimoine constitue le meilleur moyen de les écarter de l'investissement locatif et d'appauvrir l'offre de logements intermédiaires, notamment familiaux, dont les dispositifs Robien n'ont pas réussi à accroître suffisamment le nombre, les promoteurs ayant surtout privilégié les petites surfaces.

Le mouvement de retrait du marché des propriétaires institutionnels étant par ailleurs irréversible, l'offre continuera à diminuer, les loyers à augmenter et les candidats à la location à chercher longuement l'appartement qui correspond à leurs voeux.

Ainsi, en décourageant un investissement immobilier locatif déjà peu rentable, en le saturant de signaux négatifs, tel le texte que nous examinons ou certaines dispositions du projet de loi de finances que nous examinerons prochainement, nous ne contribuons pas à l'amélioration de l'offre, et ce sont finalement les candidats à la location qui en souffriront.

Si elle introduit de nouvelles contraintes, un nouveau formalisme, cette proposition de loi sera-t-elle du moins efficace ?

Elle a le mérite d'accorder des délais aux locataires concernés. Mais, au bout du compte, il ne s'agit que des délais. Et je m'interroge encore sur la pertinence juridique de l'obligation faite au propriétaire de proposer à chaque locataire le droit d'acquérir l'immeuble dans sa totalité.

Aussi, à titre personnel, et malgré l'excellent travail de notre rapporteur qui a notamment fait preuve de beaucoup de sagesse dans l'examen des propositions de loi d'origine sénatoriale déposées sur le même sujet, j'attendrai la fin de nos débats pour me déterminer, tout en sachant que les améliorations techniques que recevra vraisemblablement ce texte, qui en a besoin, ne rachèteront pas les innombrables défauts que je lui trouve et sur lesquels j'ai souhaité attirer l'attention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion