Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme de la navette parlementaire sur le projet de loi sur la participation des citoyens à la justice pénale et le jugement des mineurs. Ce texte marque une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la volonté du Gouvernement, plusieurs fois manifestée au cours de cette législature, de définir une justice pénale plus ouverte, plus proche et plus réactive, afin, notamment, de répondre à l’attente quotidienne de nos concitoyens à l’égard de leur justice.
Grâce à l’accord trouvé en commission mixte paritaire, la participation des citoyens à la justice pénale va être accrue, avec l’introduction de citoyens assesseurs pour le jugement des délits les plus graves et pour le suivi de l’application des peines. Le fonctionnement des assises sera amélioré – le sera-t-il suffisamment, c’est une question que l’on peut se poser –, ce qui devrait limiter le développement du phénomène de correctionnalisation. Enfin, la justice des mineurs connaîtra d’importantes avancées.
Le Parlement, tout en souscrivant aux objectifs visés par le Gouvernement, a enrichi le texte initial ; je veux souligner, à cet égard, l’apport majeur du Sénat et de sa commission des lois sur chacun des volets de la réforme. Je remercie le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, et le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, de la qualité de leur travail. La rédaction issue des travaux du Sénat a été largement approuvée par l’Assemblée nationale, et il ne restait que peu de points à débattre en commission mixte paritaire.
Le premier objectif du texte consiste à faire participer les citoyens au fonctionnement de la justice pénale, conformément à l’engagement pris par le Président de la République dans son programme de campagne de 2007.
Participant à l’acte de juger, les citoyens accompliront un acte civique fort, alors qu’ils n’ont que rarement l’occasion de s’engager au service de la collectivité. Je crois profondément aux vertus pédagogiques de cette réforme, qui permettra à nos concitoyens de mieux comprendre la difficulté de rendre la justice.
Le texte ouvre aux Français les formations de jugement en correctionnelle ainsi que celles de l’application des peines : deux citoyens assesseurs siégeront désormais aux côtés des trois magistrats professionnels. Cette composition a été retenue afin de répondre à une exigence du Conseil constitutionnel.
Rapprocher les citoyens de notre justice, leur permettre de mieux appréhender le rôle des magistrats et la difficulté de leur tâche, modifier les pratiques des magistrats professionnels dans le sens d’une justice plus intelligible : ce sont là des objectifs auxquels nous pouvons tous souscrire.
Le Sénat a permis d’accroître encore le champ de cette participation, en élargissant le périmètre des affaires relevant de la compétence des nouvelles formations de jugement en correctionnelle : les citoyens participeront donc au jugement des délits les plus graves portant atteinte à la tranquillité et à la sécurité des personnes. Vous avez maintenu et même renforcé la logique du projet de loi par cet élargissement de compétence. La commission mixte paritaire a, selon le souhait de votre assemblée, rétabli les délits environnementaux dans le champ de compétence de cette nouvelle juridiction.
La Haute Assemblée a également réduit d’un mois à huit jours le délai de présentation devant le tribunal correctionnel en matière de comparution immédiate. Il est vrai que prévoir un délai d’un mois était quelque peu contradictoire avec ce caractère d’immédiateté ! Il s’agit d’un point d’équilibre entre la nécessité de pouvoir conserver les modes rapides de poursuites pour ces délits et celle d’éviter un accroissement du nombre des cas de détention provisoire.
Le deuxième grand volet du projet de loi vise à limiter la correctionnalisation des crimes, dont nous estimons tous qu’elle pose de réelles difficultés. On estime qu’environ 70 % des crimes ne sont pas jugés comme tels. C’est pour lutter contre ce phénomène que nous avons inscrit, dans le projet de loi, une réforme des assises. Il est en effet de notre responsabilité de faire juger les infractions selon les qualifications et les régimes qui ont été définis par le législateur.
Cette disposition a fait l’objet de nombreux débats. La « cour d’assises simplifiée » proposée par le Gouvernement n’a pas été retenue par le Sénat : tant pis ! Vous avez choisi de réduire le nombre de jurés aux assises de neuf à six en première instance, et de douze à neuf en appel. L’Assemblée nationale, après en avoir longuement discuté, s’est rangée à votre proposition, dont la mise en œuvre permettra, je le souhaite, une augmentation importante du nombre d’affaires jugées par an.
S’agissant du volet de l’exécution des peines et du suivi des condamnés dangereux, le Sénat a introduit des dispositions qui ont été enrichies par l’Assemblée nationale, puis précisées en commission mixte paritaire.
Ainsi, le texte assouplit les modalités de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d’une libération conditionnelle ou d’un suivi socio-judiciaire. Il assouplit aussi la procédure d’inscription des décisions de condamnation dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS.
Le projet de loi améliore le suivi des condamnés par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, en prévoyant qu’ils reçoivent leur convocation avant leur libération et qu’ils soient reçus dans un délai de huit jours à un mois, selon la gravité des faits commis. La commission mixte paritaire a précisé que les directeurs des SPIP devront avoir accès au bulletin n° 1 du casier judiciaire, ce qui n’était pas systématique jusqu’à présent, d’où certains dysfonctionnements.
En outre, nous disposons d’un cadre renforcé pour le prononcé des décisions de libération conditionnelle, avec l’extension des évaluations pluridisciplinaires. Pour permettre la mise en œuvre de ces nouvelles évaluations, nous avons prévu l’ouverture de trois nouveaux centres d’évaluation, devant s’ajouter à celui déjà existant de Fresnes. Celui de Réau, en Seine-et-Marne, ouvrira en octobre prochain. Un autre sera créé dans la région lilloise, dans les locaux de l’ancienne prison, que nous devons conserver pour des raisons historiques. L’évaluation de la dangerosité des détenus est essentielle en matière de prévention de la récidive.
Enfin, le texte tend à améliorer la justice pénale des mineurs.
Depuis les travaux conduits sous l’égide du recteur Varinard, la chancellerie a élaboré, dans un cadre concerté, un projet de code de justice des mineurs, quasiment achevé à ce jour. Cependant, ce projet ayant été envisagé dans le cadre plus global de la réforme de la procédure pénale, la fin toute proche de la législature ne nous permettait pas de l’adopter avant avril 2012.
Néanmoins, la situation, toujours préoccupante, de la délinquance des mineurs, notamment s’agissant des violences aux personnes, justifiait que nous mettions en œuvre dès à présent certaines mesures, aussi bien pour améliorer la connaissance de la personnalité des mineurs, avec la création du dossier unique de personnalité, que pour apporter des réponses mieux adaptées, avec l’extension des centres éducatifs fermés ou la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs.
Je le redis, nous avons veillé à ce que cette réforme respecte les principes propres à la justice des mineurs, tels qu’ils sont définis par la loi de 1912 et l’ordonnance de 1945 et rappelés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions de 2002 et 2011.
Le Sénat a renforcé la formation de jugement du tribunal correctionnel pour mineurs, car elle sera présidée par le juge des enfants. La commission mixte paritaire a retenu cette configuration, qui préserve la spécificité des tribunaux pour mineurs. Il y aura donc un tribunal correctionnel spécialement constitué, présidé par un juge des enfants et qui appliquera la procédure du tribunal pour enfants.
En ce qui concerne le dossier unique de personnalité, les deux chambres ont apporté des garanties de confidentialité des données collectées, notamment pour limiter l’utilisation du dossier à la majorité du mineur.
Le projet de loi donne au parquet la possibilité de convoquer directement le mineur devant le tribunal pour enfants, par voie d’une convocation par officier de police judiciaire. Le Sénat a encadré ce dispositif en limitant son champ aux mineurs connus de la justice.
Je me félicite de ce que la commission mixte paritaire se soit accordée sur le dispositif de césure : celui-ci permettra de concilier décision rapide sur la déclaration de culpabilité et réponse pénale adaptée en fonction des éléments de personnalité recueillis.
La commission mixte paritaire a trouvé une solution de compromis sur la levée du huis clos pour le jugement des majeurs qui étaient mineurs au moment des faits. Celle-ci ne pourra être demandée que par le ministère public ou un autre accusé, mais ne pourra l’être par la partie civile. Je crois que nous partageons tous le même sentiment sur ce sujet. La partie civile a droit à réparation pour le préjudice subi, mais c’est à l’État qu’il revient de mener le procès pénal en vue de réparer l’atteinte portée au pacte social.
Depuis maintenant quatre ans, nous avons profondément rénové la justice pénale de notre pays, désormais plus protectrice des droits et libertés de nos concitoyens, notamment avec la réforme de la garde à vue ou la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC. Le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, permet d’aller encore plus loin, en associant véritablement les citoyens à la justice.