Ce sous-amendement me tient à coeur.
Sans remettre en cause le renforcement du droit d'information des maires, notamment des maires d'arrondissement à Paris, à Lyon et à Marseille, sur les conditions des ventes à la découpe, que permet l'amendement n° 1 rectifié de la commission, le groupe socialiste souhaite que le législateur, qui essaie tant bien que mal aujourd'hui d'encadrer cette désastreuse pratique, ne se contente pas de mieux informer les premiers magistrats de nos communes : il veut aussi que le législateur leur donne les moyens d'agir.
Mes chers collègues, ce n'est pas à vous que j'apprendrai que nos 36 000 maires sont les clés de voûte de notre démocratie. Monsieur le ministre, écoutez-les ! Ils demandent à l'Etat de les aider à modérer les appétits féroces des spéculateurs immobiliers. Ne les décevons pas ; donnons-leur des réponses concrètes et volontaristes, adaptées à la gravité de la situation.
Le sous-amendement que je présente avec mes collègues va dans ce sens, en impliquant les premiers concernés, à savoir les locataires menacés par une vente en bloc.
En effet, s'ils sont suffisamment représentatifs de l'ensemble des résidents d'un immeuble faisant l'objet d'une opération de ce type, il leur reviendrait de saisir le maire de leur commune, qui pourrait alors diligenter une enquête publique dont l'ouverture suspendrait la mise en copropriété de l'immeuble concerné. Dès lors, l'opération ainsi visée sera examinée dans le cadre d'une procédure approfondie, objective au regard de la situation générale de la commune, notamment en matière d'habitat. En fonction des résultats de cette étude, la mise en copropriété pourra, si le besoin est établi, être limitée pour préserver une part de logements locatifs.
Mes chers collègues, je veux insister sur ce point, beaucoup de nos communes ayant dû, pendant plusieurs mois, voire quelques années, procéder à l'élaboration de plans locaux d'urbanisme et de plans locaux de l'habitat.
Ces dispositifs, dont l'élaboration laisse une large place à la concertation avec la population, constituent des outils adaptés à la mise en oeuvre de politiques urbaines modernes, privilégiant les objectifs de mixité sociale, de diversité des activités de protection de l'environnement dans tous les quartiers constituant une agglomération.
Comment, dans ces conditions, accepter que des fonds d'investissement puissent, en toute impunité, mettre en pièces le travail mené par des dizaines de milliers d'élus locaux pendant des mois pour concevoir, en consultant leur population, des schémas d'aménagements globaux et, à long terme, des territoires de leurs villes et villages ?
Comment tolérer que des politiques de long terme, souvent conçues dans le consensus afin de préserver la vitalité et la diversité des centres de nos villes frappées de plein fouet par la hausse vertigineuse des prix de l'immobilier, soient détricotées par les stratégies prédatrices d'un certain nombre de bailleurs institutionnels ?
Alors que l'immobilier, comme nombre d'autres secteurs économiques, est victime de sous-investissement chronique au bénéfice de la recherche de profits à court terme, l'urgence est de redonner en toute occasion aux responsables politiques, dépositaires de la légitimité populaire, la capacité d'agir dans l'intérêt des collectivités dont ils sont les représentants. Nous offrons à la majorité sénatoriale une occasion de ce type. Nous lui demandons solennellement de la saisir dans l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens.